Charles Baudelaire -Le chat (2)- |
dimanche, avril 23, 2006 |
Le chat (2) Charles Baudelaire (1821-1867)
I Dans ma cervelle se promène, Ainsi qu'en son appartement, Un beau chat, fort, doux et charmant. Quand il miaule, on l'entend à peine,
Tant son timbre est tendre et discret; Mais que sa voix s'apaise ou gronde, Elle est toujours riche et profonde. C'est là son charme et son secret.
Cette voix, qui perle et qui filtre Dans mon fonds le plus ténébreux, Me remplit comme un vers nombreux Et me réjouit comme un philtre.
Elle endort les plus cruels maux Et contient toutes les extases; Pour dire les plus longues phrases, Elle n'a pas besoin de mots.
Non, il n'est pas d'archet qui morde Sur mon coeur, parfait instrument, Et fasse plus royalement Chanter sa plus vibrante corde,
Que ta voix, chat mystérieux, Chat séraphique, chat étrange, En qui tout est, comme en un ange, Aussi subtil qu'harmonieux!
II De sa fourrure blonde et brune Sort un parfum si doux, qu'un soir J'en fus embaumé, pour l'avoir Caressée une fois, rien qu'une.
C'est l'esprit familier du lieu; Il juge, il préside, il inspire Toutes choses dans son empire; Peut-être est-il fée, est-il dieu?
Quand mes yeux, vers ce chat que j'aime Tirés comme par un aimant, Se retournent docilement Et que je regarde en moi-même,
Je vois avec étonnement Le feu de ses prunelles pâles, Clairs fanaux, vivantes opales Qui me contemplent fixement.
El gato (2)
I En mi cerebro se pasea, Como en su morada, Un hermoso gato, fuerte, suave y encantador. Cuando maúlla, casi no se le escucha,
A tal punto su timbre es tierno y discreto; Pero, aunque, su voz se suavice o gruña, Ella es siempre rica y profunda: Allí está su encanto y su secreto.
Esta voz, que brota y que filtra, En mi fondo más tenebroso, Me colma cual un verso cadencioso Y me regocija como un filtro.
Ella adormece los más crueles males Y contiene todos los éxtasis; Para decir las más largas frases, Ella no necesita de palabras.
No, no hay arco que muerda Sobre mi corazón, perfecto instrumento, Y haga más noblemente Cantar su más vibrante cuerda.
Que tu voz, gato misterioso, Gato seráfico, gato extraño, En que todo es, cual en un ángel, ¡Tan sutil como armonioso!
II De su piel blonda y oscura Brota un perfume tan dulce, que una noche Yo quedé embalsamado, por haberlo Acariciado una vez, nada más que una.
Es el espíritu familiar del lugar; El juzga, él preside, él inspira Todas las cosas en su imperio; ¿No será un hada, Dios?
Cuando mis ojos, hacia este gato amado Atraídos como por un imán, Se vuelven dócilmente Y me contemplo en mí mismo,
Veo con asombro El fuego de sus pupilas pálidas, Claros fanales, vividos ópalos, Que me contemplan fijamente.Libellés : Charles Baudelaire |
posted by Alfil @ 8:17 AM |
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