Victor Hugo -L'épopée du lion- I. Le paladin- |
vendredi, septembre 02, 2005 |
L'épopée du lion Victor Hugo (1802 -1885)
I. Le paladin
Un lion avait pris un enfant dans sa gueule, Et, sans lui faire mal, dans la forêt, aïeule Des sources et des nids, il l'avait emporté. Il l'avait, comme on cueille une fleur en été, Saisi sans trop savoir pourquoi, n'ayant pas même Mordu dedans, mépris fier ou pardon suprême ; Les lions sont ainsi, sombres et généreux. Le pauvre petit prince était fort malheureux ; Dans l'antre, qu'emplissait la grande voix bourrue, Blotti, tremblant, nourri d'herbe et de viande crue. Il vivait, presque mort et d'horreur hébété. C'était un frais garçon, fils du roi d'à côté ; Tout jeune, ayant dix ans, âge tendre où l'œil brille ; Et le roi n'avait plus qu'une petite fille Nouvelle-née, ayant deux ans à peine ; aussi Le roi qui vieillissait n'avait-il qu'un souci, Son héritier en proie au monstre ; et la province Qui craignait le lion plus encor que le prince Était fort effarée.
Un héros qui passait Dans le pays fit halte, et dit : Qu'est-ce que c'est ? On lui dit l'aventure ; il s'en alla vers l'antre. Un creux où le soleil lui-même est pâle, et n'entre Qu'avec précaution, c'était l'antre où vivait L'énorme bête, ayant le rocher pour chevet.
Le bois avait, dans l'ombre et sur un marécage, Plus de rameaux que n'a de barreaux une cage ; Cette forêt était digne de ce consul ; Un menhir s'y dressait en l'honneur d'Irmensul ; La forêt ressemblait aux halliers de Bretagne ; Elle avait pour limite une rude montagne, Un de ces durs sommets où l'horizon finit ; Et la caverne était taillée en plein granit, Avec un entourage orageux de grands chênes ; Les antres, aux cités rendant haines pour haines, Contiennent on ne sait quel sombre talion. Les chênes murmuraient : Respectez le lion !
Le héros pénétra dans ce palais sauvage ; L'antre avait ce grand air de meurtre et de ravage Qui sied à la maison des puissants, de l'effroi, De l'ombre, et l'on sentait qu'on était chez un roi ; Des ossements à terre indiquaient que le maître Ne se laissait manquer de rien ; une fenêtre Faite par quelque coup de tonnerre au plafond L'éclairait ; une brume où la lueur se fond, Qui semble aurore à l'aigle et nuit à la chouette, C'est toute la clarté qu'un conquérant souhaite ; Du reste c'était haut et fier ; on comprenait Que l'être altier couchait sur un lit de genêt Et n'avait pas besoin de rideaux de guipure, Et qu'il buvait du sang, mais aussi de l'eau pure, Simplement, sans valet, sans coupe et sans hanap. Le chevalier était armé de pied en cap. Il entra. Tout de suite il vit dans la tanière Un des plus grands seigneurs couronnés de crinière Qu'on pût voir, et c'était la bête ; elle pensait ; Et son regard était profond, car nul ne sait Si les monstres des bois n'en sont pas les pontifes ; Et ce lion était un maître aux larges griffes, Sinistre, point facile à décontenancer. Le héros approcha, mais sans trop avancer. Son pas était sonore, et sa plume était rouge. Il ne fit remuer rien dans l'auguste bouge. La bête était plongée en ses réflexions. Thésée entrant au gouffre où sont les Ixions Et les Sisyphes nus et les flots de l'Averne, Vit à peu près la même implacable caverne. Le paladin, à qui le devoir disait : va ! Tira l'épée. Alors le lion souleva Sa tête doucement d'une façon terrible.
Et le chevalier dit : – Salut, ô bête terrible ! Tu caches dans les trous de ton antre un enfant ; J'ai beau fouiller des yeux ton repaire étouffant, Je ne l'aperçois pas. Or, je viens le reprendre. Nous serons bons amis si tu veux me le rendre ; Sinon, je suis lion aussi, moi, tu mourras ; Et le père étreindra son enfant dans ses bras, Pendant qu'ici ton sang fumera, tiède encore ; Et c'est ce que verra demain la blonde aurore. Et le lion pensif lui dit : – Je ne crois pas.
Sur quoi le chevalier farouche fit un pas, Brandit sa grande épée, et dit : Prends garde, sire ! On vit le lion, chose effrayante, sourire. Ne faites pas sourire un lion. Le duel S'engagea, comme il sied entre géants, cruel, Tel que ceux qui de l'Inde ensanglantent les jungles. L'homme allongea son glaive et la bête ses ongles ; On se prit corps à corps, et le monstre écumant Se mit à manier l'homme effroyablement ; L'un était le vaillant et l'autre le vorace ; Le lion étreignit la chair sous la cuirasse, Et, fauve, et sous sa griffe ardente pétrissant Ce fer et cet acier, il fit jaillir le sang Du sombre écrasement de toute cette armure, Comme un enfant rougit ses doigts dans une mûre ; Et puis l'un après l'autre il ôta les morceaux Du casque et des brassards, et mit à nu les os. Et le grand chevalier n'était plus qu'une espèce De boue et de limon sous la cuirasse épaisse ; Et le lion mangea le héros. Puis il mit Sa tête sur le roc sinistre et s'endormit.
