Charles Baudelaire -L'amour du mensonge- |
dimanche, avril 23, 2006 |
L'amour du mensonge Charles Baudelaire (1821-1867)
Quand je te vois passer, ô ma chère indolente, Au chant des instruments qui se brise au plafond Suspendant ton allure harmonieuse et lente, Et promenant l'ennui de ton regard profond;
Quand je contemple, aux feux du gaz qui le colore, Ton front pâle, embelli par un morbide attrait, Où les torches du soir allument une aurore, Et tes yeux attirants comme ceux d'un portrait,
Je me dis: Qu'elle est belle! et bizarrement fraîche! Le souvenir massif, royale et lourde tour, La couronne, et son coeur, meurtri comme une pêche, Est mûr, comme son corps, pour le savant amour.
Es-tu le fruit d'automne aux saveurs souveraines? Es-tu vase funèbre attendant quelques pleurs, Parfum qui fait rêver aux oasis lointaines, Oreiller caressant, ou corbeille de fleurs?
Je sais qu'il est des yeux, des plus mélancoliques, Qui ne recèlent point de secrets précieux; Beaux écrins sans joyaux, médaillons sans reliques, Plus vides, plus profonds que vous-mêmes, ô Cieux!
Mais ne suffit-il pas que tu sois l'apparence, Pour réjouir un coeur qui fuit la vérité? Qu'importe ta bêtise ou ton indifférence? Masque ou décor, salut! J'adore ta beauté.
El amor de la mentira
Cuando te veo pasar, ¡oh!, mi querida, indolente, Al cantar de los instrumentos que se rompe en el cielo raso Suspendiendo tu andar armonioso y lento, Y paseando el hastío de tu mirar profundo;
Cuando contemplo bajo la luz del gas que la colora, Tu frente pálida, embellecida por morbosa atracción, Donde las antorchas nocturnas encienden una aurora, Y tus ojos atraen cual los de un retrato,
Yo me digo: ¡Qué hermosa es! y ¡qué singularmente fresca! El recuerdo macizo, real e imponente torre, La corona, y su corazón cual un melocotón magullado, Está maduro, como su cuerpo, para el sabio amor.
¿Eres el fruto otoñal de sabores soberanos? ¿Eres la urna fúnebre aguardando algunas lágrimas, Perfume que hace soñar con oasis lejanos, Almohada acariciante, o canastillo de flores?
Yo sé que hay miradas, de las más melancólicas, Que no recelan jamás secretos preciosos; Hermosos alhajeros sin joyas, medallones sin reliquias, Más vacíos, más profundos que vosotros mismos, ¡oh Cielos!
¿Pero, no basta que tú seas la apariencia, Para regocijar un corazón que rehuye la verdad? ¿Qué importa tu torpeza o tu indiferencia? Máscara o adorno, ¡salud! Yo adoro tu beldad.Libellés : Charles Baudelaire |
posted by Alfil @ 10:27 AM |
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