Alphonse de Lamartine -Milly ou la Terre natale- |
mercredi, mai 25, 2005 |
Milly ou la Terre natale Alphonse de Lamartine (1790-1869)
Pourquoi le prononcer ce nom de la patrie? Dans son brillant exil mon cour en a frémi; Il résonne de loin dans mon âme attendrie, Comme les pas connus ou la voix d'un ami.
Montagnes que voilait le brouillard de l'automne, Vallons que tapissait le givre du matin, Saules dont l'émondeur effeuillait la couronne, Vieilles tours que le soir dorait dans le lointain,
Murs noircis par les ans, coteaux, sentier rapide, Fontaine où les pasteurs accroupis tour à tour Attendaient goutte à goutte une eau rare et limpide, Et, leur urne à la main, s'entretenaient du jour,
Chaumière où du foyer étincelait la flamme, Toit que le pèlerin aimait à voir fumer, Objets inanimés, avez-vous donc une âme Qui s'attache à notre âme et la force d'aimer ?
J'ai vu des cieux d'azur, où la nuit est sans voiles, Dorés jusqu'au matin sous les pieds des étoiles, Arrondir sur mon front dans leur arc infini Leur dôme de cristal qu'aucun vent n'a terni ! J'ai vu des monts voilés de citrons et d'olives Réfléchir dans les eaux leurs ombres fugitives, Et dans leurs frais vallons, au souffle du zéphyr, Bercer sur l'épi mûr le cep prêt à mûrir; Sur des bords où les mers ont à peine un murmure, J'ai vu des flots brillants l'onduleuse ceinture Presser et relâcher dans l'azur de ses plis De leurs caps dentelés les contours assouplis, S'étendre dans le golfe en nappes de lumière, Blanchir l'écueil fumant de gerbes de poussière, Porter dans le lointain d'un occident vermeil Des îles qui semblaient le lit d'or du soleil, Ou s'ouvrant devant moi sans rideau, sans limite, Me montrer l'infini que le mystère habite ! J'ai vu ces fiers sommets, pyramides des airs, Où l'été repliait le manteau des hivers, Jusqu'au sein des vallons descendant par étages, Entrecouper leurs flancs de hameaux et d'ombrages, De pics et de rochers ici se hérisser, En pentes de gazon plus loin fuir et glisser, Lancer en arcs fumants, avec un bruit de foudre, Leurs torrents en écume et leurs fleuves en poudre, Sur leurs flancs éclairés, obscurcis tour à tour, Former des vagues d'ombre et des îles de jour, Creuser de frais vallons que la pensée adore, Remonter, redescendre, et remonter encore, Puis des derniers degrés de leurs vastes remparts, À travers les sapins et les chênes épars Dans le miroir des lacs qui dorment sous leur ombre Jeter leurs reflets verts ou leur image sombre, Et sur le tiède azur de ces limpides eaux Faire onduler leur neige et flotter leurs coteaux ! J'ai visité ces bords et ce divin asile Qu'a choisis pour dormir l'ombre du doux Virgile, Ces champs que la Sibylle à ses yeux déroula, Et Cume et l'Élysée; et mon cœur n'est pas là ! ...
