Les Chants de Maldoror -Chant Premier II- Comte de Lautréamont (Isidore Ducasse) (Uruguay, 1846-1870)
II
Lecteur, c'est peut-être la haine que tu veux que j'invoque dans le commencement de cet ouvrage! Qui te dit que tu n'en renifleras pas, baigné dans d'innombrables voluptés, tant que tu voudras, avec tes narines orgueilleuses, larges et maigres, en te renversant de ventre, pareil à un requin, dans l'air beau et noir, comme si tu comprenais l'importance de cet acte et l'importance non moindre de ton appétit légitime, lentement et majestueusement, les rouges émanations? Je t'assure, elles réjouiront les deux trous informes de ton museau hideux, ô monstre, si toutefois tu t'appliques auparavant à respirer trois mille fois de suite la conscience maudite de l'Éternel! Tes narines, qui seront démesurément dilatées de contentement ineffable, d'extase immobile, ne demanderont pas quelque chose de meilleur à l'espace, devenu embaumé comme de parfums et d'encens; car, elles seront rassasiées d'un bonheur complet, comme les anges qui habitent dans la magnificence et la paix des agréables cieux.
Los Cantos de Maldoror -Canto Primero II- II
Lector, quizás desees que invoque al odio en el comienzo de esta obra. ¿Quién te dice que no has de olfatearlo, sumergido en innumerables voluptuosidades, tanto como quieras, con tus orgullosas narices, anchas y afiladas, volviéndote de vientre, semejante a un tiburón, en el aire hermoso y negro, como si comprendieras la importancia de ese acto y la importancia no menos de tu legítimo apetito, lenta y majestuosamente, las rojas emanaciones? Te aseguro que los dos deformes agujeros de tu horroroso hocico, oh monstruo, se regocijarán, si te dispones de antemano a respirar tres mil veces seguidas la conciencia maldita de lo Eterno. Tus narices, desmesuradamente dilatadas por la inefable satisfacción, por el éxtasis inmóvil, no pedirán otra cosa al espacio, embalsamado de perfumes e incienso, pues se colmarán de una dicha completa, como los ángeles que habitan en la magnificencia y la paz de los gratos cielos. Libellés : Lautreamont |