Arthur Rimbaud -L'homme juste- |
mercredi, septembre 08, 2004 |
L'homme juste Arthur Rimbaud (1854-1891)
Le Juste restait droit sur ses hanches solides : Un rayon lui dorait l'épaule ; des sueurs Me prirent : " Tu veux voir rutiler les bolides ? Et, debout, écouter bourdonner les flueurs D'astres lactés, et les essaims d'astéroïdes ?
" Par des farces de nuit ton front est épié, Ô juste ! Il faut gagner un toit. Dis ta prière, La bouche dans ton drap doucement expié ; Et si quelque égaré choque ton ostiaire, Dis : Frère, va plus loin, je suis estropié ! "
Et le juste restait debout, dans l'épouvante Bleuâtre des gazons après le soleil mort : " Alors, mettrais-tu tes genouillères en vente, Ô Vieillard ? Pèlerin sacré ! barde d'Armor ! Pleureur des Oliviers ! main que la pitié gante !
" Barbe de la famille et poing de la cité, Croyant très doux : ô coeur tombé dans les calices, Majestés et vertus, amour et cécité, Juste ! plus bête et plus dégoûtant que les lices ! Je suis celui qui souffre et qui s'est révolté !
" Et ça me fait pleurer sur mon ventre, ô stupide, Et bien rire, l'espoir fameux de ton pardon ! Je suis maudit, tu sais ! je suis soûl, fou, livide, Ce que tu veux ! Mais va te coucher, voyons donc, Juste ! je ne veux rien à ton cerveau torpide.
" C'est toi le Juste, enfin, le Juste ! C'est assez ! C'est vrai que ta tendresse et ta raison sereines Reniflent dans la nuit comme des cétacés, Que tu te fais proscrire et dégoises des thrènes Sur d'effroyables becs-de-cane fracassés !
" Et c'est toi l'oeil de Dieu ! le lâche ! Quand les plantes Froides des pieds divins passeraient sur mon cou, Tu es lâche ! Ô ton front qui fourmille de lentes ! Socrates et Jésus, Saints et Justes, dégoût ! Respectez le Maudit suprême aux nuits sanglantes ! "
J'avais crié cela sur la terre, et la nuit Calme et blanche occupait les cieux pendant ma fièvre. Je relevai mon front : le fantôme avait fui, Emportant l'ironie atroce de ma lèvre... - Vents nocturnes, venez au Maudit ! Parlez-lui,
Cependant que silencieux sous les pilastres D'azur, allongeant les comètes et les noeuds D'univers, remuement énorme sans désastres, L'ordre, éternel veilleur, rame aux cieux lumineux Et de sa drague en feu laisse filer les astres !
Ah ! qu'il s'en aille, lui, la gorge cravatée De honte, ruminant toujours mon ennui, doux Comme le sucre sur la denture gâtée. - Tel que la chienne après l'assaut des fiers toutous, Léchant son flanc d'où pend une entraille emportée.
Qu'il dise charités crasseuses et progrès... - J'exècre tous ces yeux de Chinois à bedaines, Puis qui chante : nana, comme un tas d'enfants près De mourir, idiots doux aux chansons soudaines : Ô Justes, nous chierons dans vos ventres de grès !
El hombre justo
El Justo erguía, recto, sus sólidas caderas: un rayo le doraba los hombros; el sudor me invadió: «¿Quieres ver bólidos que rutilan y, puesto en pie, escuchar cómo zumba el fluir de los lácteos astros y enjambres de asteroides?
»En farsas nocturnales alguien te está espiando. Oh justo. Te es preciso un techo. Calla y reza, tapado por las sábanas, dulcemente purgado, y si algún errabundo llamara a tu ostiano, le dices: “¡Márchate, Hermano, estoy lisiado”.»
Pero el Justo seguía de pie, en el espanto azulón de la hierba, debajo del sol muerto. «Y, ¿no pondrás en venta tus tristes rodilleras, oh Anciano? ¡Peregrino sacro, Bardo de Armor, Llorón de los Olivos, mano que el amor calma!
»Barba de la familia, puño de la ciudad, creyente manso: ¡Alma que se derrama en cálices, majestades, virtudes, amor y ceguedad, ¡Justo!, más tonto y más inmundo que una perra. ¡Yo soy aquel que sufre pero se ha rebelado!
»Me río a carcajadas, oh estúpido, me muero de risa en la esperanza de tu burdo perdón. Estoy maldito, sabes, borracho, loco, lívido. ¡Y qué quieres! Pues vete a dormirte, oh Justo, ¡Poco me importa a mí tu torpedo cerebro!
»¡Tú eres el justo, ¿no?, el justo, y eso basta! Hay que admitir que, mansas, tu ternura y razón resoplan en la noche igual que los cetáceos, que te has hecho proscrito, y que vomitas trenos por espantosas flautas, caducas y chascadas.
»¡Y eres ojo de Dios, cobarde! Pero, incluso, si el frío de sus pies me oprimiera la nuca eres cobarde. ¡Oh frente infectada de liendres! Sócrates y Jesús, Santos y Justos ¡qué asco! ¡Respetad al Maldito supremo, en noches cruentas!»
Todo esto vomité sobre el mundo, y la noche blanca y tranquila henchía el cielo en mi delirio. Y, cuando alcé mi frente, el fantasma se iba, llevándose el atroz sarcasmo de mis labios... ¡Venid, vientos nocturnos, para hablarle al Maldito!
Mientras, silencioso, bajo enormes pilastras de azul, desperezando los cometas y nudos del universo, enorme conmoción sin desastres, el Orden, cual vigía, rema en el firmamento y de su draga en fuego brotan hileras de astros.
¡El justo, que se vaya, atada la corbata del oprobio a su cuello, rumiando mi pesar, dulce como el azúcar en el diente podrido. ––Como la perra, tras la embestida del perro, lamiéndose el costado del que cuelgan sus tripas.
¡Que invoque caridades mugrientas y progresos... ¡ ––Yo desprecio los ojos de esos chinos panzudos–– y luego tararee como un montón de niños que van morir, tontos de imprevistas canciones: ¡Justos, nos cagaremos en vuestros vientres huecos!Libellés : Arthur Rimbaud |
posted by Alfil @ 4:32 AM |
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