Mais il est sur la terre une montagne aride Qui ne porte en ses flancs ni bois ni flot limpide, Dont par l'effort des ans l'humble sommet miné, Et sous son propre poids jour par jour incliné, Dépouillé de son sol fuyant dans les ravines, Garde à peine un buis sec qui montre ses racines, Et se couvre partout de rocs prêts à crouler Que sous son pied léger le chevreau fait rouler. Ces débris par leur chute ont formé d'âge en âge Un coteau qui décroît et, d'étage en étage, Porte, à l'abri des murs dont ils sont étayés, Quelques avares champs de nos sueurs payés, Quelques ceps dont les bras, cherchant en vain l'érable, Serpentent sur la terre ou rampent sur le sable, Quelques buissons de ronce, où l'enfant des hameaux Cueille un fruit oublié qu'il dispute aux oiseaux, Où la maigre brebis des chaumières voisines Broute en laissant sa laine en tribut aux épines; Lieux que ni le doux bruit des eaux pendant l'été, Ni le frémissement du feuillage agité, Ni l'hymne aérien du rossignol qui veille, Ne rappellent au cœur, n'enchantent pour l'oreille; Mais que, sous les rayons d'un ciel toujours d'airain, La cigale assourdit de son cri souterrain. Il est dans ces déserts un toit rustique et sombre Que la montagne seule abrite de son ombre, Et dont les murs, battus par la pluie et les vents, Portent leur âge écrit sous la mousse des ans. Sur le seuil désuni de trois marches de pierre Le hasard a planté les racines d'un lierre Qui, redoublant cent fois ses nœuds entrelacés, Cache l'affront du temps sous ses bras élancés, Et, recourbant en arc sa volute runique, Fait le seul ornement du champêtre portique. Un jardin qui descend au revers d'un coteau Y présente au couchant son sable altéré d'eau; La pierre sans ciment, que l'hiver a noircie, En borne tristement l'enceinte rétrécie; La terre, que la bêche ouvre à chaque saison, Y montre à nu son sein sans ombre et sans gazon; Ni tapis émaillés, ni cintres de verdure, Ni ruisseau sous des bois, ni fraîcheur, ni murmure; Seulement sept tilleuls par le soc oubliés, Protégeant un peu d'herbe étendue à leurs pieds, Y versent dans l'automne une ombre tiède et rare, D'autant plus douce au front sous un ciel plus avare; Arbres dont le sommeil et des songes si beaux Dans mon heureuse enfance habitaient les rameaux ! Dans le champêtre enclos qui soupire après l'onde, Un puits dans le rocher cache son eau profonde, Où le vieillard qui puise, après de longs efforts, Dépose en gémissant son urne sur les bords; Une aire où le fléau sur l'argile étendue Bat à coups cadencés la gerbe répandue, Où la blanche colombe et l'humble passereau Se disputent l'épi qu'oublia le râteau Et sur la terre épars des instruments rustiques, Des jougs rompus, des chars dormant sous les portiques, Des essieux dont l'ornière a brisé les rayons, Et des socs émoussés qu'ont usés les sillons.
Rien n'y console l'œil de sa prison stérile, Ni les dômes dorés d'une superbe ville, Ni le chemin poudreux, ni le fleuve lointain, Ni des toits blanchissants aux clartés du matin; Seulement, répandus de distance en distance, De sauvages abris qu'habite l'indigence, Le long d'étroits sentiers en désordre semés, Montrent leur toit de chaume et leurs murs enfumés, Où le vieillard, assis au seuil de sa demeure, Dans son berceau de jonc endort l'enfant qui pleure; Enfin un sol sans ombre et des cieux sans couleur, Et des vallons sans onde ! - Et c'est là qu'est mon cœur ! Ce sont là les séjours, les sites, les rivages Dont mon âme attendrie évoque les images, Et dont pendant les nuits mes songes les plus beaux Pour enchanter mes yeux composent leurs tableaux !
Là chaque heure du jour, chaque aspect des montagnes, Chaque son qui le soir s'élève des campagnes, Chaque mois qui revient, comme un pas des saisons, Reverdir ou faner les bois ou les gazons, La lune qui décroît ou s'arrondit dans l'ombre, L'étoile qui gravit sur la colline sombre, Les troupeaux des hauts lieux chassés par les frimas, Des coteaux aux vallons descendant pas à pas, Le vent, l'épine en fleurs, l'herbe verte ou flétrie, Le soc dans le sillon, l'onde dans la prairie, Tout m'y parle une langue aux intimes accents Dont les mots, entendus dans l'âme et dans les sens, Sont des bruits, des parfums, des foudres, des orages, Des rochers, des torrents, et ces douces images, Et ces vieux souvenirs dormant au fond de nous, Qu'un site nous conserve et qu'il nous rend plus doux. Là mon cœur en tout lieu se retrouve lui-même ! Tout s'y souvient de moi, tout m'y connaît, tout m'aime ! Mon œil trouve un ami dans tout cet horizon, Chaque arbre a son histoire et chaque pierre un nom. Qu'importe que ce nom, comme Thèbe ou Palmire, Ne nous rappelle pas les fastes d'un empire, Le sang humain versé pour le choix des tyrans, Ou ces fléaux de Dieu que l'homme appelle grands ? Ce site où la pensée a rattaché sa trame, Ces lieux encor tout pleins des fastes de notre âme, Sont aussi grands pour nous que ces champs du destin Où naquit, où tomba quelque empire incertain : Rien n'est vil ! rien n'est grand ! l'âme en est la mesure Un cœur palpite au nom de quelque humble masure, Et sous les monuments des héros et des dieux Le pasteur passe et siffle en détournant les yeux !
