Paul Valéry -Le cimetière marin- |
mercredi, mai 26, 2004 |
Le cimetière marin Paul Valéry (1871-1945)
Ce toit tranquille, où marchent des colombes, Entre les pins palpite, entre les tombes; Midi le juste y compose de feux La mer, la mer, toujours recommencée O récompense après une pensée Qu'un long regard sur le calme des dieux!
Quel pur travail de fins éclairs consume Maint diamant d'imperceptible écume, Et quelle paix semble se concevoir! Quand sur l'abîme un soleil se repose, Ouvrages purs d'une éternelle cause, Le temps scintille et le songe est savoir.
Stable trésor, temple simple à Minerve, Masse de calme, et visible réserve, Eau sourcilleuse, Oeil qui gardes en toi Tant de sommeil sous une voile de flamme, O mon silence! . . . Édifice dans l'âme, Mais comble d'or aux mille tuiles, Toit!
Temple du Temps, qu'un seul soupir résume, À ce point pur je monte et m'accoutume, Tout entouré de mon regard marin; Et comme aux dieux mon offrande suprême, La scintillation sereine sème Sur l'altitude un dédain souverain.
Comme le fruit se fond en jouissance, Comme en délice il change son absence Dans une bouche où sa forme se meurt, Je hume ici ma future fumée, Et le ciel chante à l'âme consumée Le changement des rives en rumeur.
Beau ciel, vrai ciel, regarde-moi qui change! Après tant d'orgueil, après tant d'étrange Oisiveté, mais pleine de pouvoir, Je m'abandonne à ce brillant espace, Sur les maisons des morts mon ombre passe Qui m'apprivoise à son frêle mouvoir.
L'âme exposée aux torches du solstice, Je te soutiens, admirable justice De la lumière aux armes sans pitié! Je te tends pure à ta place première, Regarde-toi! . . . Mais rendre la lumière Suppose d'ombre une morne moitié.
O pour moi seul, à moi seul, en moi-même, Auprès d'un coeur, aux sources du poème, Entre le vide et l'événement pur, J'attends l'écho de ma grandeur interne, Amère, sombre, et sonore citerne, Sonnant dans l'âme un creux toujours futur!
Sais-tu, fausse captive des feuillages, Golfe mangeur de ces maigres grillages, Sur mes yeux clos, secrets éblouissants, Quel corps me traîne à sa fin paresseuse, Quel front l'attire à cette terre osseuse? Une étincelle y pense à mes absents.
Fermé, sacré, plein d'un feu sans matière, Fragment terrestre offert à la lumière, Ce lieu me plaît, dominé de flambeaux, Composé d'or, de pierre et d'arbres sombres, Où tant de marbre est tremblant sur tant d'ombres; La mer fidèle y dort sur mes tombeaux!
Chienne splendide, écarte l'idolâtre! Quand solitaire au sourire de pâtre, Je pais longtemps, moutons mystérieux, Le blanc troupeau de mes tranquilles tombes, Éloignes-en les prudentes colombes, Les songes vains, les anges curieux!
Ici venu, l'avenir est paresse. L'insecte net gratte la sécheresse; Tout est brûlé, défait, reçu dans l'air A je ne sais quelle sévère essence . . . La vie est vaste, étant ivre d'absence, Et l'amertume est douce, et l'esprit clair.
Les morts cachés sont bien dans cette terre Qui les réchauffe et sèche leur mystère. Midi là-haut, Midi sans mouvement En soi se pense et convient à soi-même Tête complète et parfait diadème, Je suis en toi le secret changement.
Tu n'as que moi pour contenir tes craintes! Mes repentirs, mes doutes, mes contraintes Sont le défaut de ton grand diamant! . . . Mais dans leur nuit toute lourde de marbres, Un peuple vague aux racines des arbres A pris déjà ton parti lentement.
Ils ont fondu dans une absence épaisse, L'argile rouge a bu la blanche espèce, Le don de vivre a passé dans les fleurs! Où sont des morts les phrases familières, L'art personnel, les âmes singulières? La larve file où se formaient les pleurs.
Les cris aigus des filles chatouillées, Les yeux, les dents, les paupières mouillées, Le sein charmant qui joue avec le feu, Le sang qui brille aux lèvres qui se rendent, Les derniers dons, les doigts qui les défendent, Tout va sous terre et rentre dans le jeu!
