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Victor Hugo -L'épopée du lion- IV. L'aurore-
vendredi, septembre 02, 2005
L'épopée du lion
Victor Hugo (1802 -1885)

IV. L'aurore

Le blême peuple était dans les caves épars.
A quoi bon résister ? Pas un homme aux remparts ;
Les portes de la ville étaient grandes ouvertes.
Ces bêtes à demi divines sont couvertes
D'une telle épouvante et d'un doute si noir,
Leur antre est un si morne et si puissant manoir,
Qu'il est décidément presque impie et peu sage,
Quand il leur plaît d'errer, d'être sur leur passage.
Vers le palais chargé d'un dôme d'or massif
Le lion à pas lents s'acheminait pensif,
Encor tout hérissé des flèches dédaignées ;
Une écorce de chêne a des coups de cognées,
Mais l'arbre n'en meurt pas ; et, sans voir un archer,
Grave, il continuait d'aller et de marcher ;
Et le peuple tremblait, laissant la bête seule.
Le lion avançait, tranquille, et dans sa gueule
Effroyable il avait l'enfant évanoui.
Un petit prince est-il un petit homme ? Oui.
Et la sainte pitié pleurait dans les ténèbres.
Le doux captif, livide entre ces crocs funèbres,
Était des deux côtés de la gueule pendant,
Pâle, mais n'avait pas encore un coup de dent ;
Et, cette proie étant un bâillon dans sa bouche,
Le lion ne pouvait rugir, ennui farouche
Pour un monstre, et son calme était très furieux ;
Son silence augmentait la flamme de ses yeux ;
Aucun arc ne brillait dans aucune embrasure ;
Peut-être craignait-on qu'une flèche peu sûre,
Tremblante, mal lancée au monstre triomphant,
Ne manquât le lion et ne tuât l'enfant.

Comme il l'avait promis par-dessus la montagne,
Le monstre, méprisant la ville comme un bagne,
Alla droit au palais, las de voir tout trembler,
Espérant trouver là quelqu'un à qui parler,
La porte ouverte, ainsi qu'au vent le jonc frissonne,
Vacillait. Il entra dans le palais. Personne.

Tout en pleurant son fils, le roi s'était enfui
Et caché comme tous, voulant vivre aussi lui,
S'estimant au bonheur des peuples nécessaire.
Une bête féroce est un être sincère
Et n'aime point la peur ; le lion se sentit
Honteux d'être si grand, l'homme étant si petit ;
Il se dit, dans la nuit qu'un lion a pour âme :
– C'est bien, je mangerai le fils. Quel père infâme ! –
Terrible, après la cour prenant le corridor,
Il se mit à rôder sous les hauts plafonds d'or ;
Il vit le trône, et rien dedans ; des chambres vertes,
Jaunes, rouges, aux seuils vides, toutes désertes ;
Le monstre allait de salle en salle, pas à pas,
Affreux, cherchant un lieu commode à son repas ;
Il avait faim. Soudain l'effrayant marcheur fauve
S'arrêta.

Près du parc en fleur, dans une alcôve,
Un pauvre être, oublié dans la fuite, bercé
Par l'immense humble rêve à l'enfance versé,
Inondé de soleil à travers la charmille,
Se réveillait. C'était une petite fille ;
L'autre enfant du roi. Seule et nue, elle chantait.
Car l'enfant chante même alors que tout se tait.
Une ineffable voix, plus tendre qu'une lyre,
Une petite bouche avec un grand sourire,
Un ange dans un tas de joujoux, un berceau,
Crèche pour un Jésus ou nid pour un oiseau,
Deux profonds yeux bleus, pleins de clartés inconnues,
Col nu, pieds nus, bras nus, ventre nu, jambes nues,
Une brassière blanche allant jusqu'au nombril.
Un astre dans l'azur, un rayon en avril,
Un lys du ciel daignant sur cette terre éclore,
Telle était cette enfant plus douce que l'aurore ;
Et le lion venait d'apercevoir cela.

Il entra dans la chambre, et le plancher trembla.