Voilà le banc rustique où s'asseyait mon père, La salle où résonnait sa voix mâle et sévère, Quand les pasteurs assis sur leurs socs renversés Lui comptaient les sillons par chaque heure tracés, Ou qu'encor palpitant des scènes de sa gloire, De l'échafaud des rois il nous disait l'histoire, Et, plein du grand combat qu'il avait combattu, En racontant sa vie enseignait la vertu ! Voilà la place vide où ma mère à toute heure Au plus léger soupir sortait de sa demeure, Et, nous faisant porter ou la laine ou le pain, Vêtissait l'indigence ou nourrissait la faim; Voilà les toits de chaume où sa main attentive Versait sur la blessure ou le miel ou l'olive, Ouvrait près du chevet des vieillards expirants Ce livre où l'espérance est permise aux mourants, Recueillait leurs soupirs sur leur bouche oppressée, Faisait tourner vers Dieu leur dernière pensée, Et tenant par la main les plus jeunes de nous, À la veuve, à l'enfant, qui tombaient à genoux, Disait, en essuyant les pleurs de leurs paupières Je vous donne un peu d'or, rendez-leur vos prières ! Voilà le seuil, à l'ombre, où son pied nous berçait, La branche du figuier que sa main abaissait, Voici l'étroit sentier où, quand l'airain sonore Dans le temple lointain vibrait avec l'aurore, Nous montions sur sa trace à l'autel du Seigneur Offrir deux purs encens, innocence et bonheur ! C'est ici que sa voix pieuse et solennelle Nous expliquait un Dieu que nous sentions en elle, Et nous montrant l'épi dans son germe enfermé, La grappe distillant son breuvage embaumé, La génisse en lait pur changeant le suc des plantes, Le rocher qui s'entrouvre aux sources ruisselantes, La laine des brebis dérobée aux rameaux Servant à tapisser les doux nids des oiseaux, Et le soleil exact à ses douze demeures, Partageant aux climats les saisons et les heures, Et ces astres des nuits que Dieu seul peut compter, Mondes où la pensée ose à peine monter, Nous enseignait la foi par la reconnaissance, Et faisait admirer à notre simple enfance Comment l'astre et l'insecte invisible à nos yeux Avaient, ainsi que nous, leur père dans les cieux ! Ces bruyères, ces champs, ces vignes, ces prairies, Ont tous leurs souvenirs et leurs ombres chéries. Là, mes sœurs folâtraient, et le vent dans leurs jeux Les suivait en jouant avec leurs blonds cheveux ! Là, guidant les bergers aux sommets des collines, J'allumais des bûchers de bois mort et d'épines, Et mes yeux, suspendus aux flammes du foyer, Passaient heure après heure à les voir ondoyer. Là, contre la fureur de l'aquilon rapide Le saule caverneux nous prêtait son tronc vide, Et j'écoutais siffler dans son feuillage mort Des brises dont mon âme a retenu l'accord. Voilà le peuplier qui, penché sur l'abîme, Dans la saison des nids nous berçait sur sa cime, Le ruisseau dans les prés dont les dormantes eaux Submergeaient lentement nos barques de roseaux, Le chêne, le rocher, le moulin monotone, Et le mur au soleil où, dans les jours d'automne, Je venais sur la pierre, assis près des vieillards, Suivre le jour qui meurt de mes derniers regards ! Tout est encor debout; tout renaît à sa place : De nos pas sur le sable on suit encor la trace; Rien ne manque à ces lieux qu'un cœur pour en jouir, Mais, hélas ! l'heure baisse et va s'évanouir.
