Alphonse de Lamartine -Le vallon- |
mercredi, mai 25, 2005 |
Le vallon Alphonse de Lamartine (1790-1869)
Mon coeur, lassé de tout, même de l'espérance, N'ira plus de ses voeux importuner le sort ; Prêtez-moi seulement, vallon de mon enfance, Un asile d'un jour pour attendre la mort.
Voici l'étroit sentier de l'obscure vallée : Du flanc de ces coteaux pendent des bois épais, Qui, courbant sur mon front leur ombre entremêlée, Me couvrent tout entier de silence et de paix.
Là, deux ruisseaux cachés sous des ponts de verdure Tracent en serpentant les contours du vallon ; Ils mêlent un moment leur onde et leur murmure, Et non loin de leur source ils se perdent sans nom.
La source de mes jours comme eux s'est écoulée ; Elle a passé sans bruit, sans nom et sans retour : Mais leur onde est limpide, et mon âme troublée N'aura pas réfléchi les clartés d'un beau jour.
La fraîcheur de leurs lits, l'ombre qui les couronne, M'enchaînent tout le jour sur les bords des ruisseaux, Comme un enfant bercé par un chant monotone, Mon âme s'assoupit au murmure des eaux.
Ah ! c'est là qu'entouré d'un rempart de verdure, D'un horizon borné qui suffit à mes yeux, J'aime à fixer mes pas, et, seul dans la nature, A n'entendre que l'onde, à ne voir que les cieux.
J'ai trop vu, trop senti, trop aimé dans ma vie ; Je viens chercher vivant le calme du Léthé. Beaux lieux, soyez pour moi ces bords où l'on oublie : L'oubli seul désormais est ma félicité.
Mon coeur est en repos, mon âme est en silence ; Le bruit lointain du monde expire en arrivant, Comme un son éloigné qu'affaiblit la distance, A l'oreille incertaine apporté par le vent.
D'ici je vois la vie, à travers un nuage, S'évanouir pour moi dans l'ombre du passé ; L'amour seul est resté, comme une grande image Survit seule au réveil dans un songe effacé.
Repose-toi, mon âme, en ce dernier asile, Ainsi qu'un voyageur qui, le coeur plein d'espoir, S'assied, avant d'entrer, aux portes de la ville, Et respire un moment l'air embaumé du soir.
Comme lui, de nos pieds secouons la poussière ; L'homme par ce chemin ne repasse jamais ; Comme lui, respirons au bout de la carrière Ce calme avant-coureur de l'éternelle paix.
Tes jours, sombres et courts comme les jours d'automne, Déclinent comme l'ombre au penchant des coteaux ; L'amitié te trahit, la pitié t'abandonne, Et seule, tu descends le sentier des tombeaux.
Mais la nature est là qui t'invite et qui t'aime ; Plonge-toi dans son sein qu'elle t'ouvre toujours Quand tout change pour toi, la nature est la même, Et le même soleil se lève sur tes jours.
De lumière et d'ombrage elle t'entoure encore : Détache ton amour des faux biens que tu perds ; Adore ici l'écho qu'adorait Pythagore, Prête avec lui l'oreille aux célestes concerts.
Suis le jour dans le ciel, suis l'ombre sur la terre ; Dans les plaines de l'air vole avec l'aquilon ; Avec le doux rayon de l'astre du mystère Glisse à travers les bois dans l'ombre du vallon.
Dieu, pour le concevoir, a fait l'intelligence : Sous la nature enfin découvre son auteur ! Une voix à l'esprit parle dans son silence : Qui n'a pas entendu cette voix dans son coeur ?
El valle
Hasta de la esperanza ahora se siente hastiado mi corazón, no quiere pedir nada al destino; oh, tú, préstame sólo, valle de mi niñez, el asilo de un día para esperar la muerte.
Ésta es la senda estrecha de mi valle sombrío: llenan ambas laderas unos bosques espesos que cruzando sus sombras curvas sobre mi frente por entero me cubren de silencio y de paz.
Dos arroyos ocultos bajo puentes verdosos serpenteando dibujan los contornos del valle; un instante confunden su murmullo y sus aguas, y no lejos de aquí ya se pierden sin nombre.
Se han perdido también de mi vida las aguas, que se fueron sin ruido, sin retorno y sin nombre; mas la fuente es muy límpida, y mi alma enturbiada no ha podido espejear luz de días hermosos.
El frescor de sus cauces y su manto de sombra me encadenan por siempre cerca de estos arroyos: como un niño mecido por un canto monótono se adormece mi espíritu al murmullo del agua.
Allí estoy entre muros de verdor, con un corto horizonte ante mí que ya basta a mis ojos, sin moverme y tan solo con la naturaleza, sin oír más que el agua, sólo viendo los cielos.
Demasiado en mi vida he sentido y amado; aunque vivo, ahora busco del Leteo la calma. ¡Oh lugares tan bellos, dad también el olvido! Desde ahora el olvido ya es mi única dicha.
Corazón aquietado como el alma en silencio; oigo apenas el ruido muy lejano del mundo como un eco remoto que se ahogó en la distancia y que traen los vientos al oído inseguro.
La existencia la veo como en medio de brumas deshacerse en la sombra del pasado perdido. Sólo queda el amor, como queda una imagen que perdura en el alba cuando un sueño se borra.
Alma mía, reposa en este último asilo como lo hace un viajero que camina con fe, que se sienta a las puertas de la nueva ciudad y respira un instante el perfume del véspero.
Sacudamos como él de los pies todo el polvo; nunca más volveremos a andar este camino; respiremos como él al final de la senda esta calma que anuncia una paz que no acaba.
Tan oscuros y breves como días de otoño son tus días que menguan como sombras del monte. La amistad te traiciona, la piedad te abandona, solitaria desciendes donde están los sepulcros.
Mas aquí está invitándote la natura que te ama; piérdete en sus entrañas que ella siempre te ofrece: aunque todo es mudanza, la natura es la misma, como el sol es el mismo que da luz a tus días.
Ella sigue envolviéndote con sus luces y sombras, sé insensible a los falsos bienes que ya has perdido, ven y adora aquí el eco que adoraba Pitágoras, presta oído con él al celeste concierto.
Con la luz sé tú el cielo, sé la sombra en la tierra; en los llanos del aire sé aquilón volador; con los pálidos rayos misteriosos de luna sé cual alma del bosque en la sombra del valle.
Dios nos dio inteligencia para así concebirlo: la natura descubre en sí misma a su autor. Una voz en silencio al espíritu ha hablado: ¿Quién no ha oído esta voz resonar en su pecho?Libellés : Alphonse de Lamartine |
posted by Alfil @ 5:13 AM |
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