dimanche, avril 23, 2006

Charles Baudelaire -L'horloge-

L'horloge
Charles Baudelaire (1821-1867)

Horloge! dieu sinistre, effrayant, impassible,
Dont le doigt nous menace et nous dit: "Souviens-toi!
Les vibrantes Douleurs dans ton coeur plein d'effroi
Se planteront bientôt comme dans une cible;

Le Plaisir vaporeux fuira vers l'horizon
Ainsi qu'une sylphide au fond de la coulisse;
Chaque instant te dévore un morceau du délice
A chaque homme accordé pour toute sa saison.

Trois mille six cents fois par heure, la Seconde
Chuchote: Souviens-toi! - Rapide, avec sa voix
D'insecte, Maintenant dit: Je suis Autrefois,
Et j'ai pompé ta vie avec ma trompe immonde!

Remember! Souviens-toi! prodigue! Esto memor!
(Mon gosier de métal parle toutes les langues.)
Les minutes, mortel folâtre, sont des gangues
Qu'il ne faut pas lâcher sans en extraire l'or!

Souviens-toi que le Temps est un joueur avide
Qui gagne sans tricher, à tout coup! c'est la loi.
Le jour décroît; la nuit augmente; souviens-toi!
Le gouffre a toujours soif; la clepsydre se vide.

Tantôt sonnera l'heure où le divin Hasard,
Où l'auguste Vertu, ton épouse encor vierge,
Où le Repentir même (oh! la dernière auberge!),
Où tout te dira Meurs, vieux lâche! il est trop tard!"


El reloj

¡Reloj! ¡Divinidad siniestra, horrible, impasible,
Cuyo dedo nos amenaza y nos dice: ¡Recuerda!
Los vibrantes Dolores en tu corazón lleno de terror
Se plantarán pronto como en un blanco;

El Placer vaporoso huirá hacia el horizonte
Tal como una sílfide hacia el fondo del pasillo;
Cada instante te devora un trozo de la delicia
Acordada a cada hombre para toda su estancia.

Tres mil seiscientas veces por hora, el Segundero
Murmura: ¡Recuerda! -Rápido, con su voz
De insecto, Ahora dice: ¡Yo soy Antaño,
Y yo he bombeado tu vida con mi trompa inmunda!

¡Remember! ¡Recuerda! pródigo Esto memorl
(Mi garganta de metal habla todas las lenguas.)
¡Los minutos, muerte juguetona, son gangas
Que no hay que dejar sin extraer el oro!

¡Recuerda! que el Tiempo es un jugador ávido
Que gana sin trampear, ¡en todo golpe! es la ley.
El día declina; la noche aumenta: ¡recuerda!
El abismo tiene siempre sed; la clepsidra se vacía.

Luego sonará la hora en que el Divino Azar,
Donde la augusta Virtud, tu esposa todavía virgen,
Donde el Arrepentimiento mismo (¡oh, el postrer refugio!)
Donde todo te dirá: ¡Muere, viejo flojo! ¡es muy tarde!"

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