Gerard de Nerval -Le Christ aux Oliviers- |
mardi, février 15, 2005 |
Le Christ aux Oliviers Gérard de Nerval (1808-1855)
I Quand le Seigneur, levant au ciel ses maigres bras Sous les arbres sacrés, comme font les poètes, Se fut longtemps perdu dans ses douleurs muettes, Et se jugea trahi par des amis ingrats ;
Il se tourna vers ceux qui l'attendaient en bas Rêvant d'être des rois, des sages, des prophètes... Mais engourdis, perdus dans le sommeil des bêtes, Et se prit à crier : "Non, Dieu n'existe pas !"
Ils dormaient. "Mes amis, savez-vous la nouvelle ? J'ai touché de mon front à la voûte éternelle ; Je suis sanglant, brisé, souffrant pour bien des jours !
"Frères, je vous trompais. Abîme ! abîme ! abîme ! Le dieu manque à l'autel où je suis la victime... Dieu n'est pas ! Dieu n'est plus !" Mais ils dormaient toujours !...
II Il reprit : "Tout est mort ! J'ai parcouru les mondes ; Et j'ai perdu mon vol dans leurs chemins lactés, Aussi loin que la vie, en ses veines fécondes, Répand des sables d'or et des flots argentés :
"Partout le sol désert côtoyé par des ondes, Des tourbillons confus d'océans agités... Un souffle vague émeut les sphères vagabondes, Mais nul esprit n'existe en ces immensités.
"En cherchant l'oeil de Dieu, je n'ai vu qu'une orbite Vaste, noire et sans fond, d'où la nuit qui l'habite Rayonne sur le monde et s'épaissit toujours ;
"Un arc-en-ciel étrange entoure ce puits sombre, Seuil de l'ancien chaos dont le néant est l'ombre, Spirale engloutissant les Mondes et les jours !
III "Immobile Destin, muette sentinelle, Froide Nécessité !... Hasard qui, t'avançant Parmi les mondes morts sous la neige éternelle, Refroidis, par degrés, l'univers pâlissant,
"Sais-tu ce que tu fais, puissance originelle, De tes soleils éteints, l'un l'autre se froissant... Es-tu sûr de transmettre une haleine immortelle, Entre un monde qui meurt et l'autre renaissant ?...
"O mon père ! est-ce toi que je sens en moi-même ? As-tu pouvoir de vivre et de vaincre la mort ? Aurais-tu succombé sous un dernier effort
"De cet ange des nuits que frappa l'anathème ?... Car je me sens tout seul à pleurer et souffrir, Hélas ! et, si je meurs, c'est que tout va mourir !"
IV Nul n'entendait gémir l'éternelle victime, Livrant au monde en vain tout son coeur épanché ; Mais prêt à défaillir et sans force penché, Il appela le seul - éveillé dans Solyme :
"Judas ! lui cria-t-il, tu sais ce qu'on m'estime, Hâte-toi de me vendre, et finis ce marché : Je suis souffrant, ami ! sur la terre couché... Viens ! ô toi qui, du moins, as la force du crime!"
Mais Judas s'en allait, mécontent et pensif, Se trouvant mal payé, plein d'un remords si vif Qu'il lisait ses noirceurs sur tous les murs écrites...
Enfin Pilate seul, qui veillait pour César, Sentant quelque pitié, se tourna par hasard : "Allez chercher ce fou !" dit-il aux satellites.
V C'était bien lui, ce fou, cet insensé sublime... Cet Icare oublié qui remontait les cieux, Ce Phaéton perdu sous la foudre des dieux, Ce bel Atys meurtri que Cybèle ranime !
L'augure interrogeait le flanc de la victime, La terre s'enivrait de ce sang précieux... L'univers étourdi penchait sur ses essieux, Et l'Olympe un instant chancela vers l'abîme.
"Réponds ! criait César à Jupiter Ammon, Quel est ce nouveau dieu qu'on impose à la terre ? Et si ce n'est un dieu, c'est au moins un démon..."
