Absence. V Alfredo Gangotena (1904-1944)
O Terre ! Terre trois fois maudite, cette fois-ci, ô Terre ! je te contemple animé de toute la haine dont mes yeux seront un jour capables.
Depuis qu'on m'a sournoisement parlé de mon malheur, Depuis cette heure, vraiment la plus lourde et la plus triste de toutes les heures de mon sang, Depuis, ô Terre ! avec tes arbres et tes cailloux, Terre maudite avec tes pierres, - et cette pluie et cette nuit charnelles qui te baigne longuement, dans tes vallées Me voici, Terre intraitable, me voici revenu des songes, Ô Terre ! je m'annonce à toi ! Et ma parole vindicative, et lourde de la sève des pavots, ma parole te souille, te dit :Ô Terre ! je t'abhorre ainsi : solennellement : Et le reste de ma vie sourde et secrète je le consacrerai à fomenter méthodiquement le mépris et la haine, chez tout vivant, à ton égard. Et je suis encore là, au milieu de tes ombres, Condamné à souffrir cette amnésie, cette démence de mes yeux - saisis d'un tel tremblement, tellement saisi, qu'à les entendre l'ouragan lui-même envierait leur résonance et leur désolation. Mais il est déjà temps de m'adresser à vous, hommes vieillis dans les poussières et les chemins.
Considérez mon trouble : cet abandon ! Considérez, je vous prie, ma solitude et ma peine ; Croyez-moi, les fleurs du jour et de la nui S'étonnent de m'entourer et de me voir, Les fleurs, dans leur sagesse, s'étonnent de ces mille abstruses syllabes qui sillonnent mon désespoir. Ô monde inutile ! Et ma science inhumaine n'est guère en mesure d'octroyer le népenthès aux souffrances que j'endure. Une seule minute de trêve et d'oubli, qui me permette enfin de fuir cette Terre inhumaine et sans ressources - Terre promise à mes ancêtres,Terre d'or et de lumière,Où l'œil ne brûle que du feu continue et solitaire des roches ! Hommes heureux et d'ailleurs, comme je regrette la fraîcheur de vos ombres !
Vous ne saurez jamais en quel éloignement vous vous trouvez de ce lieu d'enfer, de cette argile inégale et sombre. Je te hais, Nature ! Terre horrifique, qu'ai-je à faire de tes royaumes ? Pense plutôt à l'arbre nourri de cendres dont la sève implique désespoir. L'aconit, le blé et tant de graines ont besoin de ton secours, Nature ! Tant de graines et cette herbe adulte, et cette paille fauve aussi, brûlée par les tempêtes, cette paille, cette herbe sinistre dans les vents. Oublie-moi donc, Nature ! Vraiment, je ne suis qu'un fantôme dans ton silence ; Quel besoin aurais-tu de t'initier aux secrets de mon esprit ? Un fantôme de vieille race, nécessairement ! Ou même, plutôt ! une forme plus concrète et bien pourvu d'un cœur qui souffre ?
Mais non ! voici, je me souviens de moi : Je suis venu vers toi, de loin, comme un cadavre, Terre Horrifique, te retrouver ! Ausencia. V¡Oh Tierra! ¡Tierra tres veces maldita, esta vez, oh Tierra! Te contemplo animado por todo el odio del que mis ojos serán un día capaces. Desde que solapadamente me hablaron de mi desgracia, Desde esa hora, la más pesada, por cierto, y la más triste de todas las horas de mi sangre, Desde entonces, ¡oh Tierra!, con tus árboles y tus guijarros, Tierra maldita con tus piedras -y esta lluvia y esta noche carnales que largamente te bañan, en tus valles desiertos-Desde ese repentino corte de abismo en mi cerebro, Heme aquí, Tierra intratable, heme aquí de vuelta de los sueños, ¡Oh Tierra! ¡Ante ti me anuncio! Y mi palabra vengativa, y pesada con la savia de las amapolas, mi palabra te mancha, te dice: ¡Oh Tierra! ¡Así te aborrezco, solemnemente! Y el resto de mi vida sorda y secreta lo dedicaré a fomentar metódicamente, en todo lo que vive, el desprecio y el odio hacia ti. Y aún estoy aquí, en medio de tus sombras, Condenado a sufrir esta amnesia, esta demencia de mis ojos -presos de un temblor tal, Presos a tal punto que, al oírlos el mismo huracán, envidiaría su resonancia y su desolación. Pero ya es tiempo de que me dirija a vosotros, hombres envejecidos en el polvo y en los caminos.
Considerad mi turbación: ¡este abandono! Considerad, os ruego, mi soledad y mi pena; Creedme, las flores del día y de la noche Se asombran de rodearme y de verme, Las flores, en su sabiduría, se asombran de las mil sílabas abstrusas que surcan mi desesperación. ¡Oh mundo inútil!
Y mi ciencia inhumana apenas si puede otorgar su nepente a los sufrimientos que soporto. ¡Un sólo minuto de tregua y de olvido, que me permita huir de esta Tierra inhumana y sin recursos -Tierra prometida a mis ancestros, Tierra de oro y de luz, Donde los ojos no arden sino con el fuego continuo y solitario de las rocas! ¡Hombres felices y de otras tierras, cómo añoro las frescuras de vuestras sombras!
Nunca sabréis lo lejos que estáis de este sitio infernal, de esta arcilla despareja y sombría. ¡Naturaleza, te odio! Horrífica Tierra, ¿qué me importan tus reinos? Piensa más bien en el árbol alimentado con cenizas cuya savia implica desesperación. ¡El acónito, el trigo y tanto grano tienen necesidad de tu auxilio, Naturaleza! Tanto grano y esta hierba adulta, y esta paja rojiza, también, quemada por las tormentas, esta paja, esta hierba siniestra en el viento. ¡Olvídame pues, Naturaleza! Verdaderamente, no soy más que un fantasma en tu silencio; ¿Qué necesidad tendrías tú de iniciarte en los secretos de mi mente? ¡Un fantasma de antigua raza, necesariamente! O incluso, ¡más bien!, ¿una forma más concreta y bien provista de un corazón que sufre? ¡Pero no!, he aquí que me acuerdo:
¡Como un cadáver, desde lejos, hacia ti he venido, Horrífica Tierra, de nuevo a encontrarte! Libellés : Alfredo Gangotena |