Victor Hugo -Le feu du ciel- |
vendredi, septembre 02, 2005 |
Le feu du ciel Victor Hugo (1802 -1885)
I La voyez-vous passer, la nuée au flanc noir? Tantôt pâle, tantôt rouge et splendide à voir, Morne comme un été stérile? On croit voir à la fois, sur le vent de la nuit, Fuir toute la fumée ardente et tout le bruit De l'embrasement d'une ville.
D'où vient-elle? des cieux, de la mer ou des monts? Est-ce le char de feu qui porte les démons À quelque planète prochaine? Ô terreur! de son sein, chaos mystérieux, D'où vient que par moments un éclair furieux Comme un long serpent se déchaîne?
II La mer! partout la mer! des flots, des flots encor. L'oiseau fatigue en vain son inégal essor. Ici les flots, là-bas les ondes; Toujours des flots sans fin par des flots repoussés; L'oeil ne voit que des flots dans l'abîme entassés Rouler sous les vagues profondes.
Parfois de grands poissons, à fleur d'eau voyageant, Font reluire au soleil leurs nageoires d'argent, Ou l'azur de leurs larges queues. La mer semble un troupeau secouant sa toison: Mais un cercle d'airain ferme au loin l'horizon; Le ciel bleu se mêle aux eaux bleues.
– Faut-il sécher ces mers? dit le nuage en feu. – Non! – Il reprit son vol sous le souffle de Dieu.
III Un golfe aux vertes collines Se mirant dans le flot clair! – Des buffles, des javelines, Et des chants joyeux dans l'air! – C'était la tente et la crèche, La tribu qui chasse et pêche, Qui vit libre, et dont la flèche Jouterait avec l'éclair.
Pour ces errantes familles Jamais l'air ne se corrompt. Les enfants, les jeunes filles, Les guerriers dansaient en rond, Autour d'un feu sur la grève, Que le vent courbe et relève, Pareils aux esprits qu'en rêve On voit tourner sur son front.
Les vierges aux seins d'ébène, Belles comme les beaux soirs, Riaient de se voir à peine Dans le cuivre des miroirs; D'autres, joyeuses comme elles, Faisaient jaillir des mamelles De leurs dociles chamelles Un lait blanc sous leurs doigts noirs.
Les hommes, les femmes nues e baignaient au gouffre amer. – Ces peuplades inconnues, Où passaient-elles hier? – La voix grêle des cymbales, Qui fait hennir les cavales, Se mêlait par intervalles Aux bruits de la grande mer.
La nuée un moment hésita dans l'espace. – Est-ce là? – Nul ne sait qui lui répondit: – Passe! (...)
El fuego del cielo I ¿Veis pasar esa nube pavorosa, ora roja, ora pálida, sombría cual estéril estío? Tal parece que en alas de la noche tenebrosa huye de una ciudad el grande incendio. ¿De dó viene? ¿del cielo ó de Oceano? ¿Es el carro de fuego en que demonios tal vez á algún planeta van cercano? ¡Ah! de su seno, caos misterioso, de cuándo en cuándo un rayo tortuoso, como larga serpiente, baja al llano. II ¡El mar! ¡doquier el mar! ¡doquier las olas! En vano el ave, en busca de la tierra, apresura, afanosa, el raudo vuelo: ¡agua en redor, y por encima el cielo! Las ondas por las ondas empujadas, van en tropel: los ojos no descubren aquí y allí sino ondas agrupadas. A intervalos los peces que viajando van á flor de agua, en juego con las olas, hacen brillar al sol sus conchas de oro y el suave nácar de sus anchas colas. Semeja el mar rebaño que sacude su vellón; vago círculo de bronce limita el horizonte en lontananza; el cielo azul se mezcla con las ondas…
- « ¿Debo secar el mar? » dice la nube. - « ¡No! » Recobra su aliento, y rauda sube.
III Allí está un golfo cuya verde orilla se proyecta en el agua perezosa: se oyen trinos, tal vez de la avecilla, de esos que alegran la mañana hermosa. Allí asoma la tienda de la tribu que, libre al sol y al agua, pesca y caza, y alegre vive de su pobre industria. Puras son sus costumbres: allí el niño, la doncella, el guerrero, sobre el césped danzan, dadas las manos con cariño; y de la llama del hogar en torno, que abate el viento y se reanima luego, se dan a dulce canto y dulce juego. Las doncellas, tan negras como el ébano, bellas como la noche, sonreían viéndose en sus espejos, y extraían luego la leche a sus camellas dóciles. Bañábanse desnudos los varones y las mujeres, todos inocentes, en el cerúleo golfo… Esas naciones ¿dó moraban ayer? Voces hirientes de címbalos se mezclan a los ruídos de los vientos del mar estremecidos...
La nube se detiene vacilante. - « ¿Es aquí? »... Y alguien dícele: -« ¡Adelante! » (...)
Versión de Enrique AlvarezLibellés : Victor Hugo |
posted by Alfil @ 6:32 AM |
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