Mais l'oracle invoqué pour jamais dut se taire ; Un seul pouvait au monde expliquer ce mystère : - Celui qui donna l'âme aux enfants du limon.
El Cristo de los Olivos
I Cuando, como el poeta, bajo el árbol sagrado Al cielo levantaba los brazos el Señor, Perdido un largo tiempo en su mudo dolor, Por ingratos amigos viéndose traicionado
Se dirigió al pueblo, abajo congregado, Que soñaba ser sabio, profeta, emperador... Pero torpe y perdido en animal sopor: "¡No existe ningún Dios!" gritó desesperado.
Dormían. "¿Ignoráis eso que me consterna? Con mi frente toqué la gran bóveda eterna: ¡Ensangrentado y roto y por siempre sufriendo!
¡Abismo! ¡Abismo! ¡Abismo! Lo que os dije no es cierto Sacrificado soy en un altar desierto... Dios no es, ya no hay Dios!"...mas seguían durmiendo.
II Prosiguió: "Todo ha muerto, ya recorrí los mundos, Y he perdido mi vuelo en su láctea estrada, Tan lejos como extiende por sus brazos fecundos La vida arenas de oro y la onda plateada:
Confusos torbellinos de mares furibundos, Y las o las bañando la tierra calcinada... Conmueve un vago soplo planetas vagabundos, Mas no hay ningún espíritu en la infinita nada.
Busqué el ojo de Dios, sólo encontré una infausta Órbita hueca y negra cuya noche nefasta Se irradia sobre el mundo, tan espesa y aciaga;
Un extraño arco iris envuelve el pozo umbrío, Antesala del caos que ensombrece el vacío, Espiral que los Días y los Mundos se traga!"
III "¡Fría Necesidad, Oh muda centinela Bajo la nieve eterna, azar indiferente! Caprichoso vagar cuyo soplo congela El pálido universo que muere lentamente!
¿De tus soles marchitos, el uno al otro heridos, Potencia original, acaso eres consciente? ¿Hálitos inmortales son por ti transmitidos Entre un mundo que muere y otro renaciente?
¡Padre mío! ¿Eres tú, por quien mi ser se quema? ¿Puedes vivir acaso, a la muerte venciendo? ¿O un último esfuerzo te h izo sucumbir
Del ángel de la noche que marcó el anatema? Que estoy llorando solo y solo estoy sufriendo, Y si muero, es que entonces todo debe morir!"
IV A la víctima eterna gemir nadie escuchaba, Su corazón al mundo en vano derramado, Desfalleciendo casi, sin fuerzas, inclinado, Al único invocó que en Solima velaba:
"Judas, me han puesto precio, lo conoces, acaba De venderme por fin, cierra el trato pactado, Sufriendo estoy, amigo, sobre la tierra echado... Por lo menos el crimen a ti no te espantaba!
Mas retiróse Judas, airado y pensativo, Mal pagado y sumido en un dolor tan vivo Que sobre las paredes su vergüenza leía.
Poncio Pilatos, solo, se apiada finalmente, El esbirro de Cesar exclama de repente: ¡Que traigan a ese loco!" y a sus huestes envía.
V Ciertamente, era un loco, insensato sublime... Cual Icaro olvidado que al cielo se elevaba, Perdido Faetón que el trueno iluminaba, ¡Bello Acis malherido que Cib eles redime!
Interroga su flanco el augur que lo oprime, Y la tierra se embriaga de su sangre divina... Hacia oscuros abismos el Olimpo se inclina: Y aturdido en sus ejes, el universo gime.
A Júpiter Amón ya Cesar vitupera "¿Quién es el nuevo dios que la tierra venera?... Dios o diablo ha de ser corazón tan opimo..."
El invocado oráculo sólo supo callar, Tal misterio podía solamente explicar Aquel que diera el alma a los hijos del limo.Libellés : Gerard de Nerval |
posted by Alfil @ 1:45 PM |
|
|