Le voyageur Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)
A Fernand Fleuret
Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant
La vie est variable aussi bien que l'Euripe
Tu regardais un banc de nuages descendre Avec le paquebot orphelin vers les fièvres futures Et de tous ces regrets de tous ces repentirs Te souviens-tu
Vagues poisons arqués fleurs surmarines Une nuit c'était la mer Et les fleuves s'y répandaient
Je m'en souviens je m'en souviens encore
Un soir je descendis dans une auberge triste Auprès de Luxembourg Dans le fond de la sale il s'envolait un Christ Quelqu'un avait un furet Un autre un hérisson L'on jouait aux cartes Et toi tu m'avais oublié
Te souviens-tu du long orphelinat des gares Nous traversâmes des villes qui tout le jour tournaient Et vomissaient la nuit le soleil des journées Ô matelots ô femmes sombres et vous mes compagnons Souvenez-vous en
Deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés Deux matelots qui ne s'étaient jamais parlé Le plus jeune en mourant tomba sur le coté
Ô vous chers compagnons Sonneries électriques des gares chants des moissonneuses Traîneau d'un boucher régiment des rues sans nombre Caalerie des ponts nuits livides de l'alcool Les villes que j'ai vues vivaient comme des folles
Te souviens-tu des banlieues et du troupeau plaintif des paysages
Les cyprès projetaient sous la lune leurs ombres J'écoutais cette nuit au déclin de l'été Un oiseau langoureux et toujours irrité Et le bruit éternel d'un fleuve large et sombre
Mais tandis que mourants roulaient vers l'estuaire Tous les regards tous les regards de tous les yeux Les bords étaient déserts herbus silencieux Et la montagne a l'autre rive était très claire
Alors sans bruit sans qu'on put voir rien de vivant Contre le mont passèrent des ombres vivaces De profil ou soudain tournant leurs vagues faces Et tenant l'ombre de leurs lances en avant
Les ombres contre le mont perpendiculaire Grandissaient ou parfois s'abaissaient brusquement Et ces ombres barbues pleuraient humainement En glissant pas à pas sur la montagne Claire
Qui donc reconnais-tu sur ces vieilles photographies Te souviens-tu du jour ou une abeille tomba dans le feu C'était tu t'en souviens à la fin de l'été Deux matelots qui ne s'étaient jamais quittés L'aîné portait au cou une chaîne de fer Le plus jeune mettait ses cheveux blonds en tresse
Ouvrez-moi cette porte ou je frappe en pleurant
La vie est variable aussi bien que l'Euripe
El viajero
A Fernand Fleuret
Abridme esta puerta donde llamo llorando
La vida es tan variable como el Euripo
Mirabas un tropel de nubes bajando Con el navío huérfano hacia las fiebres futuras Y de todas estas añoranzas de todos estos arrepentimientos ¿Te acuerdas?
Vagos peces arqueados flores submarinas Una noche era el ma lY los ríos ahí se derramaban
Me acuerdo me acuerdo aún
Una noche entré en un albergue triste Cerca de Luxemburgo En el fondo de la sala levantaba el vuelo un Cristo Alguien tenía un hurón Otro un erizo Se jugaba a las cartas Y tú me habías olvidado ¿Te acuerdas del largo orfanato de las estaciones? cruzamos ciudades que giraban todo el tiempo Y vomitaban de noche el sol de los días
Oh marineros oh mujeres sombrías y vosotros compañeros míos Acordaros
Dos marineros que nunca se habían separado Dos marineros que nunca se habían hablado El más joven muriéndose cayo de costado
Oh vosotros queridos compañeros Timbres eléctricos de las estaciones canto de las segadoras Trineo del carnicero regimiento de las calles sin nombre Caballería de los puentes noches lívidas del alcohol Las ciudades que he visto vivían como locas
¿Te acuerdas de los suburbios y del rebaño quejumbroso de los paisajes?
Los cipreses proyectaban bajo la luna sus sombras Aquella noche yo escuchaba el declive del verano Un pájaro lánguido y siempre irritado Y el ruido eterno de un río ancho y oscuro
Pero mientras moribundas rodaban hacia el estuario Todas las miradas todas las miradas de todos los ojos Las orillas estaban desiertas llenas de hierbas silenciosas Y la montaña en la otra ribera era muy clara.
Entonces sin ruido sin que se pueda ver nada vivo Contra el monte pasaron sombras vivaces De perfil o de repente girando sus vagos rostros Y levantando la sombra de sus lanzas hacia delante
Las sombras contra el monte perpendicular Crecían o a veces bajaban bruscamente Y esas sombras barbudas lloraban humanamente Deslizándose paso a paso sobre la montaña clara
¿A quién reconoces sobre esas viejas fotografías? ¿Te acuerdas del día donde una abeja cayó en el fuego? Era ¿te acuerdas? al final del verano Dos marineros que nunca se habían separado El mayor llevaba al cuello una cadena de hierro El más joven peinaba su pelo rubio en forma de trenza
Abridme esta puerta donde llamo llorando
La vida es tan variable como el EuripoLibellés : Guillaume Apollinaire |
Precioso poema ...
Te invito a visitar mi blog de musica francesa ... (bueno, y tb los otros! ;o) )
Yo tb soy fan de todo lo frances!
Slds