Renée Vivien -Chair des choses- |
jeudi, mai 06, 2004 |
Chair des choses Renée Vivien (Grand Bretagne, 1877 - 1909)
Je possède, en mes doigts subtils, le sens du monde, Car le toucher pénètre ainsi que fait la voix, L'harmonie et le songe et la douleur profonde Frémissent longuement sur le bout de mes doigts.
Je comprends mieux, en les frôlant, les choses belles, Je partage leur vie intense en les touchant, C'est alors que je sais ce qu'elles ont en elles De noble, de très doux et de pareil au chant.
Car mes doigts ont connu la chair des poteries La chair lisse du marbre aux féminins contours Que la main qui les sait modeler a meurtries, Et celle de la perle et celle du velours.
Ils ont connu la vie intime des fourrures, Toison chaude et superbe où je plonge les mains ! Ils ont connu l'ardent secret des chevelures Où se sont effeuillés des milliers de jasmins.
Et, pareils à ceux-là qui viennent des voyages. Mes doigts ont parcouru d'infinis horizons, Ils ont éclairé, mieux que mes yeux, des visages Et m'ont prophétisé d'obscures trahisons.
Ils ont connu la peau subtile de la femme, Et ses frissons cruels et ses parfums sournois... Chair des choses ! J'ai cru parfois étreindre une âme Avec le frôlement prolongé de mes doigts...
La carne de las cosas
Poseo entre mis dedos sutiles el sentido del mundo pues mi tacto al igual que el sonido, penetra. La armonía, el ensueño, el dolor profundo estremecen largamente la yema de mis dedos.
Comprendo mejor las cosas bellas si las acaricio, comparto sus vidas intensas en tanto las toco Es entonces que yo sé que es lo que ellas poseen Nobleza, dulzura afinidad del canto.
Puesto que mis dedos han distinguido la carne de la arcilla La lisa carne de mármol los contornos femeninos Que la mano que sabe modelar ha maltratado Aquella de perla, aquella de terciopelo
Conocieron la vida íntima de las pieles, Vellón cálido y soberbio donde hundo mis manos! Han conocido el ardiente secreto de las cabelleras Donde se deshojan millares de jazmines-
Y semejantes a aquellas que regresan de los viajes, mis dedos han cruzado infinitos horizontes, Ellos han alumbrado, mejor que mis ojos los rostros Y me han profetizado las oscuras traiciones.
Ellos han conocido la piel sutil de la mujer, Y sus crueles temblores, y sus perfumes ocultos... Carne de las cosas! He creído a veces abrazar un alma Con la prolongada caricia de mis dedos...Libellés : Renée Vivien |
posted by Alfil @ 9:35 PM |
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