Robert Desnos -The night of loveless nights- I - |
lundi, janvier 16, 2006 |
The night of loveless nights Robert Desnos (1900-1945)
I Nuit putride et glaciale, épouvantable nuit, Nuit du fantôme infirme et des plantes pourries, Incandescente nuit, flamme et feu dans les puits, Ténèbres sans éclairs, mensonges et roueries.
Qui me regarde ainsi au fracas des rivières ? Noyés, pêcheurs, marins? Éclatez les tumeurs Malignes sur la peau des ombres passagères, Ces yeux m'ont déjà vu, retentissez clameurs !
Le soleil ce jour-là couchait dans la cité L'ombre des marronniers au pied des édifices, Les étendards claquaient sur les tours et l'été Amoncelait ses fruits pour d'annuels sacrifices.
Tu viens de loin, c'est entendu, vomisseur de couleuvres, Héros, bien sûr, assassin morne, l'amoureux Sans douleur disparaît, et toi, fils de tes œuvres Suicidé, rougis-tu du désir d'être heureux ?
Fantôme, c'est ma glace où la nuit se prolonge Parmi les cercueils froids et les cœurs dégouttants, L'amour cuit et recuit comme une fausse oronge Et l'ombre d'une amante aux mains d'un impotent.
Et pourtant tu n'es pas de ceux que je dédaigne. Ah ! serrons-nous les mains, mon frère, embrassons-nous Parmi les billets doux, les rubans et les peignes, La prière jamais n'a sali tes genoux.
Tu cherchais dans la plage aux pieds des rochers droits La crique où vont s'échouer les étoiles marines : C'était le soir, des feux à travers le ciel froid Naviguaient et, rêvant au milieu des salines,
Tu voyais circuler des frégates sans nom Dans l'éclaboussement des chutes impossibles. Où sont ces soirs ? Ô flots rechargez vos canons Car le ciel en rumeur est encombré de cibles.
Quel destin t'enchaîna pour servir les sévères, Celles dont les cheveux charment les colibris, Celles dont les seins durs sont un fatal abri Et celles dont la nuque est un nid de mystère,
Celles rencontrées nues dans les nuits de naufrage, Celles des incendies et celles des déserts, Celles qui sont flétries par l'amour avant l'âge, Celles qui pour mentir gardent les yeux sincères,
Celles au cœur profond, celles aux belles jambes, Celles dont le sourire est subtil et méchant, Celles dont la tendresse est un diamant qui flambe Et celles dont les reins balancent en marchant,
Celles dont la culotte étroite étreint les cuisses, Celles qui, sous la jupe, ont un pantalon blanc Laissant un peu de chair libre par artifice Entre la jarretière et le flots des volants,
Celles que tu suivis dans l'espoir ou le doute, Celles que tu suivis ne se retournaient pas Et les bouquets fanés qu'elles jetaient en route T'entraînèrent longtemps au hasard de leurs pas
Mais tu les poursuivras à la mort sans répit, Les yeux las de percer des ténèbres moroses, De voir lever le jour sur le ciel de leur lit Et d'abriter leur ombre en tes prunelles closes.
Une rose à la bouche et les yeux caressants Elles s'acharneront avec des mains cruelles À torturer ton cœur, à répandre ton sang Comme pour les punir d'avoir battu pour elles.
Heureux s'il suffisait, pour se faire aimer d'elles, D'affronter sans faiblir des dangers merveilleux Et de toujours garder l'âme et le cœur fidèle Pour lire la tendresse aux éclairs de leurs yeux,
Mais les plus audacieux, sinon les plus sincères, Volent à pleine bouche à leur bouche un aveu Et devant nos pensées, comme aux proues les chimères, Resplendit leur sourire et flottent leurs cheveux.
Car l'unique régit l'amour et ses douleurs, Lui seul a possédé les âmes passionnées Les uns s'étant soumis à sa loi par malheur N'ont connu qu'un bourreau pendant maintes années.
D'autres l'ont poursuivi dans ses métamorphoses: Après les yeux très bleus voici les yeux très noir Brillant dans un visage où se flétrit la rose, Plus profonds que le ciel et que le désespoir.