La epopeya del león
I. El paladín
Robado entre sus dientes, sin dañarlo, se llevaba un León á un tierno niño a ocultarlo en la selva, esa gigante abuela del arroyo y de los nidos... Cual se coge una flor porque es hermosa, sin saber cómo, habíalo cogido, adusto y sin crueldad, que los Leones son así: generosos y sombríos... Sin libertarse del profundo espanto, era muy desgraciado el pobre niño en la espantosa cueva, cuyas rocas temblaban de la fiera a los rugidos. Transido de pavor, desnudo, inerme, esperando la muerte siempre tímido, hierbas comiendo o carne palpitante, ¡vivía casi muerto, embrutecido! Era este hermoso niño, de dos lustros, el hijo y sucesor de un rey vecino, que otra hijita tenía, solamente de dos años de edad. Por redimirlo mil dones daba el rey, pero su pueblo más temía al León que á su rey mismo...
Llegó por fin un héroe, oyó la historia, y al antro del León marchó aguerrido... Una caverna do penetran pálidos del refulgente sol los rayos vívidos, era la residencia de aquel monstruo que se adormía en lecho de granito.
Más rejas que los hierros de una jaula tenía el bosque de árboles tupidos, entre cuyos ramajes se elevaba en honor de Irminsul un obelisco. Protegía a la cueva una montaña de esas que forman horizonte. Un círculo de encinas cólosales la rodeaba y sus flancos dejaba defendidos. Odio por odio a la ciudad volviendo, hasta el viento, al zumbar en aquel sitio, parecía decir con voz sañuda: - "¡Respetad al León, éste es su asilo!"
El hombre, que los bosques no respeta, que parece afanarse en extinguirlos, y en su orgullo no ve que por las fieras están, contra su estrago, protejidos ,nada de lo que en ellos se guarece venera en su locura, y su dominio ejerce en profanar lo que es sagrado, el antro del León descubrió altivo. El paladín penetra en la caverna y halla entre los despojos de exterminio inequívocas pruebas de que habita un verdadero rey en su circuito. Huellas doquier de muertes y de estragos, osamentas y craneos esparcidos, todo manifestaba que el monarca de nada se privaba en su apetito... Un destello de sol por una grieta abierta por el rayo, entraba tímido... era la hora en que despierta el águila y vuelven las lechuzas a sus nidos... Modesto era el palacio...allí no había encaje ni blasón, jarro ni vino: ¡el rey bebía sangre !...El caballero entró de punta en blanco, espada al cinto...
Y pronto vió en la cueva uno de aquellos crinados monstruos de imponente aspecto ¡al León, que severo meditaba cual pontífice ungido del desierto! Y era enorme el León, de agudas garras, de alta cerviz y de robusto cuello, de tremendo mirar, y acostumbrado solamente a inspirar ¡no a sentir miedo! Con tranquilo valor al fondo oscuro se aproxima al intrépido guerrero, sin que halle más de nuevo que la calma que encontró entre los Sísifos Teseo... El paladín, a que el valor le grita -¡Adelante!-desnudo alza el acero... Sólo entonces el León abre los ojos y al paladín contempla somnoliento.
- "¡Salud, bestia, salud!"-díjole el joven, "tú aquí ocultas á un niño, que yo vengo a libertar de ti; mas no habrá lucha si consientes al punto en devolvérmelo... «¡Yo también soy León ! ¡Vea su padre al niño entre los suyos... o tu cuerpo tibio vapor exhalará bien pronto!» Pensó la fiera y dijo:- «¡No lo creo!» Avanzó el paladín, blandió la espada, - Defiéndete!»-le dijo, -y con desprecio la fiera se sonrió... ¡sonrisa horrible! Y entre hombre y monstruo establecióse el duelo. Embístense los dos... vibra la espada... ¡ruge el León, y unidos cuerpo a cuerpo al paladín, espuma vomitando, lo revuelca en sus garras por el suelo! ¡Ya casi triunfa el héroe del carnívoro... mas el León lo oprime con su peso, y hundiéndole en las carnes la armadura, hace un montón de miembros y de acero! Quedó rojo el recinto, y contemplando informe masa y triturados huesos lo que fué un paladín, ¡sobre esa masa tranquilo el monstruo se quedó durmiendo!
Versión de José Antonio SoffiaLibellés : Victor Hugo |
posted by Alfil @ 6:37 AM |
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