Arthur Rimbaud -Jésus à Nazareth- |
mercredi, septembre 08, 2004 |
Jésus à Nazareth Arthur Rimbaud (1854-1891)
En ce temps-là, Jésus habitait Nazareth. L’enfant croissait en vertu comme il croissait en âge.
Un matin, quand les toits du village se mirent à rosir, il sortit de son lit alors que tout était en proie au sommeil, pour que Joseph, en se levant, trouvât le travail terminé.
Déjà penché sur l’ouvrage commencé, et le visage serein, poussant et retirant une grande scie, il coupait maintes planches de son bras d’enfant.
Au loin apparaissait le soleil brillant, sur les hautes montagnes, et son rayon d’argent entrait par les humbles fenêtres...
Voici que les bouviers mènent aux pâturages leurs troupeaux ; ils admirent à l’envi, en passant, le jeune ouvrier et les bruits du travail matinal.
« Qui est cet enfant ? disent-ils. Son visage montre une beauté mêlée de gravité ; la force jaillit de son bras.
« Ce jeune ouvrier travaille le cèdre avec art, comme un ouvrier consommé; et jadis Hiram ne travaillait pas avec plus d’ardeur quand en présence de Salomon, il coupait de ses mains habiles et robustes les grands cèdres et les poutres du temple.
« Pourtant le corps de cet enfant se courbe plus souple qu’un frêle roseau; et sa hanche, droite, atteindrait son épaule. »
Or sa mère, entendant grincer la lame de la scie, avait quitté son lit et, entrant doucement, en silence, elle aperçoit, inquiète, l’enfant peinant dur et manoeuvrant de grandes planches... Les lèvres serrées, elle regardait; et, tandis qu’elle l’embrasse d’un regard tranquille, des paroles inarticulées tremblaient sur ses lèvres.
Le rire brillait dans ses larmes... Mais tout à coup la scie se brise et blesse les doigts de l’enfant qui ne s’y attendait pas.
Sa robe blanche est tachée d’un sang pourpre, un léger cri sort de sa bouche... Apercevant sa mère, il cache ses doigts rougis sous son vêtement; et, faisant semblant de sourire, il lui dit : « Bonjour, mère ! »
Mais celle-ci, se jetant aux genoux de son fils, caressait, hélas! de ses doigts, les doigts de l’enfant et baisait ses tendres mains en gémissant fort et baignant son visage de grosses larmes.
Mais l’enfant, sans s’émouvoir : « Pourquoi pleures-tu, mère qui ne sais pas ?... Parce que le bout de la scie tranchante a effleuré mon doigt ! Le temps n’est pas encore venu où il convienne que tu pleures. »
Il reprit alors son ouvrage commencé ; et sa mère en silence et toute pâle, tourne son blanc visage à terre, réfléchissant beaucoup et, de nouveau, portant sur son fils ses yeux tristes : « Grand Dieu, que ta sainte volonté soit faite ! »
Jesús de Nazaret
En aquel tiempo Jesús vivía en Nazaret: Crecía en virtud el niño y también crecía en años.
Una mañana, cuando vio que los tejados se ponían rubescentes salió de su cama, mientras todo dormía bajo un pesado sopor, para que José, al levantarse, encontrara la tarea ya acabada.
Volcado sobre el trabajo y con el rostro sereno, tirando y empujando una enorme sierra, cortaba muchas tablas con sus brazos de niño.
Lejos, sobre los altos montes, el claro sol subía y sus llamas de plata entraban por las humildes ventanas...
Ya conducen los boyeros los rebaños a los pastos y admiran, al pasar, al joven artesano y los ruidos del trabajo matutino.
«¿Quién es este niño?», preguntan. Su cara expresa una seriedad mezclada de belleza; y la fuerza nace en sus brazos.
El joven artífice trabaja el cedro con arte, como un veterano; ni los trabajos de Hiram[4] fueron antaño tan grandes, cuando, en presencia de Salomón, con vigoroso y prudente brazo, cortaba los enormes cedros y los maderos del templo.
Sin embargo, su cuerpo se arquea más flexible que una grácil caña, alcanzando su espalda el hacha, cuando la levanta.»
Pero su madre, oyendo el rechinar de la hoja de la sierra, había abandonado el lecho, y entrando sigilosa y en silencio, sorprendida ve al niño que se afana y que maneja enormes tablas...
Apretando los labios mira, y, mientras abraza a su hijo con su mirada serena, por sus trémulos labios se pierden vagos murmurios; Brilla la risa en sus lágrimas...
Mas la sierra, de pronto, se rompe, hiriendo los dedos incautos y su cándida túnica se mancha con la sangre purpúrea... un leve gemido se eleva de su boca.
Pero, al ver de repente a su madre, los dedos enrojecidos esconde bajo su vestido y, fingiendo sonreír, la saluda.
La Madre, postrada a rodillas de su hijo, acaricia, ¡que pena!, con sus dedos los dedos del niño y besa repetidamente sus tiernas manos, con largos gemidos, bañando su cara con enormes lágrimas.
Pero el niño impertérrito dice: «¿Por qué lloras, madre ignorante?¿Porque el hiriente filo de la sierra rozó mis dedos? ¡Aún no ha llegado el momento en el que te sea preciso llorar!»
Y, entonces, reemprende el trabajo: su madre, silenciosa, vuelve hacia el suelo su rostro luminoso, pensando en tantas cosas y mirando a su hijo con tristes miradas: «Gran Dios, hágase tu voluntad santa.»Libellés : Arthur Rimbaud |
posted by Alfil @ 7:36 AM |
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