Renée Vivien -L’offrande- |
jeudi, mai 06, 2004 |
L’offrande Renée Vivien (Grand Bretagne, 1877 - 1909)
Pour lui prouver que je l’aime plus que moi-même, Je donnerai mes yeux à la femme que j’aime.
Je lui dirai d’un ton humble, tendre et joyeux : "Ma très chère, voici l’offrande de mes yeux."
Je te donnerai mes yeux qui virent tant de choses. Tant de couchants et tant de mers et tant de roses.
Ces yeux, qui furent miens, se posèrent jadis Sur le terrible autel de l’antique Eleusis,
Sur Séville aux beautés pieuses et profanes, Sur la lente Arabie avec ses caravanes.
J’ai vu Grenade éprise en vain de ses grandeurs Mortes, parmi les chants et les lourdes odeurs.
Venise qui pâlit, Dogaresse mourante, Et Florence qui fut la maîtresse de Dante.
J’ai vu l’Hellade où pleure un écho de syrinx, Et l’Egypte accroupie en face du grand Sphinx,
J’ai vu, près des flots sourds que la nuit rassérène, Ces lourds vergers qui sont l’orgueil de Mytilène.
J’ai vu des îles d’or aux temples parfumés, Et ce Yeddo, plein de voix frêles de mousmés.
Au hasard des climats, des courants et des zones, J’ai vu la Chine même avec ses faces jaunes…
J’ai vu les îles d’or où l’air se fait plus doux, Et les étangs sacrés près des temples hindous,
Ces temples où survit l’inutile sagesse… Je te donne tout ce que j’ai vu, ma maîtresse !
Je reviens, t’apportant mes ciels gris ou joyeux. Toi que j’aime, voici l’offrande de mes yeux.
La ofrenda
Para probar que más que a mí misma la amo, le ofreceré mis ojos a la mujer que quiero.
Le diré en tono tierno, risueño y humilde: amada mía he aquí, la ofrenda de mis ojos.
Te entregaré mis ojos que tantas cosas vieron. Tantos crepúsculos, tanto mar, tantas rosas.
Estos ojos, míos, se posaron antaño En el altar terrible de la antigua Eleusis,
sobre las piadosas y paganas bellezas de Sevilla, En la interminable Arabia y en sus mil caravanas.
Vi Granada, vana prisionera de sus grandezas Muertas entre cantares y perfumes muy densos.
Venecia que empalidece cual Dogaresa feneciendo Y Florencia que la maestra de Dante fuera.
he visto La Hélade donde llora un eco de siringa Y Egipto replegado frente a la gran Esfinge.
He visto cerca de las olas sordas que sosiega la noche tupidos vergeles, orgullo en Mitilene.
He visto islas de oro en templos perfumados, Y ese Yeddo lleno de frágiles voces de japonesas.
Al sino de los climas, las corrientes, las zonas he visto la misma China y sus rostros dorados.
He visto islas de oro donde el aire se vuelve más dulce Y estanques sagrados en los templos hindúes,
Templos donde persisten el pensamiento inútil Te regalo, mi dueña, todo lo que he visto!
Y regreso trayéndote cielos grises o alegres, A ti que te amo tanto, he aquí la ofrenda de mis ojos.Libellés : Renée Vivien |
posted by Alfil @ 8:17 PM |
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