Arbre Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)
À Frédéric Boutet.
Tu chantes avec les autres tandis que les phonographes galopent Où sont les aveugles où s'en sont-ils allés La seule feuille que j'aie cueillie s'est changée en plusieurs mirages Ne m'abandonnez pas parmi cette foule de femmes au marché Ispahan s'est fait un ciel de carreaux émaillés de bleu Et je remonte avec vous une route aux environs de Lyon
Je n'ai pas oublié le son de la clochette d'un marchand de coco d'autrefois J'entends déjà le son aigre de cette voix à venir Du camarade qui se promènera avec toi en Europe Tout en restant en Amérique
Un enfant Un veau dépouillé pendu à l'étal Un enfant Et cette banlieue de sable autour d'une pauvre ville au fond de l'est Un douanier se tenait là comme un ange À la porte d'un misérable paradis Et ce voyageur épileptique écumait dans la salle d'attente des premières
Engoulevent Blaireau Et la Taupe-Ariane Nous avions loué deux coupés dans le transsibérien Tour à tour nous dormions le voyageur en bijouterie et moi Mais celui qui veillait ne cachait point un revolver armé
Tu t'es promené à Leipzig avec une femme mince déguisée en homme Intelligence car voilà ce que c'est qu'une femme intelligente Et il ne faudrait pas oublier les légendes Dame-Abonde dans un tramway la nuit au fond d'un quartier désert Je voyais une chasse tandis que je montais Et l'ascenseur s'arrêtait à chaque étage
Entre les pierres Entre les vêtements multicolores de la vitrine Entre les charbons ardents du marchand de marrons Entre deux vaisseaux norvégiens amarrés à Rouen Il y a ton image
Elle pousse entre les bouleaux de la Finlande
Ce beau nègre en acier
La plus grande tristesse C'est quand tu reçus une carte postale de La Corogne Le vent vient du couchant Le métal des caroubiers Tout est plus triste qu'autrefois Tous les dieux terrestres vieillissent L'univers se plaint par ta voix Et des êtres nouveaux surgissent Trois par trois
Arbol
A Federico Boutet.
Cantas con otros mientras que los fonógrafos galopan Donde están los ciegos Dónde se fueron La sola hoja que haya recogido se cambió en varios espejismos No me abandone entre esta muchedumbre de mujeres en el mercado Ispahán se hizo un cielo de baldosas salpicadasde azul Y vuelvo a montar con usted un camino en las afueras de Lyon
No olvidé el sonido de la campanilla de un vendedor de coco de en otro tiempo Ya pienso el sonido agrio de esta voz venir Del compañero que se paseará contigo en Europa quedándose en América
Un niño Un ternero desnudo colgado de la tabla de carnicero Un niño Y estas afueras de arena alrededor de un pobre Ciudad en el fondo de lo que es Un aduanero se cogía allí como un ángel en la puerta del miserable paraíso Y este viajero epiléptico espumaba en la sala de espera de las primeras
Engoulevent Brochay Y la Taupe-Ariane Habíamos alquilado dos cupés en el transiberiano Por turno dormíamos el viajero Bijouterie y yo pero el que velaba no escondía en absoluto un revólver armado
Te paseaste en Leipzig con una mujer delgado disfrazada de hombre Inteligencia porque he aquí lo que es que una mujer inteligente Y no habría que olvidar las leyendas Dama abunda en un tranvía por la noche en el fondo de uno Barrio desierto Veía una caza mientras que subía Y el ascensor se fijaba en cada piso
Entre las piedras entre los trajes multicolores del escaparate entre las ascuas del vendedor de castañas entre dos buques noruegos amarrados a Ruánha y tu imagen
Crece entre los abedules de Finlandia
Este bello negro de acero
La tristeza más grande Es cuando recibiste una postal de La Coruña El viento viene del poniente El metal de los algarrobos Todo está más triste que en otro tiempo Todos los dioses terrestres envejecen El universo se queja por tu voz Y seres nuevos surgen En formación de a tres.Libellés : Guillaume Apollinaire |