Victor Hugo -Dans le cimetière de...- |
vendredi, septembre 02, 2005 |
Dans le cimetière de... Victor Hugo (1802 -1885)
La foule des vivants rit et suit sa folie, Tantôt pour son plaisir, tantôt pour son tourment ; Mais par les morts muets, par les morts qu'on oublie, Moi, rêveur, je me sens regardé fixement.
Ils savent que je suis l'homme des solitudes, Le promeneur pensif sous les arbres épais, L'esprit qui trouve, ayant ses douleurs pour études, Au seuil de tout le trouble, au fond de tout la paix !
Ils savent l'attitude attentive et penchée Que j'ai parmi les buis, les fosses et les croix ; Ils m'entendent marcher sur la feuille séchée ; Ils m'ont vu contempler des ombres dans les bois,
Ils comprennent ma voix sur le monde épanchée, Mieux que vous, ô vivants bruyants et querelleurs ! Les hymnes de la lyre en mon âme cachée, Pour vous ce sont des chants, pour eux ce sont des pleurs.
Moi, c'est là que je vis! – cueillant les roses blanches, Consolant les tombeaux délaissés trop longtemps, Je passe et je reviens, je dérange les branches, Je fait du bruit dans l'herbe, et les morts sont contents.
Là je rêve! et, rôdant dans le champ léthargique, Je vois, avec des yeux dans ma pensée ouverts, Se transformer mon âme en un monde magique, Miroir mystérieux du visible univers.
Regardant sans les voir de vagues scarabées, Des rameaux indistincts, des formes, des couleurs, Là, j'ai dans l'ombre, assis sur des pierres tombées, Des éblouissements de rayons et de fleurs.
Là, le songe idéal qui remplit ma paupière Flotte, lumineux voile, entre la terre et nous ; Là, mes doutes ingrats se fondent en prière ; Je commence debout et j'achève à genoux.
Comme au creux du rocher vole l'humble colombe, Cherchant la goutte d'eau qui tombe avant le jour, Mon esprit altéré, dans l'ombre de la tombe, Va boire un peu de foi, d'espérance et d'amour !
En el cementerio
Pasó la multitud. Siempre á mi lado sin mirarme ha pasado, feliz ó desgraciada en su locura; pero los muertos, que olvidados viven, mi visita reciben y á su lado me acogen con ternura.
Saben que soy el hombre del olvido, el viajero perdido del bosque de la muerte en la espesura; alma que del dolor un libro haciendo, en él ha ido aprendiendo que abajo está la paz, nunca en la altura.
Ellos conocen la actitud que tengo cuando á olvidarme vengo del mundo, entre las cruces y las losas; y con amor escuchan mis pisadas, y siguen mis miradas cuando la oscuridad buscan ansiosas.
Ellos la voz de mi dolor atienden, y mis quejas comprenden más que vosotros, locos de la tierra; y el himno de mi lira, vuestro canto, es para ellos el llanto que de amargura el corazón encierra.
Olvidados de todos, la Natura les brinda en su ternura este jardín, nuestra última morada; en él la aurora vaga cariñosa, la flor es más hermosa y es más feliz el ave enamorada.
Y vivo aquí! Rodeado de sus flores, alivio mis dolores consolando á las tumbas olvidadas; de los muertos deléitase el oído cuando escuchan el ruido que forman en la hierba mis pisadas.
Y sueño aquí! Vagando entre los muertos, del pensamiento abiertos los ojos ven que mi alma se transforma en un mágico espejo que retrata y a lo inmortal dilata del universo la imponente forma.
Viendo aquí sin mirar pobres insectos de variados aspectos, tronchadas ramas, sombras y colores, siento, en la oscuridad, que me deslumbran las tinieblas que alumbran volcadas piedras, túmulos y flores.
El ideal de mi constante anhelo cual luminoso velo flota aquí de lo eterno en las orillas; de mis dudas sin fin las formas varias transfórmanse en plegarias... comienzo en pie y acabo de rodillas.
Cual busca la paloma entre las grietas de las rocas escuetas la gota de agua que dejó la aurora, mi alma afligida bebe con anhelo un poco de consuelo de amor y fe donde la muerte mora.
Versión de Ernesto León GómezLibellés : Victor Hugo |
posted by Alfil @ 6:12 AM |
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