Et vous, grande âme, espérez-vous un songe Qui n'aura plus ces couleurs de mensonge Qu'aux yeux de chair l'onde et l'or font ici? Chanterez-vous quand serez vaporeuse? Allez! Tout fuit! Ma présence est poreuse, La sainte impatience meurt aussi!
Maigre immortalité noire et dorée, Consolatrice affreusement laurée, Qui de la mort fais un sein maternel, Le beau mensonge et la pieuse ruse! Qui ne connaît, et qui ne les refuse, Ce crâne vide et ce rire éternel!
Pères profonds, têtes inhabitées, Qui sous le poids de tant de pelletées, Êtes la terre et confondez nos pas, Le vrai rongeur, le ver irréfutable N'est point pour vous qui dormez sous la table, Il vit de vie, il ne me quitte pas!
Amour, peut-être, ou de moi-même haine? Sa dent secrète est de moi si prochaine Que tous les noms lui peuvent convenir! Qu'importe! Il voit, il veut, il songe, il touche! Ma chair lui plaît, et jusque sur ma couche, À ce vivant je vis d'appartenir!
Zénon! Cruel Zénon! Zénon d'Êlée! M'as-tu percé de cette flèche ailée Qui vibre, vole, et qui ne vole pas! Le son m'enfante et la flèche me tue! Ah! le soleil . . . Quelle ombre de tortue Pour l'âme, Achille immobile à grands pas!
Non, non! . . . Debout! Dans l'ère successive! Brisez, mon corps, cette forme pensive! Buvez, mon sein, la naissance du vent! Une fraîcheur, de la mer exhalée, Me rend mon âme . . . O puissance salée! Courons à l'onde en rejaillir vivant.
Oui! grande mer de délires douée, Peau de panthère et chlamyde trouée, De mille et mille idoles du soleil, Hydre absolue, ivre de ta chair bleue, Qui te remords l'étincelante queue Dans un tumulte au silence pareil
Le vent se lève! . . . il faut tenter de vivre! L'air immense ouvre et referme mon livre, La vague en poudre ose jaillir des rocs! Envolez-vous, pages tout éblouies! Rompez, vagues! Rompez d'eaux réjouies Ce toit tranquille où picoraient des focs!
El cementerio marino
Calmo techo surcado de palomas, palpita entre los pinos y las tumbas; mediodía puntual arma sus fuegos ¡El mar, el mar siempre recomenzado! ¡Qué regalo después de un pensamiento ver moroso la calma de los dioses!
¡Qué obra pura consume de relámpagos vario diamante de invisible espuma, y cuánta paz parece concebirse! Cuando sobre el abismo un sol reposa, trabajos puros de una eterna causa, el Tiempo riela y es Sueño la ciencia.
Tesoro estable, templo de Minerva, quietud masiva y visible reserva; agua parpadeante, Ojo que en ti guardas tanto sueño bajo un velo de llamas, ¡silencio mío!... ¡Edificio en el alma, mas lleno de mil tejas de oro. Techo!
Templo del Tiempo, que un suspiro cifra, subo a ese punto puro y me acostumbro de mi mirar marino todo envuelto; tal a los dioses mi suprema ofrenda, el destellar sereno va sembrando soberano desdén sobre la altura.
Como en deleite el fruto se deslíe, como en delicia truécase su ausencia en una boca en que su forma muere, mi futura humareda aquí yo sorbo, y al alma consumida el cielo canta la mudanza en rumor de las orillas.
¡Bello cielo real, mírame que cambio! Después de tanto orgullo, y de tanto extraño ocio, mas pleno de poderes, a ese brillante espacio me abandono, sobre casas de muertos va mi sombra que a su frágil moverse me acostumbra.
A teas del solsticio expuesta el alma, sosteniéndote estoy, ¡oh admirable justicia de la luz de crudas armas! Pura te tomo a tu lugar primero: ¡mírate!... Devolver la luz supone taciturna mitad sumida en sombra.
Para mí solo, a mí solo, en mí mismo, un corazón, en fuentes del poema, entre el vacío y el suceso puro, de mi íntima grandeza el eco aguardo, cisterna amarga, oscura y resonante, ¡hueco en el alma, son siempre futuro!
Sabes, falso cautivo de follajes, golfo devorador de enjutas rejas, en mis cerrados ojos, deslumbrantes secretos, ¿qué cuerpo hálame a su término y qué frente lo gana a esta tierra ósea? Una chispa allí pienso en mis ausentes.
