Léopold Sédar Senghor -Aux Tirailleurs Sénégalais, morts pour la France- |
mercredi, août 11, 2004 |
Aux Tirailleurs Sénégalais, morts pour la France Léopold Sédar Senghor (Sénégal, 1906-2001)
Voici le Soleil Qui fait tendre la poitrine des vierges Qui fait sourire sur les bancs verts les vieillards Qui réveillerait les morts sous une terre maternelle. J'entends le bruit des canons---est-ce d'Irun ?--- On fleurit les tombes, on réchauffe le Soldat Inconnu. Vous, mes frères obscurs, personne ne vous nomme. On vous promet 500 000 de vos enfants à la gloire des futurs morts, on les remercie d'avance, futurs morts obscurs Die schwarze Schande !
Ecoutez-moi, Tirailleurs Sénégalais, dans la solitude de la terre noire et de la mort Dans votre solitude sans yeux, sans oreilles, plus que dans ma peau sombre au fond de la Province Sans même la chaleur de vos camarades couchés tout contre vous, comme jadis dans la tranchée, jadis dans les palabres du village Ecoutez-moi, tirailleurs à la peau noire, bien que sans oreilles et sans yeux dans votre triple enceinte de nuit.
Nous n'avons pas loué de pleureuses, pas même les larmes de vos femmes anciennes Elles ne se rappellent que vos grands coups de colère, préférant l'ardeur des vivants. Les plaintes des pleureuses trop claires Trop vite asséchées les joues de vos femmes comme en saison Sèche les torrents du Fouta Les larmes les plus chaudes trop claires et trop vite bues au coin des lèvres oublieuses.
Nous vous apportons, écoutez-nous, nous qui épelions vos noms dans les mois que vous mourriez Nous, dans ces jours de peur sans mémoire, vous apportons l'amitié de vos camarades d'âge. Ah !puissé-je un jour d'une voix couleur de braise, puissé-je chanter L'amitié des camarades fervente comme des entrailles et délicate, forte comme des tendons. Ecoutez-nous, morts étendus dans l'eau au profond des plaines du Nord et de l'Est. Recevez le salut de vos camarades noirs, Tirailleurs Sénégalais
A los Tiradores Senegaleses muertos por Francia
Este es el sol Que enternece el pecho de las vírgenes, Que hace sonreir a los ancianos en los verdes bancos, Que despertaría a los muertos bajo una tierra materna. Oigo el ruido de los cañones-¿viene de Irán?-. Se echan flores sobre las tumbas, se reaviva la llama del Soldado Desconocido. A vosotros, oscuros hermanos, nadie os nombra. Se prometen 500.000 hijos vuestros a la gloria de los futuros muertos, se les da las gracias de antemano, futuros muertos negros. Die schwarze Schande!
Oídme, Tiradores senegaleses, en la soledad de la tierra negra y de la muerte, En vuestra soledad sin ojos y sin oídos, más que en mi piel oscura al fondo de la provincia, Sin siquiera el calor de vuestros camaradas tendidos junto a vosotros como en otro tiempo en la trinchera, como en otro tiempo en las arengas del poblado, Oídme, Tiradores de piel negra, aunque no tengáis oídos ni ojos en vuestro triple recinto nocturno.
No hemos alquilado plañideras, ni siquiera lágrimas de vuestras viejas mujeres -Ellas sólo recuerdan vuestra violenta ira, pues prefieren el ímpetu de los vivos. El llanto de las plañideras demasiado claro, Demasiado pronto secas las mejillas de vuestras mujeres, como en tiempos de sequía los torrentes del Fouta, Las lágrimas más cálidas demasiado claras y demasiado pronto bebidas en la comisura de los labios que olvidan.
Nosotros os traemos, oídnos, nosotros que deletreamos vuestros nombres durante los meses en que moríais, Nosotros, en estos días de temor inolvidable, os traemos la amistad de vuestros antiguos camaradas. ¡Ah! Que algún día, con una voz color de brasa, pueda yo cantar La amistad de los ardientes camaradas, delicada como entrañas y fuerte como tendones. Oídnos, muertos tendido en el agua y al fondo de las llanuras del Norte y del este. Recibid este suelo rojo bajo el sol del verano, este suelo enrojecido por la sangre de las blancas hostias, Recibid el saludo de vuestros camaradas negros, Tiradores Senegaleses
¡MUERTOS POR LA REPÚBLICA!Libellés : Léopold Sédar Senghor |
posted by Alfil @ 9:29 PM |
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