Paul Verlaine -Grotesques- |
dimanche, mai 16, 2004 |
Grotesques Paul Verlaine (1844-1896)
Leurs jambes pour toutes montures, Pour tous biens l'or de leurs regards, Par le chemin des aventures Ils vont haillonneux et hagards.
Le sage, indigné, les harangue ; Le sot plaint ces fous hasardeux ; Les enfants leur tirent la langue Et les filles se moquent d'eux.
C'est qu'odieux et ridicules, Et maléfiques en effet, Ils ont l'air, sur les crépuscules, D'un mauvais rêve que l'on fait ;
C'est que, sur leurs aigres guitares Crispant la main des libertés, Ils nasillent des chants bizarres, Nostalgiques et révoltés ;
C'est enfin que dans leurs prunelles Rit et pleure - fastidieux - L'amour des choses éternelles, Des vieux morts et des anciens dieux !
- Donc, allez, vagabonds sans trêves, Errez, funestes et maudits, Le long des gouffres et des grèves, Sous l'oeil fermé des paradis !
La nature à l'homme s'allie Pour châtier comme il le faut L'orgueilleuse mélancolie Qui vous fait marcher le front haut,
Et, vengeant sur vous le blasphème Des vastes espoirs véhéments, Meurtrit votre front anathème Au choc rude des éléments.
Les juins brûlent et les décembres Gèlent votre chair jusqu'aux os, Et la fièvre envahit vos membres, Qui se déchirent aux roseaux.
Tout vous repousse et tout vous navre, Et quand la mort viendra pour vous, Maigre et froide, votre cadavre Sera dédaigné par les loups !
Grotescos
Sus piernas por toda montura, Por todo bien el oro de sus miradas, Por el camino de las aventuras Marchan harapientos y huraños.
El prudente, indignado, los arenga; El tonto compadece a esos locos aventurados; Los niños les sacan la lengua Y las chicas se burlan de ellos.
Sin más que odiosos y ridículos, Y maléficos, en efecto, Y tienen el aire, en el crepúsculo, De un mal sueño.
Y con sus agrias guitarras, Crispando la mano de los liberados, Canturrean unos aires extraños, Nostálgicos y rebeldes.
Y es, en fin, que sus pupilas Ríe y llora – fastidioso- El amor de las cosas eternas, ¡Viejos muertos y antiguos dioses!
Id, pues, vagabundos sin tregua, Errad, funestos y malditos, A lo largo de los abismos y de las playas Bajo el ojo cerrado de los paraísos.
La naturaleza del mundo se aísla Para castigar como es preciso La orgullosa melancolía Que te hace marchar con la frente alta,
Y, vengando en ti la blasfemia De inmensas esperanzas vehementes, Hiere tu frente de anatema El rudo golpe de los elementos
Los junios y los diciembres Hielan tu carne hasta los huesos, Y la fiebre invade tus miembros Que se desgarran en los cañaverales.
¡Todo te rechaza y te aflige, y cuando la muerte venga a ti, flaco y frío, tu cadáver Será desdeñado por los lobos!Libellés : Paul Verlaine |
posted by Alfil @ 7:11 AM |
|
|