Ostinato Louis-René des Forêts (1918-2000)
C'est aussi que la recherche scrupuleuse de la vérité, l'absurde prétention à tout dire sont des instances auxquelles se soumettre reviendrait à s'enfermer dans les limites d'un dessein et manquer du même coup par souci de probité ce que les seules forces du hasard sans cesse remises en jeu à la faveur du langage et conditionnées par lui désignent au point le plus reculé comme le centre actif, la substance souterraine dont l'être se nourrit, quelle que soit la perte d'intensité qu'entraîne une représentation approximative qui, liée à la durée changeante d'une vie, doit varier ses reprises et s'en remettre pour chacune d'elles aux occasions de la chance, hors de toute sujétion à un ordre préétabli ou de conformité respectueuse à la réalité des faits derrière laquelle se dissimule comme la braise sous la cendre ce que les mots ont pour mission de ranimer.
(...) De ce chaos désolé tout cependant l'engagerait à se détourner, si ce n'était ruiner le mouvement qui l'y a conduit, signer son échec avant même d'avoir échoué. Il lui faut donc aller son chemin jusqu'aux bornes extrêmes de l'endurance, dût-il se déchirer cruellement aux épines, traverser en suffoquant tous les feux de l'enfer pour ne déclarer forfait qu'à la veille d'en toucher le terme qui sera le moment de mourir comme chacun sans avoir établi sa preuve. (...) Quiconque refuse le fait accompli entre en hostilité avec lui-même et, livré sans rémission à tous les raffinements de la conscience et de son malheur, ne retrouvera jamais le repos, à moins de tabler par un lâche calcul sur les effets thérapeutiques du temps pour empêcher qu'elle le commande et le détruise, mais même si le besoin de souffler un peu devait un jour y conduire, comment vouloir d'un tel repos qui aurait le sens d'une trahison ? Mieux vaut ne pas guérir si c'est pour rentrer sagement dans la vie et ses devoirs où, toute vision disparue, il n'y aurait d'autre lien entre eux que la distance infranchissable qui les sépare, d'autres recours contre les larmes qu'une volonté de désaffection, un sombre renoncement, la soumission aux réalités contraignantes dont l'esprit profondément atteint s'était détourné, opposant au monde étroit de la raison sa douleur infinie.
Ostinato
También hay que añadir que la búsqueda escrupulosa de la verdad, la absurda pretensión de decirlo todo, son instancias a las que el sometimiento equivaldría a encerrarse en los límites de un objetivo y, por lo tanto, a perder, por ese afán de probidad, lo que sólo las fuerzas del azar, continuamente cuestionadas mediante el lenguaje y condicionadas por él, designan en el punto más alejado como el centro activo, la sustancia subterránea de la que se alimenta el ser, sea cual sea la pérdida de intensidad que conlleva u representación aproximada que, relacionada con la duración cambiante de la vida, debe variar sus trayectos y confiar para cada uno de ellos, en las oportunidades de la suerte, fuera de toda atadura a un orden preestablecido o de conformidad respetuosa con la realidad de los hechos detrás de la cual se disimula, como las ascuas debajo de las cenizas, lo que las palabras tienen la misión de reavivar. (...) Todo, sin embargo, lo llevaría a apartarse de ese caos desolado, si no fuera porque significaría arruinar el movimiento que lo condujo hasta ahí, firmar su derrota incluso antes de fracasar. Tiene, pues, que seguir su camino hasta los límites extremos de lo soportable, aunque tenga que desgarrarse cruelmente con las espinas, atravesar sofocado todos los fuegos del infierno para rendirse justo la víspera de llegar a la meta, que será el momento de morir como cada cual sin haber realizado su prueba. (...) Cualquiera que niega el hecho consumado entra en conflicto consigo mismo y, sometido sin remisión a todos los refinamientos de la conciencia y de su desgracia, nunca volverá a encontrar la calma, a no ser que confíe, mediante un cálculo cobarde, en los efectos terapéuticos del tiempo para impedir que la conciencia lo rija y lo destruya, pero, aunque la necesidad de tomarse un respiro debiera llevar un día a eso, ¿cómo aceptar esa tregua que sería sinónimo de traición?
Más vale no curarse si es para volver dócilmente a la vida y sus deberes, donde, al desaparecer toda visión, no habría entre ellos otra relación que la distancia infranqueable que los separa, ni otros recursos contra las lágrimas que una voluntad de indiferencia, una oscura renuncia, la sumisión a las realidades inflexibles de las que la mente profundamente afectada se había apartado, oponiendo al mundo estrecho de la razón su dolor infinito.
Versión de Maryse PrivatLibellés : Louis-René des Forêts |