Par-dessus les jouets qui couvraient une table,
Le lion avança sa tête épouvantable,
Sombre en sa majesté de monstre et d'empereur,
Et sa proie en sa gueule augmentait son horreur.
L'enfant le vit, l'enfant cria : – Frère ! mon frère !
Ah ! mon frère ! – et debout, rose dans la lumière
Qui la divinisait et qui la réchauffait,
Regarda ce géant des bois, dont l'œil eût fait
Reculer les Typhons et fuir les Briarées.
Qui sait ce qui se passe en ces têtes sacrées ?
Elle se dressa droite au bord du lit étroit,
Et menaça le monstre avec son petit doigt.
Alors, près du berceau de soie et de dentelle,
Le grand lion posa son frère devant elle,
Comme eût fait une mère en abaissant les bras,
Et lui dit : – Le voici. Là ! ne te fâche pas !


La epopeya del león

IV. La aurora

El pueblo, entre tanto, se oculta medroso.
Defensa no cabe ¿á qué batallar?
Las puertas abiertas están, y orgulloso
por ellas al monstruo se mira pasar.
Al regio recinto, que de oro bruñido
su cúpula eleva, se obstina en seguir.
Ninguno importuno pretende atrevido,
cruzando su paso, su marcha impedir.
Cual roble que recto se eleva, aunque herido,
el monstruo orgulloso, terror de la grey,
despacio al palacio se va decidido
llevando en sus dientes al hijo del rey…
¿Un príncipe es un niño?¡Sí! y el odio
no alcanza á él...Por eso diligente
la Santa Compasión, su ángel custodio,
cuidaba en el peligro al inocente.
Pálido entre los dientes de la fiera
colgaba el niño, por el cuello asido,
y una mordaza de silencio era
que sofocaba su feroz rugido.
Tremenda era la calma y el horrible
silencio del León, cuya mirada,
en cada puerta, con rencor terrible
se clavaba en la gente amedrentada.
Así pasando por la calle estrecha
desarmaba a la cólera el cariño,
pues cada cual temía que su flecha
sin herir al León matase al niño…
Cual lo había en el monte prometido,
como cárcel desdeña la ciudad,
y hacia el palacio avanza decidido
a hacer sentir su regia majestad.
Las rejas sin cerrarse, en su abandono
franco acceso hasta lo íntimo le dan.
Entra en los patios; el salón y el trono
solos, cual los vestíbulos, están.

Lamentando del niño la desgracia
había huído el asustado rey,
que, si para luchar falto de audacia,
con él trataba de salvar la ley...
No hallando allí ni á quién mirar siquiera,
desagradado se sintió el León,
pensando cuán enorme es una fiera
¡y cuán pequeños los humanos son!
E invocando a las sombras así dijo:
« ¡Infame padre sin piedad ni amor!
¡dejar morir á su indefenso hijo
sin disputarlo altivo á su raptor!
« ¡Pues está bien, devoraré a este niños
i nadie me lo quiere disputar! »
Y entre salas de púrpura y armiño
y techos de oro, comenzó a vagar.
Para hacer su comida, paso a paso
un aposento cómodo buscó;
por fin, del hambre atormentada acaso,
de repente la fiera se paró...

Cerca del parque, en olvidada alcoba
una niña inocente está dormida
en el sueño feliz en que se arroba
tranquila y pura la niñez querida.
¡Es la hijita del rey, que oye la trova
del Angel de su guarda interrumpida
por unos pasos que á explicar no acierta,
cuyo ruido, sin susto, la despierta!
Desnudita se sienta y en la cuna,
¡que era el nido de un ave! un ángel bello
parecía, ó un lirio á que la luna
alumbra con su cándido destello.
No hay en su rostro turbación ninguna:
sus ojos son turquesas; su cabello
hebras de oro; y artísticos pedazos
de alabastro sus manos y sus brazos.

El León entró á la alcoba... Tembló el piso...

Miró á la niña y se detuvo...Echarlo
ella intenta: ve al niño...y de improviso
« ¡Es mi hermanito! » dice, y va a abrazarlo...
El León, turbado, detenerla quiso:
ella alza su dedito… Al contemplarlo,
él suelta al niño y dice: -« ¡No me arrojes:
tu hermanito está aquí! ¡no, no te enojes! »

Versión de José Antonio Soffia

Libellés :

posted by Alfil @ 6:34 AM  
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