Victor Hugo -La grand-mère |
vendredi, septembre 02, 2005 |
La grand-mère Victor Hugo (1802 -1885)
Dors-tu ?... réveille-toi, mère de notre mère ! D'ordinaire en dormant ta bouche remuait ; Car ton sommeil souvent ressemble à ta prière. Mais, ce soir, on dirait la madone de pierre ; Ta lèvre est immobile et ton souffle est muet.
Pourquoi courber ton front plus bas que de coutume. Quel mal avons-nous fait, pour ne plus nous chérir ? Vois, la lampe pâlit, l'âtre scintille et fume ; Si tu ne parles pas, le feu qui se consume, Et la lampe, et nous deux, nous allons tous mourir !
Tu nous trouveras morts près de la lampe éteinte. Alors, que diras-tu quand tu t'éveilleras ? Tes enfants à leur tour seront sourds à ta plainte. Pour nous rendre la vie, en invoquant ta sainte, Il fraudra bien longtemps nous serrer dans tes bras !
Donne-nous donc tes mains dans nos mains réchauffées. Chante-nous quelque chant de pauvre troubadour. Dis-nous ces chevaliers qui, servis par les fées, Pour bouquets à leur dame apportaient des trophées, Et dont le cri de guerre était un nom d'amour.
Disnous quel divin signe est funeste aux fantômes ; Quel ermite dans l'air vit Lucifer volant ; Quel rubis étincelle au front du roi des Gnomes ; Et si le noir démon craint plus, dans ses royaumes, Les psaumes de Turpin que le fer de Roland.
Ou, montre-nous ta Bible et les belles images, Le ciel d'or, les saints bleus, les saintes à genoux, L'enfant-Jésus, la crèche, et le boeuf, et les mages ; Fais-nous lire du doigt, dans le milieu des pages, Un peu de ce latin, qui parle à Dieu de nous.
Mère !... - Hélas ! par degrés s'affaisse la lumière, L'ombre joyeuse danse autour du noir foyer, Les esprits vont peut-être entrer dans la chaumière... Oh ! sors de ton sommeil, interromps ta prière ; Toi qui nous rassurais, veux-tu nous effrayer ?
Dieu ! que tes bras sont froids ! rouvre les yeux... Naguère Tu nous parlais d'un monde, où nous mènent nos pas, Et de ciel, et de tombe, et de vie éphémère, Tu parlais de la mort... dis-nous, ô notre mère ! Qu'est-ce donc que la mort ? - Tu ne nous réponds pas !
Leur gémissante voix longtemps se plaignit seule. La jeune aube parut sans réveiller l'aïeule. La cloche frappa l'air de ses funèbres coups ; Et, le soir, un passant, par la porte entrouverte Vit, devant le saint livre et la couche déserte, Les deux petits enfants qui priaient à genoux.
La abuela
¡Oh madre de nuestra madre!¿estás durmiendo? ¡Despierta! Otras veces en tus sueños murmuras y balbuceas, y parece que aun dormida hablas con alguien y rezas; mas hoy estás tan inmóvil como la virgen de piedra, y á tus labios silenciosos ni el aliento vida presta.
¿Por qué más sobre tu pecho hoy inclinas la cabeza? Dínos, ¿qué daño te hicimos para que ya no nos quieras? Mira: la pálida lámpara se extingue; el hogar humea; y si no quieres hablarnos como solías, abuela, lámpara, hogar y nosotros morirémos de tristeza.
¿Qué dirás, cuando despiertes de ese letargo, y nos veas a nosotros dos ya muertos, muerto el fuego, la luz muerta? También entonces tus hijos sordos serán á tus quejas. Para que resucitemos al cielo harás mil promesas, y bien habrás de abrazarnos para darnos vida nueva.
Tiéndenos tus manos frías que nuestras manos calientan; y de antiguos trovadores cántanos coplas añejas. Háblanos de los guerreros que servían fadas bellas, y á sus damas les llevaban en vez de flores, banderas; dínos el nombre amoroso que era su grito de guerra.
Dínos cómo se conjuran los fantasmas. ¡Ay, abuela! cuéntanos aquella historia de un monje que vió en su celda a Lucifer por los aires volar con alas siniestras; dínos á quién el Demonio teme más, en su caverna, a los mandobles de Orlando o a los salmos de la Iglesia.
Vén; enséñanos tu Biblia con sus láminas tan bellas, los Santos de azul y de oro, y el cielo con tánta estrella, y el Niño, el buey y los magos...; y esas latinas sentencias que á Dios hablan de nosotros, descífranos letra a letra.
La luz oscila y se apaga, descienden las sombras densas; quizás ya por la ventana malos espíritus entran... Tú, que el miedo nos quitabas, hoy nuestro pavor aumentas. ¡Cielos! tu mano está fría! A veces, con ansia tierna, nos hablabas de otro mundo do cada paso nos lleva, de la gloria del sepulcro, de la vida pasajera, y de la muerte... ¡la muerte! ¿Qué es la muerte? ¿No contestas?
Y oyéronse largo rato sus sollozos. Y risueña rayó al fin la blanca aurora, y no despertó a la abuela. Dió al aire lúgubres sones la campana de la aldea, y un pastor vió aquella noche, por la mal cerrada puerta, delante del santo libro, junto a la cama desierta, dos niños arrodilladosque rezaban con voz trémula.
Versión de Teodoro LlorenteLibellés : Victor Hugo |
posted by Alfil @ 6:30 AM |
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