La vie a dispersé, comme l'épi sur l'aire, Loin du champ paternel les enfants et la mère, Et ce foyer chéri ressemble aux nids déserts D'où l'hirondelle a fui pendant de longs hivers ! Déjà l'herbe qui croît sur les dalles antiques Efface autour des murs les sentiers domestiques, Et le lierre, flottant comme un manteau de deuil, Couvre à demi la porte et rampe sur le seuil; Bientôt peut-être... ! écarte, ô mon Dieu ! ce présage ! B ientôt un étranger, inconnu du village, Viendra, l'or à la main, s'emparer de ces lieux Qu'habite encor pour nous l'ombre de nos aïeux, Et d'où nos souvenirs des berceaux et des tombes S'enfuiront à sa voix, comme un nid de colombes Dont la hache a fauché l'arbre dans les forêts, Et qui ne savent plus où se poser après !
Ne permets pas, Seigneur, ce deuil et cet outrage ! Ne souffre pas, mon Dieu, que notre humble héritage Passe de mains en mains troqué contre un vil prix, Comme le toit du vice ou le champ des proscrits Qu'un avide étranger vienne d'un pied superbe Fouler l'humble sillon de nos berceaux sur l'herbe, Dépouiller l'orphelin, grossir, compter son or Aux lieux où l'indigence avait seule un trésor, Et blasphémer ton nom sous ces mêmes portiques Où ma mère à nos voix enseignait tes cantiques Ah ! que plutôt cent fois, aux vents abandonné, Le toit pende en lambeaux sur le mur incliné; Que les fleurs du tombeau, les mauves, les épines, Sur les parvis brisés germent dans les ruines ! Que le lézard dormant s'y réchauffe au soleil, Que Philomèle y chante aux heures du sommeil, Que l'humble passereau, les colombes fidèles, Y rassemblent en paix leurs petits sous leurs ailes, Et que l'oiseau du ciel vienne bâtir son nid Aux lieux où l'innocence eut autrefois son lit ! Ah ! si le nombre écrit sous l'œil des destinées Jusqu'aux cheveux blanchis prolonge mes années, Puissé-je, heureux vieillard, y voir baisser mes jours Parmi ces monuments de mes simples amours Et quand ces toits bénis et ces tristes décombres Ne seront plus pour moi peuplés que par des ombres, Y retrouver au moins dans les noms, dans les lieux, Tant d'êtres adorés disparus de mes yeux ! Et vous, qui survivrez à ma cendre glacée, Si vous voulez charmer ma dernière pensée, Un jour, élevez-moi... ! non ! ne m'élevez rien Mais près des lieux où dort l'humble espoir du chrétien, Creusez-moi dans ces champs la couche que j'envie Et ce dernier sillon où germe une autre vie ! Étendez sur ma tête un lit d'herbes des champs Que l'agneau du hameau broute encore au printemps, Où l'oiseau, dont mes sœurs ont peuplé ces asiles, Vienne aimer et chanter durant mes nuits tranquilles; Là, pour marquer la place où vous m'allez coucher, Rouez de la montagne un fragment de rocher; Que nul ciseau surtout ne le taille et n'efface La mousse des vieux jours qui brunit sa surface, Et d'hiver en hiver incrustée à ses flancs, Donne en lettre vivante une date à ses ans Point de siècle ou de nom sur cette agreste page ! Devant l'éternité tout siècle est du même âge, Et celui dont la voix réveille le trépas Au défaut d'un vain nom ne nous oubliera pas ! Là, sous des cieux connus, sous les collines sombres, Qui couvrirent jadis mon berceau de leurs ombres, Plus près du sol natal, de l'air et du soleil, D'un sommeil plus léger j'attendrai le réveil ! Là, ma cendre, mêlée à la terre qui m'aime, Retrouvera la vie avant mon esprit même, Verdira dans les prés, fleurira dans les fleurs, Boira des nuits d'été les parfums et les pleurs; Et, quand du jour sans soir la première étincelle Viendra m'y réveiller pour l'aurore éternelle, En ouvrant mes regards je reverrai des lieux Adorés de mon cœur et connus de mes yeux, Les pierres du hameau, le clocher, la montagne, Le lit sec du torrent et l'aride campagne; Et, rassemblant de l'œil tous les êtres chéris Dont l'ombre près de moi dormait sous ces débris, Avec des sœurs, un père et l'âme d'une mère, Ne laissant plus de cendre en dépôt à la terre, Comme le passager qui des vagues descend Jette encore au navire un œil reconnaissant, Nos voix diront ensemble à ces lieux pleins de charmes L'adieu, le seul adieu qui n'aura point de larmes !
