Robert Desnos -J'ai tant rêvé de toi- |
lundi, janvier 16, 2006 |
J'ai tant rêvé de toi Robert Desnos (1900-1945)
J'ai tant rêvé de toi J'ai tant rêvé de toi que tu perds ta réalité. Est-il encore temps d'atteindre ce corps vivant et de baiser sur cette bouche la naissance de la voix qui m'est chère?
J'ai tant rêvé de toi que mes bras habitués en étreignant ton ombre à se croiser sur ma poitrine ne se plieraient pas au contour de ton corps, peut-être. Et que, devant l'apparence réelle de ce qui me hante et me gouverne depuis des jours et des années, je deviendrais une ombre sans doute. O balances sentimentales.
J'ai tant rêvé de toi qu'il n'est plus temps sans doute que je m'éveille. Je dors debout, le corps exposé à toutes les apparences de la vie et de l'amour et toi, la seule qui compte aujourd'hui pour moi, je pourrais moins toucher ton front et tes lèvres que les premières lèvres et le premier front venu.
J'ai tant rêvé de toi, tant marché, parlé, couché avec ton fantôme qu'il ne me reste plus peut-être, et pourtant, qu'à être fantôme parmi les fantômes et plus ombre cent fois que l'ombre qui se promène et se promènera allégrement sur le cadran solaire de ta vie.
He soñado tanto contigo
He soñado tanto contigo que pierdes tu realidad. ¿Aún es tiempo de alcanzar ese cuerpo vivo y de besar en esa boca el nacimiento de la voz amada?
He soñado tanto contigo que mis brazos acostumbrados, de tanto estrechar tu sombra, a cruzarse sobre mi pecho, no se adaptarían al contorno de tu cuerpo, quizás. Y ante la apariencia real de lo que me obsesiona y me gobierna desde hace días y años, me convertiría sin duda enuna sombra.
Oh balanzas sentimentales. He soñado tanto contigo que ya no es tiempo sin duda de despertar. Duermo de pie, el cuerpo expuesto a todas las apariencias de la vida y del amor y tú, la única que hoy cuenta para mí, has de saber que me sería más difícil tocar tu frente y tus labios que los primeros labios y la primera frente que llegaran.
He soñado tanto contigo, caminado tanto, hablado tanto, me he acostado tantas veces con tu fantasma que ya no me queda más quizá, y sin embargo, que ser fantasma entre los fantasmas, y cien veces más sombra que la sombra que se pasea y se paseará alegremente por el reloj de sol de tu vida.Libellés : Robert Desnos |
posted by Alfil @ 12:01 PM |
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