Les premières instants René Char (1907-1988)
Nous regardions couler devant nous l’eau grandissante. Elle effaçait d’un coup la montagne, se chassant de ses flancs maternels. Ce n’etait pas un torrent qui s’offrait a son destin mais une bete ineffable dont nous devenions la parole et la substance. Elle nous tenait amoureux sur l’arc toutpuissant de son imagination. Quelle intervention eut pu nous contraindre? La modicité quotidienne avait fui, le sang jeté était rendu á sa chaleur. Adoptés par l’ouvert, poncés jusqu’a l’invisible, nous étions une victoire qui ne prendrait jamais fin.
Los primeros instantes Mirábamos correr ante nosotros el agua creciente. De repente borraba la montaña, escapando de sus flancos maternales. No era un torrente que se ofrecía a su destino sino un animal inefable en cuya palabra y sustancia nos habíamos convertido. Nos mantenía enamorados sobre el arco todopoderoso de su imaginación. ¿Qué intervención hubiera podido obligarnos? La mediocridad cotidiana había huido, la sangre arrojada era devuelta a su calor. Adoptados por lo abierto, pulidos hasta lo invisible, éramos una victoria que no terminaría jamás.
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