Milly o la tierra natal
¿Por qué, pues, pronunciar ese nombre de patria? En su exilio brillante se estremece mi pecho y resuena de lejos en el alma afligida como lo hacen los pasos o la voz de un amigo.
¡Oh montañas veladas por la niebla de otoño, valles que entapizaban las escarchas del alba, sauces cuya corona deshojaba la poda, viejas torres doradas por el sol de la tarde,
muros negros del tiempo, lomas, cuestas abruptas, manantial donde van a beber los pastores, gota a gota esperando aguas raras y límpidas, con sus urnas dispuestas mientras hablan del día!
Choza que hace brillar el fulgor de la lumbre y que amaba el viajero por humear a lo lejos, sólo objetos, ¿o acaso tenéis alma también que se pega a nuestra alma y a la fuerza de amar?
Yo vi cielos azules cuya noche es sin brumas, toda de oro hasta el alba bajo un brillo de estrellas que en su curva infinita redondeaban la cúpula de cristal que jamás ha empañado algún viento. Y vi montes cargados de limones y olivas reflejar en las aguas sus inquietos perfiles; y en sus valles profundos al impulso del céfiro balancearse la espiga y la cepa madura; en los mares que apenas son un leve murmullo vi del agua luciente la ondulante cintura aprentando y soltando en sus pliegues azules de sus riscos mellados los contornos inciertos extenderse en el golfo como mantos de luz, y blanqueando el escollo con sus flores de espuma llevar hasta lo lejos de un poniente rojizo islas» que eran el lecho como de oro del sol; allí abriéndose a mí me mostraban sin límite todo un mar infinito donde habita el misterio; vi las cumbres altivas, cual del aire pirámides, donde estío fundía el abrigo invernal, descendiendo en peldaños hasta el fondo de valles con laderas pobladas por aldeas y frondas, con picachos y rocas que se yerguen, bajando en pendientes de hierba para huir deslizándose, mientras curvas humeantes, con un ruido de trueno sus torrentes de espuma y sus ríos en polvo, en sus flancos que son ya de luz ya de sombra, con oleadas oscuras y con islas radiantes, se ven valles profundos caros al soñador, ascendiendo, bajando y ascendiendo otra vez, y allí desde la raíz de sus amplias murallas, entre abetos y robles por la tierra esparcidos, en los lagos o espejos que a su sombra dormitan dar sus verdes reflejos o su imagen oscura, y en el tibio azul claro de estas límpidas aguas ser la nieve un temblor y algo fluido los cerros. Visité esas orillas y ese albergue divino que la sombra del vate eligió como tumba, esos campos que pudo la Sibila-" mostrarle, y el Elíseo y Cumas; y a pesar de todo eso no está allí el corazón...
