Léopold Sédar Senghor -Prière aux masques- |
mercredi, août 11, 2004 |
Prière aux masques Léopold Sédar Senghor (Sénégal, 1906-2001)
Masques ! Ô Masques ! Masque noir masque rouge, vous masques blanc - et noir - Masques aux quatre points d'où souffle l'Esprit Je vous salue dans le silence ! Et pas toi le dernier, Ancêtre à tête de lion. Vous gardez ce lieu forclos à tout rire de femme, à tout sourire qui se fane Vous distillez cet air d'éternité où je respire l'air de mes Pères. Masques aux visages sans masque, dépouillés de toute fossette comme de toute ride Qui avez composé ce portrait, ce visage mien penché sur l'autel de papier blanc A votre image, écoutez-moi ! Voici que meurt l'Afrique des empires — c'est l'agonie d'une princesse pitoyable Et aussi l'Europe à qui nous sommes liés par le nombril. Fixez vos yeux immuables sur vos enfants que l'on commande Qui donnent leur vie comme le pauvre son dernier vêtement. Que nous répondions présent à la renaissance du Monde Ainsi le levain qui est nécessaire à la farine blanche. Car qui apprendrait le rythme au monde défunt des machines et des canons ? Qui pousserait le cri de joie pour réveiller morts et orphe- lins à l'aurore ? Dites, qui rendrait la mémoire de vie à l'homme aux espoirs éventés ? Ils nous disent les hommes du coton du café de l'huile Ils nous disent les hommes de la mort. Nous sommes les hommes de la danse, dont les pieds reprennent vigueur en frappant le sol dur.
Oración a las máscaras
"¡Máscaras! ¡Oh máscaras! Máscara negra, máscara roja, máscaras blanquinegras. Máscaras de todo horizonte de donde sopla el Espíritu, os saludo en silencio. Y no a ti el último Antepasado de cabeza de León. Guardáis este lugar prohibido a toda sonrisa de mujer, a toda sonrisa que se marchita. Destiláis ese aire de eternidad en el que respiro el aliento de mis Padres. Máscaras de rostros sin máscara, despojados de todo hoyuelo y de toda arruga, que habéis compuesto este retrato, este rostro mío inclinado sobre el altar de blanco papel. A vuestra imagen, ¡escuchadme! Ya se muere el África de los imperios, es la agonía de una princesa deplorable. Y también Europa a la que nos une el cordón umbilical. Fijad vuestros ojos inmutables en vuestros hijos dominados que dan su vida como el pobre su última ropa. Que respondamos con nuestra presencia al renacer del mundo, como es necesaria la levadura a la harina blanca. ¿Pues quién enseñaría el ritmo de las máquinas y de los cañones al mundo desaparecido? ¿Quién daría el grito de alegría para despertar a muertos y a huérfanos al amanecer? Decid, ¿quién devolvería el recuerdo de la vida al hombre de esperanzas rotas? Nos llaman los hombres del algodón, del café, del aceite, nos llaman los hombres de la muerte. Somos los hombres de la danza, cuyos pies recobran fuerza al golpear el duro suelo."Libellés : Léopold Sédar Senghor |
posted by Alfil @ 9:12 PM |
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