Sacro, pleno de un fuego sin materia; ofrecido a la luz terrestre trozo, me place este lugar alto de teas, hecho de oro, piedra, árboles oscuros, mármol temblando sobre tantas sombras; ¡allí la mar leal duerme en mis tumbas!
¡Al idólatra aparta, perra espléndida! Cuando con sonrisa de pastor, solo, apaciento carneros misteriosos, rebaño blanco de mis quietas tumbas, ¡las discretas palomas de allí aléjalas, los vanos sueños y ángeles curiosos!
Llegado aquí pereza es el futuro, rasca la sequedad nítido insecto; todo ardido, deshecho, recibido en quién sabe qué esencia rigurosa... La vida es vasta estando ebrio de ausencia, y dulce el amargor, claro el espíritu.
Los muertos se hallan bien en esta tierra cuyo misterio seca y los abriga. Encima el Mediodía reposando se piensa y a sí mismo se concilia... Testa cabal, diadema irreprochable, yo soy en tu interior secreto cambio.
¡A tus temores, sólo yo domino! Mis arrepentimientos y mis dudas, son el efecto de tu gran diamante... Pero en su noche grávida de mármoles, en la raíz del árbol, vago pueblo ha asumido tu causa lentamente.
En una densa ausencia se han disuelto, roja arcilla absorbió la blanca especie, ¡la gracia de vivir pasó a las flores! ¿Dónde del muerto frases familiares, el arte personal, el alma propia? En la fuente del llanto larvas hilan.
Agudo gritos de exaltadas jóvenes, ojos, dientes, humedecidos párpados, el hechicero seno que se arriesga, la sangre viva en labios que se rinden, los dedos que defienden dones últimos, ¡va todo bajo tierra y entra al juego!
Y tú, gran alma, ¿un sueño acaso esperas libre ya de colores del engaño que al ojo camal fingen onda y oro? ¿Cuando seas vapor tendrás el canto? ¡Ve! ¡Todo huye! Mi presencia es porosa, ¡ la sagrada impaciencia también muere!
¡Magra inmortalidad negra y dorada, consoladora de horroroso lauro que matemal seno haces de la muerte, el bello engaño y la piadosa argucia! ¡Quién no conoce, quién no los rechaza, al hueco cráneo y a la risa eterna!
Deshabitadas testas, hondos padres, que bajo el peso de tantas paladas, sois la tierra y mezcláis nuestras pisadas, el roedor gusano irrebatible para vosotros no es que bajo tablas dormís, ¡de vida vive y no me deja!
¿Amor quizás u odio de mí mismo? ¡Tan cerca tengo su secreto diente que cualquier nombre puede convenirle! ¡Qué importa! ¡Mira, quiere, piensa, toca! ¡Agrádale mi carne, aun en mi lecho, de este viviente vivo de ser suyo!
¡Zenón! ¡Cruel Zenón! ¡Zenón de Elea! ¡Me has traspasado con tu flecha alada que vibra, vuela y no obstante no vuela! ¡Su son me engendra y mátame la flecha! ¡Ah! el sol... ¡Y qué sombra de tortuga para el alma, veloz y quieto Aquiles!
¡No! ¡No!... ¡De pie! ¡En la era sucesiva! ¡Cuerpo mío, esta forma absorta quiebra! ¡Pecho mío, el naciente viento bebe! Una frescura que la mar exhala, ríndeme el alma... ¡Oh vigor salado! ¡Ganemos la onda en rebotar viviente!
¡Sí! Inmenso mar dotado de delirios, piel de pantera, clámide horadada por los mil y mil ídolos solares, hidra absoluta, ebria de carne azul, que te muerdes la cola destellante en un tumulto símil al silencio.
¡Se alza el viento!... ¡Tratemos de vivir! ¡Cierra y abre mi libro el aire inmenso, brota audaz la ola en polvo de las rocas! ¡Volad páginas todas deslumbradas! ¡Olas, romped con vuestra agua gozosa calmo techo que foques merodean!
Versión de Javier Sologuren
Libellés : Paul Valéry |
posted by Alfil @ 8:35 PM |
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1 Comments: |
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Je suis en toi le secret changement.
"Yo soy en ti la secreta mudanza."
Me parece más cercano. Aunque eso es algo tan lejano de saberse.
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Je suis en toi le secret changement.
"Yo soy en ti la secreta mudanza."
Me parece más cercano.
Aunque eso es algo tan lejano de saberse.