Pero existe también una estéril montaña que no tiene ni bosques ni hontanares, con una cumbre humilde minada por la acción de los años, que por su propio peso día a día se inclina y que pierde su tierra derramada en barrancos conservando un boj seco de raíz descarnada, con roquedos a punto de caer si los pisa con su pata ligera algún chivo nervioso. Con el tiempo esos restos al caer han formado como un cerro que mengua y que va escalonándose hasta muros que sirven de pared protectora a unos campos avaros que ha regado el sudor; unas cepas con brazos que no encuentran sus arces por la tierra serpean o en la arena se arrastran, y hay zarzales en donde el zagal de la aldea coge un fruto olvidado que disputa a los pájaros; allí ovejas escuálidas de las chozas vecinas ramonean dejando entre espinos su lana. Lugar donde la música de las aguas de estío o el temblor del follaje que sacuden las brisas o los himnos que entrega el ruiseñor a los aires, no conmueven el pecho ni el oído seducen, sino que bajo un cielo que es de bronce perpetuo la cigarra ensordece con su grito escondido. Hay en estos desiertos una rústica casa que recibe tan sólo de este monte la sombra, con paredes golpeadas por la lluvia y los vientos, con los musgos antiguos ocultando su edad. En su umbral pueden verse tres peldaños de piedra y allí puso el azar de una yedra las raíces que mezclando cien veces sus enredos de nudos con sus brazos esconde las injurias del tiempo, y curvando en un arco sus volutas agrestes es el único adorno de aquel rústico porche. Un jardín que desciende por el flanco de un cerro muestra cara al poniente un sediento arenal. No sujeta, la piedra que el invierno ha tiznado es el triste jalón del recinto minúsculo. Esa tierra que hieren las azadas exhibe sus entrañas desnudas de la hierba y la sombra; ni esmaltadas alfombras ni el verdor hecho bóveda, ni un arroyo en los bosques, ni frescor ni murmullo; solamente seis tilos que el arado olvidó, con un poco de hierba extendida a sus pies dan en tiempo de otoño sombra tibia y escasa, que es más grata a la frente bajo un cielo tan duro; árboles que en sus frondas, en mi infancia feliz, albergaron los sueños más hermosos que tuve. En aquellos lugares que suspiran por agua hay un pozo en la roca que el frescor nos esconde, y allí el viejo, después, de muy largos esfuerzos, mientras gime descansa su urna sobre el brocal; la era donde el mayal sobre tierra pisada bate rítmicamente las dispersas gavillas, y la blanca paloma y el humilde gorrión se disputan la espiga que el rastrillo olvidó; y esparcidas por tierra, herramientas del campo, yugos rotos y carros que duermen bajo porches, ejes ya sin los rayos que quebró la rodada, y la reja inservible que embotaron los surcos.
Nada alivia la vista de su estéril prisión, ni las cúpulas áureas de soberbias ciudades, ni la senda de polvo, ni a lo lejos un no, ni los blancos tejados a la luz de la aurora. Solamente esparcidos de distancia en distancia los refugios agrestes que los pobres habitan, junto a sendas estrechas que dispuso el desorden, con tejados de bálago y paredes ahumadas, se ven donde el anciano que se sienta a la puerta, en su cuna de juncos duerme al niño que llora. ¡Una tierra sin sombra, sin colores los cielos, unos valles sin agua! ¡Y allí está el corazón! Éstos son los lugares, los sagrados parajes de los cuales el alma rememora la imagen, y que forjan de noche mis ensueños más bellos hechizando los ojos con antiguas visiones.
Allí cada momento, cada aspecto del monte, cada ruido que se alza por la noche en los campos, cada mes que retorna como un paso del tiempo, y hace verdes o mustia esos bosques y prados, y la luna que mengua o que crece en la sombra, y la estrella que asciende por la oscura colina, los rebaños del monte que la escarcha ha expulsado y que vuelven al valle con su andar vacilante, viento, espino florido, hierba verde o marchita, y la reja en el surco y en los prados el agua, todo me habla una lengua que resuena aquí dentro, con palabras que entienden los sentidos y el alma: resonancias, perfumes, tempestades y rayos, y peñascos, torrentes, y esas dulces imágenes y esos viejos recuerdos que en nosotros dormitan, que un lugar nos conservan y devuelven más dulce. Allí está el corazón que se vuelve a encontrar; todo allí me recuerda, me conoce y me ama.
Allí abundan amigos en todo este horizonte, en cada árbol releo una historia pasada y también cada piedra tiene un nombre que es suyo; «¿qué más da que este nombre, como Palmira o Tebas,» no recuerde los fastos de un imperio grandioso ni la sangre vertida a la voz de un tirano o esos grandes que el hombre llama azotes de Dios? El lugar cuya trama nos cautiva la mente, que aún rebosa de fastos que no olvida nuestra alma, me parece tan grande como el campo glorioso que fue cuna o sepulcro de un imperio inseguro. ¡Nada es vil! ¡Nada es grande! Todo el alma lo mide. Al nombrar una choza puede un pecho agitarse, y sobre monumentos de los héroes y dioses el pastor pasa y silba y desvía los ojos.
