dimanche, avril 23, 2006

Charles Baudelaire -A une passante-

A une passante
Charles Baudelaire (1821-1867)

La rue assourdissante autour de moi hurlait.
Longue, mince, en grand deuil, douleur majestueuse,
Une femme passa, d'une main fastueuse
Soulevant, balançant le feston et l'ourlet;

Agile et noble, avec sa jambe de statue.
Moi, je buvais, crispé comme un extravagant,
Dans son oeil, ciel livide où germe l'ouragan,
La douceur qui fascine et le plaisir qui tue.

Un éclair... puis la nuit! - Fugitive beauté
Dont le regard m'a fait soudainement renaître,
Ne te verrai-je plus que dans l'éternité?

Ailleurs, bien loin d'ici! trop tard! jamais peut-être!
Car j'ignore où tu fuis, tu ne sais où je vais,
O toi que j'eusse aimée, ô toi qui le savais!


A una transeunte

La calle ensordecedora alrededor mío aullaba.
Alta, delgada, enlutada, dolor majestuoso,
Una mujer pasó, con mano fastuosa
Levantando, balanceando el ruedo y el festón;

Ágil y noble, con su pierna de estatua.
Yo, yo bebí, crispado como un extravagante,
En su pupila, cielo lívido donde germina el huracán,
La dulzura que fascina y el placer que mata.

Un rayo... ¡luego la noche! — Fugitiva beldad
Cuya mirada me ha hecho súbitamente renacer,
¿No te veré más que en la eternidad?

Desde ya, ¡lejos de aquí! ¡Demasiado tarde! ¡Jamás, quizá!
Porque ignoro dónde tú huyes, tú no sabes dónde voy,
¡Oh, tú!, a la que yo hubiera amado, ¡oh, tú que lo supiste!

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