Entrée des larves René Daumal (1908-1944)
Le suisse de l'église menait paître ses chèvres dans l'avenue vide. Quelques enfants mouraient ou séchaient aux fenêtres — c'était le printemps et les mains des hommes se déroulaient au soleil, offrant à tous le pain de leurs paumes que les enfants n'avaient pas encore mordu. Sur les terrasses on se retrouvait entre terre et ciel ; il y eut beaucoup de crânes brisés ce jour-là, de jeunes gens qui voulaient voler au-dessus des jardins. Les mouettes et les mouchoirs claquaient dans l'air et cassaient du bleu dans les vitres, des steamers de cristal s'enfuyaient par-dela les nuages. Quand le soir vint, ce fut le tour des vieillards ; ils envahirent les rues, assis sur leurs tabourets de bois grossier, ils charmaient les pigeons et buvaient du lait chaud. Le ciel était seulement un peu plus foncé et plus haut. Les arbres s'étirent dans le parc et tendent des pièges aux papillons de nuit ; le suisse est rentré dans l'église et les chèvres dorment dans la crypte. Les femmes hurlent soudain toutes avec des gorges de louves, parce que dans les faubourgs s'est glissé un homme nu et blanc venant des campagnes.
Entrada de las larvas
El pertiguero de la iglesia llevaba a pacer sus cabras por la vacía avenida. Algunos niños morían o se secaban en las ventanas -era primavera y las manos de los hombres se extendían al sol, ofreciendo a todos ese pan de sus palmas que los niños no habían mordido todavía. Sobre las terrazas uno se encontraba entre la tierra y el cielo. Ese día hubo muchos cráneos rotos de muchachos que querían volar por encima de los jardines. Las gaviotas y los pañuelos golpeaban en el aire y rompían azul en los cristales, y unos barcos de cristal huían más allá de las nubes. Cuando vino la noche, le tocó el turno a los ancianos: invadieron las calles, sentados sobre sus taburetes de tosca madera, encantaban a las palomas y bebían leche caliente. El cielo estaba solamente un poco más oscuro y más alto. Los árboles se estiran en el parque y tienden trampas a las mariposas nocturnas; el pertiguero ha entrado a la iglesia y las cabras duermen en la cripta. Las mujeres aúllan todas de pronto con gargantas de lobas porque por los suburbios se ha deslizado un hombre desnudo y blanco que viene del campo.
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