Rues maintes fois parcourues... Louis Calaferte (1928-1994)
Rues maintes fois parcourues depuis tant d'années. Les changements y sont lents. Lente y est la vie. Certaines physionomies connues à force d'être rencontrées soudainement disparaissent. Les vitrines des boutiques se renouvellent tout en se ressemblant. Il y a des magasins dont les propriétaires ne se montrent jamais. Vieux magasins. D'autres qui incitent à la dépense. Il y a un chien noir aux oreilles cassées assis devant une entrée. Un vieux chien qui ne se laisse pas approcher. De vieilles personnes marchent lentement. Avec de vieux vêtements aux couleurs usées. Les trottoirs sont étroits. Peut-être ces rues ne mènent-elles nulle part. De vieilles personnes qui rentrent chez elles. Vient une heure où les perspectives raccourcies se font désertes. Heure de cette atroce agonie qu'on appelle le crépuscule.
Calles muchas veces recorridas…
Calles muchas veces recorridas desde hace tantos años. Allí son lentos los cambios. Allí es lenta la vida. Algunas fisonomías conocidas de tanto encontrarlas allí desaparecen de pronto. Los escaparates de las tiendas se renuevan sin dejar de parecerse. Hay algunas cuyos propietarios nunca se dejan ver. Viejas tiendas. Otras que incitan a gastar. Hay un perro negro de orejas quebradas sentado delante de una entrada. Un perro viejo que no deja que se le acerquen. Personas mayores caminan lentamente. Con viejas ropas de colores desvaídos. Las aceras son estrechas. Quizás estas calles no lleven a ninguna parte. Personas mayores que vuelven a sus casas. Llega la hora en que las perspectivas acortadas se quedan desiertas. Hora de esa atroz agonía que llamamos crepúsculo.
Versión de Carlos Cámara y Miguel Ángel FrontánLibellés : Louis Calaferte |