Concrétion noire du café... Louis Calaferte (1928-1994)
Concrétion noire du café dans la tasse. Petite surface circulaire immobile. Il faut que la vibration extérieure soit accentuée pour qu'elle se trouble. Odeur forte. Concentrée. Liquide qui est puissance. Odeur d'un brûlé noir. Un vieil homme à casquette de cuir torréfiait son café devant chez lui. La fumée fine s'échappait de l'appareil. Restait en suspension dans l'air froid. Enveloppante. On pouvait songer à des forêts impénétrables. Des encorbellements de lianes. Des cris d'oiseaux inconnus. Des grognements menaçants. Des déplacements souples. Invisibles. Une chaleur pétrifiante. Le petit appareil était cylindrique. En fer. Une minuscule porte à glissière sur le dessus. Le feu de bois l'enrobait de flammes. Le vieil homme restait assis pendant des heures. Tournait lentement la manivelle du cylindre. L'odeur âcre se propageait au loin sur le chemin des maisons. Ensuite on l'oubliait. Comme l'odeur du cimetière. Cette aigrissure. Le pourrissement des fleurs dans la fosse derrière le portail de l'entrée. Odeur de femmes noires. Sévères.Lentes. Tristes. Eclatement du coup de cloche. La terre rouge ou verte. Un trou. Parois grasses. Luisantes. Veines jaunâtres de la terre. Comment s'imaginer qu'un jour son propre corps sera enseveli dans cette profondeur graisseuse. Pourrir. Rire. Jouer. Le cimetière est un endroit sale. Café chaud du matin. Les fenêtres sont ouvertes. Dehors il fait bleu et nacré. Les bols sont remplis. Le pain en tranches. Le beurre tendre sur la petite assiette rose. Le lait se mélange avec des dessins de filaments. Dans les bois il y a des airelles. Des argenteries de poissons dans la rivière. Le matin le grand couloir de la maison sent longtemps le café. Un noir. Un jus. Des voyantes lisent l'avenir dans le marc de café. Une grosse femme à demi soûle. Les yeux humides. Les seins énormes. La tasse pivotant entre ses doigts aux ongles rongés. Savoir à quand remonte l'usage du café ? Trouver des ouvrages illustrés chez les bouquinistes. Le café est-il un fruit ? Forcément. Les araignées ne sont pas des insectes. Un sucre chimique se dissolvait dans la tasse de café et laissait apparaître une substance en forme d'araignée. Farces et attrapes. Tout le monde riait. On changeait la tasse. L'araignée noire flottait dans l'évier au milieu de la vaisselle. Il fallait du courage pour oser la toucher du bout du doigt. C'était flasque. Que devenait-elle ensuite ? Les araignées de réglisse aux pattes rouges. Les filles qui hurlaient. Le ciel était si clair. La nuit ne tombait pas. Les grands bavardaient entre eux dans le jardin. Les voix n'étaient plus que bruissements.
Concreción negra del café...
Concreción negra del café en la taza. Pequeña superficie circular inmóvil. Es necesario que la vibración exterior se acentúe para que se perturbe. Olor fuerte. Concentrado. Líquido que es potencia. Negro olor a quemado. Un viejo con gorra de cuero tostaba el café delante de su casa. El humo tenue se escapaba del aparato. Permanecía suspendido en el aire frío. Envolvente. Podía pensarse en bosques impenetrables. Techos de lianas. Gritos de pájaros desconocidos. Gruñidos amenazantes. Desplazamientos ágiles. Invisibles. Un calor petrificante. El pequeño aparato era cilíndrico. De hierro. Con una minúscula tapa corrediza. El fuego lo envolvía con sus llamas. El viejo permanecía horas sentado. Hacía girar lentamente la manivela del cilindro. El olor acre se propagaba hasta muy lejos por el camino que llevaba a las casas. Luego se lo olvidaba. Como el olor del cementerio. Esa acritud. La putrefacción de las flores en la fosa detrás del portal de entrada. Olor a mujeres negras. Severas. Lentas. Tristes. Estallido de la campanada. La tierra roja o verde. Un pozo. Paredes fértiles. Brillantes. Venas amarillentas de la tierra. Cómo imaginar que un día nuestro propio cuerpo estará enterrado en esta profundidad grasienta. Pudrirse. Reir. Jugar. El cementerio es un lugar sucio. Café caliente de la mañana. Las ventanas están abiertas. Fuera todo está azul y nacarado. Las tazas están llenas. El pan en rebanadas. La mantequilla blanda en el platito rosado. La leche se mezcla con dibujos de filamentos. Hay arándanos en los bosques. Platería de peces en el río. Por la mañana el gran corredor de la casa huele mucho tiempo a café. Un café negro. Un cafecito. Hay adivinas que leen el porvenir en la borra del café. Una mujer gorda medio borracha. Los ojos húmedos. Los pechos enormes. La taza que gira entre sus dedos de uñas comidas. ¿Saber de cuándo data el uso del café? Encontrar viejos libros ilustrados. ¿Es un fruto el café? Forzosamente. Las arañas no son insectos; Un azúcar químico se disolvía en la taza de café y dejaba aparecer una substancia con forma de araña. Un chasco. Todos se reían. Cambiaban la taza. La araña negra flotaba en el fregadero entre la vajilla. Hacía falta tener coraje para atreverse a tocarla con la punta del dedo. Algo fofo. ¿En qué se transformaba después? Las arañas de regaliz de patas rojas. Las chicas que chillaban. El cielo estaba tan claro. La noche no caía. Los grandes charlaban entre ellos en el jardín. Las voces no eran ya sino murmullos.
Versión de Carlos Cámara y Miguel Ángel FrontánLibellés : Louis Calaferte |