Charles Baudelaire -Le Crépuscule du Matin- |
dimanche, avril 23, 2006 |
Le Crépuscule du Matin Charles Baudelaire (1821-1867)
La diane chantait dans les cours des casernes, Et le vent du matin soufflait sur les lanternes.
C'était l'heure où l'essaim des rêves malfaisants Tord sur leurs oreillers les bruns adolescents; Où, comme un oeil sanglant qui palpite et qui bouge, La lampe sur le jour fait une tache rouge; Où l'âme, sous le poids du corps revêche et lourd, Imite les combats de la lampe et du jour. Comme un visage en pleurs que les brises essuient, L'air est plein du frisson des choses qui s'enfuient, Et l'homme est las d'écrire et la femme d'aimer.
Les maisons çà et là commençaient à fumer. Les femmes de plaisir, la paupière livide, Bouche ouverte, dormaient de leur sommeil stupide; Les pauvresses, traînant leurs seins maigres et froids, Soufflaient sur leurs tisons et soufflaient sur leurs doigts. C'était l'heure où parmi le froid et la lésine S'aggravent les douleurs des femmes en gésine; Comme un sanglot coupé par un sang écumeux Le chant du coq au loin déchirait l'air brumeux Une mer de brouillards baignait les édifices, Et les agonisants dans le fond des hospices Poussaient leur dernier râle en hoquets inégaux. Les débauchés rentraient, brisés par leurs travaux.
L'aurore grelottante en robe rose et verte S'avançait lentement sur la Seine déserte, Et le sombre Paris, en se frottant les yeux Empoignait ses outils, vieillard laborieux.
El crepúsculo matutino
La diana cantaba en los patios de los cuarteles, Y el viento de la mañana soplaba sobre las linternas.
Era la hora en que el enjambre de los sueños malignos Tuerce sobre sus almohadas los atezados adolescentes; Cuando, cual un ojo sangriento que palpita y se menea, La lámpara en el amanecer es una mancha roja; Cuando el alma, bajo el peso del cuerpo rudo y pesado, Imita los combates de la lámpara y del día. Como un rostro en llanto que las brisas enjugan, El aire está lleno del escalofrío de las cosas que se fugan, Y el hombre está fatigado de escribir y la mujer de amar,
Las casas, aquí y allá, comienzan a humear, Las hembras de placer, el párpado lívido, Boca abierta, dormían con su sueño estúpido; Las pordioseras, arrastrando sus senos fláccidos y fríos, Soplaban sobre sus tizones y soplaban sobre sus dedos. Era la hora en que, entre el frío y la roñería Se agravan los dolores de las mujeres yacientes; Cual un sollozo cortado por un vómito espumoso El canto del gallo, a lo lejos, rasgaba el aire brumoso; Un mar de nieblas bañaba los edificios, Y los agonizantes en el fondo de los hospicios Exhalaban su postrer estertor en hipos desiguales. Los libertinos regresaban, destrozados por sus esfuerzos.
La aurora tiritante, vestida de rosa y verde, Avanzaba lentamente sobre el Sena desierto, Y la sombra de París, frotándose los ojos, Empuñaba sus herramientas, anciano laborioso.Libellés : Charles Baudelaire |
posted by Alfil @ 10:32 AM |
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