Victor Hugo -Le doigt de la femme- |
vendredi, septembre 02, 2005 |
Le doigt de la femme Victor Hugo (1802 -1885)
Dieu prit sa plus molle argile Et son plus pur kaolin, Et fit un bijou fragile, Mystérieux et câlin.
Il fit le doigt de la femme, Chef-d'oeuvre auguste et charmant, Ce doigt fait pour toucher l'âme Et montrer le firmament.
Il mit dans ce doigt le reste De la lueur qu'il venait D'employer au front céleste De l'heure où l'aurore naît.
Il y mit l'ombre du voile, Le tremblement du berceau, Quelque chose de l'étoile, Quelque chose de l'oiseau.
Le Père qui nous engendre Fit ce doigt mêlé d'azur, Très fort pour qu'il restât tendre, Très blanc pour qu'il restât pur,
Et très doux, afin qu'en somme Jamais le mal n'en sortît, Et qu'il pût sembler à l'homme Le doigt de Dieu, plus petit.
Il en orna la main d'Ève, Cette frêle et chaste main Qui se pose comme un rêve Sur le front du genre humain.
Cette humble main ignorante, Guide de l'homme incertain, Qu'on voit trembler, transparente, Sur la lampe du destin.
Oh ! dans ton apothéose, Femme, ange aux regards baissés, La beauté, c'est peu de chose, La grâce n'est pas assez ;
Il faut aimer. Tout soupire, L'oncle, la fleur, l'alcyon ; La grâce n'est qu'un sourire, La beauté n'est qu'un rayon ;
Dieu, qui veut qu'Ève se dresse Sur notre rude chemin Fit pour l'amour la caresse, Pour la caresse la main.
Dieu, lorsque ce doigt qu'on aime Sur l'argile fut conquis, S'applaudit, car le suprême Est fier de créer l'exquis.
Ayant fait ce doigt sublime, Dieu dit aux anges : Voilà ! Puis s'endormit dans l'abîme ; Le diable alors s'éveilla.
Dans l'ombre où Dieu se repose, Il vint, noir sur l'orient, Et tout au bout du doigt rose Mit un ongle en souriant.
El dedo de la mujer
Tomó su más blanda arcilla- su arcilla más pura-Dios, y formó un objeto frágil, misterioso, seductor.
De la mujer hizo el dedo, obra augusta y deliciosa, dedo que los cielos muestra y los corazones toca.
Puso á ese dedo el sobrante de la luz con que acababa de alumbrar la gaya frente a la hora en que nace el alba;
La castidad de los velos, de las cunas el vaivén, algo del astro; del ave también algo puso en él.
Con la sustancia celeste Dios ese dedo compuso, fuerte porque fuese tierno, blanco porque fuese puro;
Y suave para que nunca saliera dél el veneno, y para que pareciera dedo de Dios en pequeño. Y con él adornó de Eva la púdica, débil mano, que se posa en nuestras frentes como de un sueño el encanto. Humilde mano ignorante, guía del hombre indeciso, que tiembla y se trasparenta sobre la ley del destino.
¡Oh! para tu apoteosis, ángel de casta mirada, la belleza es poca cosa, y no es bastante la gracia.
Fuerza es amar. Todo ama: la onda, la flor, el alción; la gracia solo es sonrisa, y la belleza un fulgor.
Dios, que á Eva poner quiso en nuestra senda de espinas, la caricia al amor dióle, y la mano á la caricia.
Cuando aquel amable dedo de la arcilla hubo salido, Dios se aplaudió: -lo supremo goza en crear lo exquisito.
Hecho aquel dedo sublime, Dios dijo al cielo: -¡Aquí está!- y se adormeció en seguida en su augusta eternidad...
El Diablo entonces despierta, viene empañando la aurora, y sonrïendo una uña en aquel dedo coloca.
Versión de Domingo Arteaga AlemparteLibellés : Victor Hugo |
posted by Alfil @ 6:52 AM |
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