jeudi, mai 25, 2006

Guillaume Apollinaire -Le voyageur-

Le voyageur
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)

A Fernand Fleuret

Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant

La vie est variable aussi bien que l'Euripe

Tu regardais un banc de nuages descendre
Avec le paquebot orphelin vers les fièvres futures
Et de tous ces regrets de tous ces repentirs
Te souviens-tu

Vagues poisons arqués fleurs surmarines
Une nuit c'était la mer
Et les fleuves s'y répandaient

Je m'en souviens je m'en souviens encore

Un soir je descendis dans une auberge triste
Auprès de Luxembourg
Dans le fond de la sale il s'envolait un Christ
Quelqu'un avait un furet
Un autre un hérisson
L'on jouait aux cartes
Et toi tu m'avais oublié

Te souviens-tu du long orphelinat des gares
Nous traversâmes des villes qui tout le jour tournaient
Et vomissaient la nuit le soleil des journées
Ô matelots ô femmes sombres et vous mes compagnons
Souvenez-vous en

Deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés
Deux matelots qui ne s'étaient jamais parlé
Le plus jeune en mourant tomba sur le coté

Ô vous chers compagnons
Sonneries électriques des gares chants des moissonneuses
Traîneau d'un boucher régiment des rues sans nombre
Caalerie des ponts nuits livides de l'alcool
Les villes que j'ai vues vivaient comme des folles

Te souviens-tu des banlieues et du troupeau plaintif des paysages

Les cyprès projetaient sous la lune leurs ombres
J'écoutais cette nuit au déclin de l'été
Un oiseau langoureux et toujours irrité
Et le bruit éternel d'un fleuve large et sombre

Mais tandis que mourants roulaient vers l'estuaire
Tous les regards tous les regards de tous les yeux
Les bords étaient déserts herbus silencieux
Et la montagne a l'autre rive était très claire

Alors sans bruit sans qu'on put voir rien de vivant
Contre le mont passèrent des ombres vivaces
De profil ou soudain tournant leurs vagues faces
Et tenant l'ombre de leurs lances en avant

Les ombres contre le mont perpendiculaire
Grandissaient ou parfois s'abaissaient brusquement
Et ces ombres barbues pleuraient humainement
En glissant pas à pas sur la montagne Claire

Qui donc reconnais-tu sur ces vieilles photographies
Te souviens-tu du jour ou une abeille tomba dans le feu
C'était tu t'en souviens à la fin de l'été
Deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés
L'aîné portait au cou une chaîne de fer
Le plus jeune mettait ses cheveux blonds en tresse

Ouvrez-moi cette porte ou je frappe en pleurant

La vie est variable aussi bien que l'Euripe


El viajero

A Fernand Fleuret

Abridme esta puerta donde llamo llorando

La vida es tan variable como el Euripo

Mirabas un tropel de nubes bajando
Con el navío huérfano hacia las fiebres futuras
Y de todas estas añoranzas de todos estos arrepentimientos
¿Te acuerdas?

Vagos peces arqueados flores submarinas
Una noche era el ma
lY los ríos ahí se derramaban

Me acuerdo me acuerdo aún

Una noche entré en un albergue triste
Cerca de Luxemburgo
En el fondo de la sala levantaba el vuelo un Cristo
Alguien tenía un hurón
Otro un erizo
Se jugaba a las cartas
Y tú me habías olvidado
¿Te acuerdas del largo orfanato de las estaciones?
cruzamos ciudades que giraban todo el tiempo
Y vomitaban de noche el sol de los días

Oh marineros oh mujeres sombrías y vosotros compañeros míos
Acordaros

Dos marineros que nunca se habían separado
Dos marineros que nunca se habían hablado
El más joven muriéndose cayo de costado

Oh vosotros queridos compañeros
Timbres eléctricos de las estaciones canto de las segadoras
Trineo del carnicero regimiento de las calles sin nombre
Caballería de los puentes noches lívidas del alcohol
Las ciudades que he visto vivían como locas

¿Te acuerdas de los suburbios y del rebaño quejumbroso de los paisajes?

Los cipreses proyectaban bajo la luna sus sombras
Aquella noche yo escuchaba el declive del verano
Un pájaro lánguido y siempre irritado
Y el ruido eterno de un río ancho y oscuro

Pero mientras moribundas rodaban hacia el estuario
Todas las miradas todas las miradas de todos los ojos
Las orillas estaban desiertas llenas de hierbas silenciosas
Y la montaña en la otra ribera era muy clara.

Entonces sin ruido sin que se pueda ver nada vivo
Contra el monte pasaron sombras vivaces
De perfil o de repente girando sus vagos rostros
Y levantando la sombra de sus lanzas hacia delante

Las sombras contra el monte perpendicular
Crecían o a veces bajaban bruscamente
Y esas sombras barbudas lloraban humanamente
Deslizándose paso a paso sobre la montaña clara

¿A quién reconoces sobre esas viejas fotografías?
¿Te acuerdas del día donde una abeja cayó en el fuego?
Era ¿te acuerdas? al final del verano
Dos marineros que nunca se habían separado
El mayor llevaba al cuello una cadena de hierro
El más joven peinaba su pelo rubio en forma de trenza

Abridme esta puerta donde llamo llorando

La vida es tan variable como el Euripo

1 commentaire:

  1. Precioso poema ...
    Te invito a visitar mi blog de musica francesa ... (bueno, y tb los otros! ;o) )
    Yo tb soy fan de todo lo frances!
    Slds

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