Charles Baudelaire -Le flacon |
dimanche, avril 23, 2006 |
Le flacon Charles Baudelaire (1821-1867)
Il est de forts parfums pour qui toute matière Est poreuse. On dirait qu'ils pénètrent le verre. En ouvrant un coffret venu de l'Orient Dont la serrure grince et rechigne en criant,
Ou dans une maison déserte quelque armoire Pleine de l'âcre odeur des temps, poudreuse et noire, Parfois on trouve un vieux flacon qui se souvient, D'où jaillit toute vive une âme qui revient.
Mille pensers dormaient, chrysalides funèbres, Frémissant doucement dans les lourdes ténèbres, Qui dégagent leur aile et prennent leur essor, Teintés d'azur, glacés de rose, lamés d'or.
Voilà le souvenir enivrant qui voltige Dans l'air troublé; les yeux se ferment; le VertigeSaisit l'âme vaincue et la pousse à deux mains Vers un gouffre obscurci de miasmes humains;
Il la terrasse au bord d'un gouffre séculaire, Où, Lazare odorant déchirant son suaire, Se meut dans son réveil le cadavre spectral D'un vieil amour ranci, charmant et sépulcral.
Ainsi, quand je serai perdu dans la mémoire Des hommes, dans le coin d'une sinistre armoire Quand on m'aura jeté, vieux flacon désolé, Décrépit, poudreux, sale, abject, visqueux, fêlé,
Je serai ton cercueil, aimable pestilence! Le témoin de ta force et de ta virulence, Cher poison préparé par les anges! liqueur Qui me ronge, ô la vie et la mort de mon coeur!
El frasco
Hay fuertes perfumes para los que toda materia Es porosa. Se diría que penetran el vaso. Al abrir un cofrecillo llegado del Oriente Cuya cerradura rechina y se resiste chirriando,
O bien en una casa desierta en algún armario Lleno del acre olor del tiempo, polvoriento y negro, A veces encontramos un viejo frasco que se recuerda Del que surge vivísima un alma que resucita.
Mil pensamientos dormían, crisálidas fúnebres, Temblando dulcemente en las pesadas tinieblas, Que entreabren su ala y toman su impulso, Teñidas de azur, salpicadas de rosa, laminadas de oro.
He aquí el recuerdo embriagador que revolotea En el aire turbado; los ojos se cierran: el Vértigo Agarra el alma vencida y la arroja a dos manos Hacia un abismo oscurecido de miasmas humanas;
La derriba al borde de un abismo secular, Donde, Lázaro oloroso desgarrando un sudario, Se mueve en su despertar el cadáver espectral De un viejo amor rancio, encantador y sepulcral.
Así, cuando yo esté perdido en la memoria De los hombres, en el rincón de un siniestro armario guando me hayan arrojado, viejo frasco desolado ,Decrépito, polvoriento, sucio, abyecto, viscoso, rajado,
¡Yo seré tu ataúd, amable pestilencia! El testigo de tu fuerza y de tu virulencia, ¡Caro veneno preparado por los ángeles! licor Que me corroe, ¡Oh, la vida y la muerte de mi corazón!Libellés : Charles Baudelaire |
posted by Alfil @ 8:13 AM |
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