Le goût du néant
Charles Baudelaire (1821-1867)
Morne esprit, autrefois amoureux de la lutte,
L'Espoir, dont l'éperon attisait ton ardeur
Ne veut plus t'enfourcher! Couche-toi sans pudeur
Vieux cheval dont le pied à chaque obstacle butte.
Résigne-toi, mon coeur; dors ton sommeil de brute.
Esprit vaincu, fourbu! Pour toi, vieux maraudeur,
L'amour n'a plus de goût, non plus que la dispute
Adieu donc, chants du cuivre et soupirs de la flûte!
Plaisirs, ne tentez plus un coeur sombre et boudeur!
Le Printemps adorable a perdu son odeur!
Et le Temps m'engloutit minute par minute
Comme la neige immense un corps pris de roideur
- Je contemple d'en haut le globe en sa rondeur
Et je n'y cherche plus l'abri d'une cahute.
Avalanche, veux-tu m'emporter dans ta chute?
El gusto de la nada
Melancólico espíritu, en otros tiempos enamorado de la lucha,
La Esperanza, cuya espuela acuciaba tu ardor,
¡No quiere más montarte! Acuéstate sin pudor,
Viejo caballo cuyos cascos en cada obstáculo chocan.
Resígnate, corazón mío; duerme tu sueño de bruto.
Espíritu vencido, ¡despeado! Para ti, viejo merodeador,
El amor no tiene más gusto, no más que la disputa,
¡Adiós, pues, cantos del cobre y suspiros de la flauta!
¡Placeres, no tentéis más un corazón sombrío y embustero!
¡La Primavera adorable ha perdido su perfume!
Y el Tiempo me engulle minuto tras minuto,
Como la nieve inmensa un cuerpo ya tieso;
Yo contemplo desde lo alto el globo en su redondez
Y no busco más el abrigo de una choza.
Avalancha, ¿quieres arrastrarme en tu caída?
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