He aquí el banco rústico que servía a mi padre, y la sala que oyó su voz fuerte y severa, cuando aquí los pastores, en sus rejas sentados, le contaban los surcos hechos en cada hora; o tal vez palpitante de sus días de gloria nos contaba la historia de los regios cadalsos; y aún viviendo el combate en que había luchado, al contarnos su vida la virtud enseñaba. Y el vacío lugar en que siempre mi madre, al suspiro más leve de su casa salía para hacernos llevar o la lana o el pan, y vestir la indigencia o dar vida al hambriento; y aquí están las cabañas donde su mano amante las heridas curaba con aceite y con miel, y muy cerca del lecho del anciano expirante no dejaba de abrir ese libro que da todavía esperanza al que deja la vida, recogiendo suspiros que eran casi estertores y llevando hacia Dios su postrera ansiedad, y cogiendo la mano del menor de nosotros, a la viuda y al niño, de rodillas ante ella, les decía enjugando de sus ojos las lágrimas: «Os doy un poco de oro, devolvedlo en plegarias.» Y el umbral a la sombra donde nos acunaba, y la rama de higuera que curvaba su mano, y el estrecho sendero que cuando las campanas en el templo lejano atronaban el alba, tras sus pasos subíamos al altar del Señor con el fin de ofrecerle dos inciensos muy puros que eran nuestra inocencia junto con nuestra dicha. Y su voz aquí mismo, muy piadosa y solemne, nos hablaba de un Dios que en la madre sentíamos, señalando la espiga encerrada en su germen, el racimo que daba su brebaje aromático, la ternera" trocando plantas verdes en leche, y la peña agrietada por manar de las fuentes, y la lana de oveja que a las zarzas se roba .para así tapizar dulces nidos de pájaros, y aquel sol siempre exacto en sus doce mansiones repartiendo en su entorno estaciones y horas, y esos astros nocturnos salvo a Dios incontables, mundos que el pensamiento casi no osa escalar, enseñaba la fe hija de agradecidos, y hacía admirar a nuestra simple infancia que el insecto invisible a los ojos y el astro en los cielos tenían padre igual que nosotros. Esos brezos y campos, esos prados y viñas tienen muchos recuerdos y sus sombras amadas. Aquí mismo jugaban mis hermanas, y el viento las seguía jugando con sus rubios cabellos; allí con los pastores en la cumbre del cerro encendía fogatas con ramaje y espinos, y mis ojos, pendientes de las llamas del fuego las veían ondear horas y horas enteras. Allí contra el furor del temible aquilón este sauce vacío nos prestaba su tronco, y yo oía silbar en su fronda ya muerta brisas que aún rememora como música el alma. Y aquí el álamo está, inclinado al abismo, que en el tiempo de nidos nos mecía en su copa, y el arroyo en los prados cuyas aguas dormidas lentamente inundaban nuestras barcas de caña, y la encina, la peña, el molino monótono, y aquel muro que al sol, en los días de otoño, me veía sentado, cerca de los ancianos, contemplando el crepúsculo con atenta mirada. Todo aún sigue en pie y en su sitio renace; aún seguimos las huellas de mi andar por la arena; sólo un corazón falta que lo pueda gozar. ¡Ay de mí! Que la luz disminuye y se pierde. Como espigas en la era, dispersó la existencia lejos de la paterna heredad a los hijos, y a la madre también, y ese hogar tan amado se parece a los nidos de los cuales ha huido la veloz golondrina en los largos inviernos. Ya la hierba que crece en las losas antiguas borra en torno a los muros los senderos domésticos, y la hiedra, flotando como un manto de luto, cubre a medias la puerta y hasta invade el umbral. Tal vez pronto... ¡Oh Dios mío, oh presagio funesto!, tal vez pronto un extraño al que nadie conoce, con el oro en la mano del lugar se hará dueño, oh lugares que habitan, según nuestra memoria, tantas sombras queridas, familiares, y entonces todos nuestros recuerdos de las cunas y tumbas, huirán a su voz igual que las palomas echarán a volar de su nido en el árbol de los bosques que