Maître de leur sommeil et de leurs insomnies Il les entraîne en foule, à travers les pays, Vers des mers éventrées et des épiphanies… La marée sera haute et l'étoile a failli.
Versión de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán
The night of loveless nights
I Noche glacial y pútrida, noche espantable, noche De fantasmas inválidos y de plantas podridas, Incandescente noche, llama y fuego en los pozos, Tinieblas sin relámpagos, astucias y mentiras.
En el fragor del río, ¿quién me mira? ¿Marinos, Pescadores, ahogados? ¡Reventad los tumores Malignos en la piel de las sombras fugaces, Ya me han visto esos ojos, clamores: resonad!
Hasta los edificios alargaba ese día El sol, en la ciudad, la sombra de los árboles. Restallaban banderas en lo alto de las torres, Daba a los sacrificios sus frutos el verano.
Vienes de lejos, sí, vomitando culebras, Triste asesino, héroe, por cierto, sin dolor El amante se esfuma, y a ti, hijo suicida De tus obras, ¿ansiar la dicha te avergüenza?
En mi hielo, oh espectro, la noche se prolonga Entre féretros fríos y pechos goteantes, Quema y arde el amor como una falsa oronja Y en las manos inválidas la sombra de una amante.
Sin embargo no eres de aquellos que desdeño. Estréchame la mano, ¡oh mi hermano!, besémonos Entre cartas de amor, entre cintas y peines, La plegaria jamás ensució tus rodillas.
Buscabas en la playa al pie de los peñascos La cala donde encallan las estrellas marinas: Por el gélido cielo los fuegos del ocaso Navegaban, y tú, soñando entre salinas,
Veías circular barcos desconocidos En el agua agitada por saltos imposibles. ¿Dónde están esas tardes? Apuntad los cañones, olas, hacia los blancos del cielo rumoroso.
Qué destino te hizo siervo de las severas, Las de largos cabellos que hechizan colibríes, Las que en el duro seno dan un fatal asilo, Las que llevan un nido de misterio en la nuca,
Las que hallaste desnudas en noches de naufragio, Las que incendios y páramos pueblan, las que mienten Sin por eso perder la mirada sincera, Las que agostó el fatal amor antes de tiempo,
Las de hondo corazón, las de piernas hermosas, Las de sutil sonrisa, malvada y delicada, Las de ternura ardiente como un diamante en llamas, Las que en la marcha van meneando las caderas.
Las de bragas estrechas que estrangulan los muslos, Las que bajo la falda llevan un pantalón Blanco que, artificioso, les desnuda la piel Entre la jarretera y el vuelo de volados,
Las que ansioso seguiste con esperanza o dudas No se volvieron nunca, nunca para mirarte, Y las flores marchitas que al andar arrojaban Te arrastraron tras ellas, al azar de sus pasos.
Hasta la muerte, empero, las seguirás, sin pausa, Con los ojos cansados de indagar las tinieblas, De ver un nuevo día nacer sobre sus lechos Y de albergar su sombra en tus ojos cerrados.
Con su mirada dulce y una rosa en la boca, Torturarán tu pecho, derramarán tu sangre Encarnizadamente, con sus manos crueles, Como por castigar el amor que les dieron.
Qué dicha si bastara, para lograr su amor, Hacer frente sin miedo a increíbles peligros, Conservar siempre fieles el corazón y el alma Para ver la ternura en sus ojos brillantes,
Pero los más audaces, si no los más sinceros, Roban, a boca llena, a sus bocas un sí, Y ante nosotros, como en un mascarón de proa, Esplende su sonrisa y flotan sus cabellos.
Pues lo único rige el amor y sus penas, Sólo él poseyó las almas fervorosas Algunos, sometidos por desgracia a su ley Víctimas de un verdugo fueron durante años.
En sus metamorfosis otros lo persiguieron: Tras ojos muy azules, he aquí los muy negros Brillando en una cara donde muere la rosa, Más profundos que el cielo y la desesperanza.
Amo de sus insomnios y también de su sueño En masa los arrastra, por diversos países, En pos de epifanías y mares desventrados... Será la pleamar y faltará la estrella.
Versión de Carlos Cámara y Miguel Ángel Frontán Libellés : Robert Desnos |
posted by Alfil @ 9:33 AM |
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