Arthur Rimbaud -Les assis- |
mercredi, septembre 08, 2004 |
Les assis Arthur Rimbaud (1854-1891)
Noirs de loupes, grêlés, les yeux cerclés de bagues Vertes, leurs doigts boulus crispés à leurs fémurs, Le sinciput plaqué de hargnosités vagues Comme les floraisons lépreuses des vieux murs ;
Ils ont greffé dans des amours épileptiques Leurs fantasque ossature aux grands squelettes noirs De leurs chaises ; leurs pieds aux barreaux rachitiques S'entrelacent pour les matins et pour les soirs !
Ces vieillards ont toujours fait tresse avec leurs sièges, Sentant les soleils vifs percaliser leur peau Ou, les yeux à la vitre où se fanent les neiges, Tremblant du tremblement douloureux du crapaud.
Et les Sièges leur ont des bontés : culottée De brun, la paille cède aux angles de leurs reins ; L'âme des vieux soleils s'allume, emmaillotée Dans ces tresses d'épis où fermentaient les grains.
Et les Assis, genoux aux dents, verts pianistes, Les dix doigts sous leur siège aux rumeurs de tambour, S'écoutent clapoter des barcarolles tristes, Et leurs caboches vont dans des roulis d'amour.
- Oh ! ne les faites pas lever ! C'est le naufrage... Ils surgissent, grondant comme des chats giflés, Ouvrant lentement leurs omoplates, ô rage ! Tout leur pantalon bouffe à leurs reins boursouflés.
Et vous les écoutez, cognant leurs têtes chauves Aux murs sombres, plaquant et plaquant leurs pieds tors, Et leurs boutons d'habit sont des prunelles fauves Qui vous accrochent l'oeil du fond des corridors !
Puis ils ont une main invisible qui tue : Au retour, leur regard filtre ce venin noir Qui charge l'oeil souffrant de la chienne battue, Et vous suez, pris dans un atroce entonnoir.
Rassis, les poings noyés dans des manchettes sales, Ils songent à ceux-là qui les ont fait lever Et, de l'aurore au soir, des grappes d'amygdales Sous leurs mentons chétifs s'agitent à crever.
Quand l'austère sommeil a baissé leurs visières, Ils rêvent sur leur bras de sièges fécondés, De vrais petits amours de chaises en lisière Par lesquelles de fiers bureaux seront bordés ;
Des fleurs d'encre crachant des pollens en virgule Les bercent, le long des calices accroupis Tels qu'au fil des glaïeuls le vol des libellules - Et leur membre s'agace à des barbes d'épis.
Los sentados
Costrosos, negros, flacos, con los ojos cercados de verde, dedos romos crispados sobre el fémur, con la mollera llena de rencores difusos como las floraciones leprosas de los muros;
han injertado gracias a un amor epiléptico su osamenta esperpentica al esqueleto negro de sus sillas; ¡sus pies siguen entrelazados mañana, tarde y noche, a las patas raquíticas!
Estos viejos perduran trenzados a sus sillas, al sentir cómo el sol percaliza su piel o al ver en la ventana cómo se aja la nieve, temblando como tiemblan doloridos los sapos.
Los Asientos les brindan favores, pues, prensada, la paja oscura cede a sus flacos riñones y el alma de los soles pasados arde, presa de las trenzas de espigas donde el grano cuajaba
Los Sentados, cual músicos, con la boca en sus muslos, golpean con sus dedos el asiento, rumores de tambor, del que sacan barcarolas tan tristes que sus cabezas rolan en vaivenes de amor.
––¡Ah, que no se levanten! Llegaría el naufragio... Pero se alzan, gruñendo, como gatos heridos, desplegando despacio, rabiosos, sus omóplatos: y el pantalón se abomba, vacío, entorno al lomo.
Oyes cómo golpean con sus cabezas calvas las paredes oscuras, al andar retorcidos, ¡y los botones son, en su traje, pupilas de fuego que nos hieren, al fondo del pasillo!
Mas tienen una mano invisible que mata: al volver, su mirada filtra el veneno negro que llena el ojo agónico del perro apaleado, y sudas, prisionero de un embudo feroz.
Se sientan, con los puños ahogados en la mugre de sus mangas, y piensan en quien les hizo andar; y del alba a la noche, sus amígdalas tiemblan bajo el mentón, racimos a punto de estallar.
Y cuando el sueño austero abate sus viseras, sueñan, sobre sus brazos, con sillas fecundadas: auténticos amores, mínimos, como asientos bordeando el orgullo de mesas de despacho.
Flores de tinta escupen pólenes como tildes, acunándolos sobre cálices en cuclillas, como a ras de unos gladios un vuelo de libélulas ––y su miembro se excita al rozar las espigasLibellés : Arthur Rimbaud |
posted by Alfil @ 3:22 PM |
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