el hacha abatió para siempre, y que ya no sabrán donde van a posarse. ¡No permitas, Señor, tanto llanto y ofensa! No toleres, Dios mío, que nuestra humilde herencia pase de mano en mano a vil precio comprada, como el techo de gentes que vivieron del vicio, arruinados, o el campo que fue de unos proscritos. Que un extraño avariento venga con paso altivo y que pise el humilde surco que años atrás fue también nuestra cuna sobre un campo de hierba, a expoliar a los huérfanos, a contar sus monedas donde sólo tenía la pobreza un tesoro, blasfemando tu nombre aquí bajo estos pórticos donde antaño mi madre enseñaba a la voz de sus hijos los cánticos que exaltaban tu gloria. Ah, prefiero cien veces que entregada a los vientos penda roto el tejado sobre el muro decrépito; que las flores mortuorias, los espinos, las malvas, broten entre las ruinas de los atrios deshechos. Que el lagarto dormido allí al sol se caliente, que en las horas del sueño Filomela allí cante, que el humilde gorrión y las fieles palomas allí junten en paz bajo el ala a sus crías, y que el ave del cielo tenga allí su nidada donde antaño durmió la inocencia en su lecho. Ah, si el número escrito por los altos destinos alcanzara la edad de los blancos cabellos, ojalá, feliz viejo, allí mengüen mis días entre tales recuerdos de mis simples amores. Y ojalá cuando sean los benditos tejados y estos tristes escombros para mí solamente todo un pueblo de sombras, ojalá pueda entonces reencontrar en los nombres, en los mismos lugares, tantos seres amados que los ojos no ven. Y vosotros que acaso viviréis cuando yo sea helada ceniza, si queréis dedicarme algo grato al recuerdo, elevadme algún día... Pero no, no elevéis nada que me recuerde; sólo cerca del sitio donde duerme la humilde esperanza de aquellos que llamamos cristianos, en los campos cavadme ese lecho que quiero, como el último surco donde va a germinar otra vida. Extended sobre mí un lecho herboso que el cordero del pueblo ramonee en primavera, donde todos los pájaros que años ha mis hermanas consiguieron que fueran del lugar habitantes, aquí acudan a amar y también a cantar en mis noches tranquilas. Y para señalar mi lugar de reposo, que despeñen rodando de las altas montañas un fragmento de roca; sobre todo que no haya un cincel que lo talle ni que borre ese musgo de los días antiguos que oscurece su cara, y que al paso de inviernos, incrustado en la piedra, dé en sus letras vivientes una fecha a sus años; y que no haya ni cifras ni mi nombre grabado en tal página agreste. Ante la eternidad toda edad se confunde, y Aquel que con su voz a los muertos despierta, aunque falte mi nombre sé que no va a olvidarme. Allí bajo mis cielos, al pie de las colinas que cubrieron antaño con sus sombras mi cuna, junto al suelo natal, junto al aire y al sol, con un sueño muy leve esperaré el despertar. Mi ceniza mezclada con la tierra que me ama volverá a tener vida incluso antes que el alma, será verde en los prados y color en las flores, en las noches de estío beberá los perfumes y los llantos del aire; y al llegar de aquel día que no tiene crepúsculo la primera centella que podrá despertarme a la aurora sin fin, cuando se abran los ojos volveré a ver lugares que en mi vida adoré y que vi tantas veces, nuestra aldea y sus piedras con el fiel campanario, la montaña y el cauce seco de este torrente, y los campos resecos; y juntando ante mí con la nueva mirada tantos seres queridos, cuya sombra dormía aquí cerca entre escombros, mis hermanas, un padre y una madre que es alma, no dejando cenizas que conserve la tierra, igual que el viajero desembarca y dirige al navío miradas en las que hay gratitud, nuestras voces dirán al unísono entonces a todo este lugar que rebosa delicias nuestro único adiós ya sin mezcla de lágrimas.Libellés : Alphonse de Lamartine |
posted by Alfil @ 3:30 AM |
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