Arthur Rimbaud -Les soeurs de charité- |
mercredi, septembre 08, 2004 |
Les soeurs de charité Arthur Rimbaud (1854-1891)
Le jeune homme dont l'oeil est brillant, la peau brune, Le beau corps de vingt ans qui devrait aller nu, Et qu'eût, le front cerclé de cuivre, sous la lune Adoré, dans la Perse, un Génie inconnu,
Impétueux avec des douceurs virginales Et noires, fier de ses premiers entêtements, Pareil aux jeunes mers, pleurs de nuits estivales, Qui se retournent sur des lits de diamants ;
Le jeune homme, devant les laideurs de ce monde, Tressaille dans son coeur largement irrité, Et plein de la blessure éternelle et profonde, Se prend à désirer sa soeur de charité.
Mais, ô Femme, monceau d'entrailles, pitié douce, Tu n'es jamais la Soeur de charité, jamais, Ni regard noir, ni ventre où dort une ombre rousse, Ni doigts légers, ni seins splendidement formés.
Aveugle irréveillée aux immenses prunelles, Tout notre embrassement n'est qu'une question : C'est toi qui pends à nous, porteuse de mamelles, Nous te berçons, charmante et grave Passion.
Tes haines, tes torpeurs fixes, tes défaillances, Et les brutalités souffertes autrefois, Tu nous rends tout, ô Nuit pourtant sans malveillances, Comme un excès de sang épanché tous les mois.
- Quand la femme, portée un instant, l'épouvante, Amour, appel de vie et chanson d'action, Viennent la Muse verte et la Justice ardente Le déchirer de leur auguste obsession.
Ah ! sans cesse altéré des splendeurs et des calmes, Délaissé des deux Soeurs implacables, geignant Avec tendresse après la science aux bras almes, Il porte à la nature en fleur son front saignant.
Mais la noire alchimie et les saintes études Répugnent au blessé, sombre savant d'orgueil ; Il sent marcher sur lui d'atroces solitudes. Alors, et toujours beau, sans dégoût du cercueil,
Qu'il croie aux vastes fins, Rêves ou Promenades Immenses, à travers les nuits de Vérité, Et t'appelle en son âme et ses membres malades, Ô Mort mystérieuse, ô soeur de charité.
Las hermanas de caridad
El joven cuyos ojos son brillantes, con cuerpo moreno, que debiera ir desnudo a su edad, con su frente ceñida de cobre, ante la luna, adorado por Persas, Genio desconocido,
desbocado, aunque tiene ternuras virginales y negras, orgulloso de su empeño primero, cual los mares recientes, llanto en noches de estío que se agitan insomnes en lechos de diamantes;
este joven, al ver la fealdad del mundo, tiembla en su corazón ampliamente irritado, y henchido por la herida profunda y permanente desea que su hermana de caridad venga a él
Pero, Mujer, montón de entrañas, piedad dulce, nunca fuiste hermana de caridad, no, nunca; negra mirada, vientre en el que duerme roja umbría, dedos leves, pechos bien torneados.
Ciega, que aún dormitas, con pupilas inmensas, nuestro abrazo no fue sino nudo de dudas: portadora de tetas, eres tú la que pende de nosotros, ¡oh, duerme!, risueña honda Pasión.
Tus odios, tus perezas permanentes, tus faltas, y tus brutalidades antaño padecidas, nos las devuelves, todas, Noche, pero sin odio, como el raudal de sangre que cada mes derramas
Cuando la hembra, aguantada un momento, lo aterra, Amor, canto a la vida y llamada a la acción, llegan la Musa verde y la justicia ardiente, y desgarran su carne con augusta obsesión
Siempre conmocionado por calmas y esplendores, dejado por las dos Hermanas implacables, gimiendo con ternura tras la ciencia nodriza, le ofrece al verde campo su frente herida, en flor.
Pero la negra alquimia y los santos estudios repugnan al herido, sombrío sabio altivo, que siente alzarse en él atroces soledades. Entonces, siempre hermoso, sin asco del sepulcro...
que crea en la gran meta, los Sueños o Paseos inmensos, por la noche negra de la Verdad, y que te llame, enfermo, en su alma y en sus miembros, ¡oh Muerte, misteriosa, oh Sor de caridad!Libellés : Arthur Rimbaud |
posted by Alfil @ 3:49 PM |
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