Barbara Jacques Prévert (1900 - 1977)
Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest ce jour-la Et tu marchais souriante Epanouie ravie ruisselante Sous la pluie
Rappelle-toi Barbara Il pleuvait sans cesse sur Brest Et je t'ai croisee rue de Siam Tu souriais Et moi je souriais de meme
Rappelle-toi Barbara Toi que je ne connaissais pas Toi qui ne me connaissais pas Rappelle-toi Rappelle-toi quand meme ce jour-la N'oublie pas
Un homme sous un porche s'abritait Et il a crie ton nom Barbara Et tu as couru vers lui sous la pluie Ruisselante ravie epanouie Et tu t'es jetee dans ses bras
Rappelle-toi cela Barbara Et ne m'en veux pas si je te tutoie Je dis tu a tous ceux que j'aime Meme si je ne les ai vus qu'une seule fois Je dis tu a tous ceux qui s'aiment Meme si je ne les connais pas
Rappelle-toi Barbara N'oublie pas Cette pluie sage et heureuse Sur ton visage heureux Sur cette ville heureuse Cette pluie sur la mer Sur l'arsenal Sur le bateau d'Ouessant
Oh Barbara Quelle connerie la guerre Qu'es-tu devenue maintenant Sous cette pluie de fer De feu d'acier de sang Et celui qui te serrait dans ses bras Amoureusement Est-il mort disparu ou bien encore vivant
Oh Barbara Il pleut sans cesse sur Brest Comme il pleuvait avant Mais ce n'est plus pareil et tout est abime C'est une pluie de deuil terrible et desolee Ce n'est meme plus l'orage De fer d'acier de sang Tout simplement des nuages Qui crevent comme des chiens Des chiens qui disparaissent Au fil de l'eau sur Brest Et vont pourrir au loin Au loin tres loin de Brest Dont il ne reste rien.
Para Bárbara
Acuérdate Bárbara Llovía sin cesar en Brest aquél día Y marchabas sonriente Dichosa embelesada empapada Bajo la lluvia
Acuérdate Bárbara Llovía sin cesar en Brest Y me crucé contigo en la calle de Siam Sonreías Y yo también sonreía
Acuérdate Bárbara Tú a quién yo no conocía Tú que no me conocías Acuérdate Acuérdate pese a todo aquél día No lo olvides
Un hombre se cobijaba en un portal Y gritó tu nombre Bárbara Y corriste hacia él bajo la lluvia Empapada embelesada dichosa Y te echaste en sus brazos
Acuérdate de eso Bárbara Y no te ofendas si te tuteo Yo tuteo a todos los que amo Aunque los haya visto sólo una vez Tuteo a todos los que se aman Aunque no los conozca
Acuérdate Bárbara No olvides Esa lluvia buena y feliz Sobre tu rostro feliz Sobre esa ciudad feliz Esa lluvia sobre el mar Sobre el arsenal Sobre el banco d'Ouessant
Oh Bárbara Menuda estupidez la guerra Qué has llegado a ser ahora Bajo esta lluvia de hierro De fuego de acero de sangre Y el hombre aquel que te estrechaba entre sus brazos Amorosamente Quizás ha muerto o desaparecido o vive todavía
Oh Bárbara Llueve sin cesar en Brest Como solía llover en otro tiempo Pero no es lo mismo y todo está estropeado Es lluvia desconsolada de duelo espantoso Ni siquiera es ya tormenta De hierro de acero de sangre Simplemente nubes Que revientan como perros Perros que desaparecen En el remanso de Brest Y van a pudrirse lejos Lejos muy lejos de Brest Donde ya no queda nada.
Versión de C. DeploisLibellés : Jacques Prevert |
Cuántas Bárbaras habrá hoy en Ucrania Quelle connerie la guerra