Alfred de Vigny -La maison du berger -II- |
mardi, mai 11, 2004 |
La maison du berger (II) Alfred de Vigny (1797-1863)
Poésie ! ô trésor ! perle de la pensée ! Les tumultes du coeur, comme ceux de la mer, Ne sauraient empêcher ta robe nuancée D'amasser les couleurs qui doivent te former. Mais sitôt qu'il te voit briller sur un front mâle, Troublé de ta lueur mystérieuse et pâle, Le vulgaire effrayé commence à blasphémer.
Le pur enthousiasme est craint des faibles âmes Qui ne sauraient porter son ardeur ni son poids. Pourquoi le fuir ? - La vie est double dans les flammes. D'autres flambeaux divins nous brûlent quelquefois : C'est le Soleil du ciel, c'est l'amour, c'est la Vie ; Mais qui de les éteindre a jamais eu l'envie ? Tout en les maudissant, on les chérit tous trois. La Muse a mérité les insolents sourires Et les soupçons moqueurs qu'éveille son aspect. Dès que son oeil chercha le regard des Satyres, Sa parole trembla, son serment fut suspect, Il lui fut interdit d'enseigner la Sagesse. Au passant du chemin elle criait : Largesse ! Le passant lui donna sans crainte et sans respect.
Ah ! Fille sans pudeur ! Fille du Saint Orphée, Que n'as-tu conservé ta belle gravité ! Tu n'irais pas ainsi, d'une voix étouffée, Chanter aux carrefours impurs de la cité, Tu n'aurais pas collé sur le coin de ta bouche Le coquet madrigal, piquant comme une mouche, Et, près de ton oeil bleu, l'équivoque effronté.
Tu tombas dès l'enfance, et, dans la folle Grèce, Un vieillard, t'enivrant de son baiser jaloux, Releva le premier ta robe de prêtresse, Et, parmi les garçons, t'assit sur ses genoux. De ce baiser mordant ton front porte la trace ; Tu chantas en buvant dans les banquets d'Horace, Et Voltaire à la cour te traîna devant nous.
Vestale aux feux éteints ! les hommes les plus graves Ne posent qu'à demi ta couronne à leur front ; Ils se croient arrêtés, marchant dans tes entraves, Et n'être que poète est pour eux un affront. Ils jettent leurs pensers aux vents de la tribune, Et ces vents, aveuglés comme l'est la Fortune, Les rouleront comme elle et les emporteront.
Ils sont fiers et hautains dans leur fausse attitude ; Mais le sol tremble aux pieds de ces tribuns romains. Leurs discours passagers flattent avec étude La foule qui les presse et qui leur bat des mains Toujours renouvelé sous ses étroits portiques, Ce parterre ne jette aux acteurs politiques Que des fleurs sans parfums, souvent sans lendemains. Ils ont pour horizon leur salle de spectacle ; La chambre où ces élus donnent leurs faux combats Jette en vain, dans son temple, un incertain oracle, Le peuple entend de loin le bruit de leurs débats Mais il regarde encor le jeu des assemblées De l'oeil dont ses enfants et ses femmes troublées Voient le terrible essai des vapeurs aux cent bras.
L'ombrageux paysan gronde à voir qu'on dételle, Et que pour le scrutin on quitte le labour. Cependant le dédain de la chose immortelle Tient jusqu'au fond du coeur quelque avocat d'un jour. Lui qui doute de l'âme, il croit à ses paroles. Poésie, il se rit de tes graves symboles. Ô toi des vrais penseurs impérissable amour !
Comment se garderaient les profondes pensées Sans rassembler leurs feux dans ton diamant pur Qui conserve si bien leurs splendeurs condensées ? Ce fin miroir solide, étincelant et dur ; Reste des nations mortes, durable pierre ; Qu'on trouve sous ses pieds lorsque dans la poussière On cherche les cités sans en voir un seul mur.
Diamant sans rival, que tes feux illuminent Les pas lents et tardifs de l'humaine raison ! Il faut, pour voir de loin les Peuples qui cheminent, Que le Berger t'enchâsse au toit de sa Maison. Le jour n'est pas levé. - Nous en sommes encore Au premier rayon blanc qui précède l'aurore Et dessine la terre aux bords de l'horizon.
Les peuples tout enfants à peine se découvrent Par-dessus les buissons nés pendant leur sommeil, Et leur main, à travers les ronces qu'ils entr'ouvrent, Met aux coups mutuels le premier appareil. La barbarie encor tient nos pieds dans sa gaîne. Le marbre des vieux temps jusqu'aux reins nous enchaîne, Et tout homme énergique au dieu Terme est pareil.
Mais notre esprit rapide en mouvements abonde, Ouvrons tout l'arsenal de ses puissants ressorts. L'invisible est réel. Les âmes ont leur monde Où sont accumulés d'impalpables trésors. Le Seigneur contient tout dans m deux bras immenses, Son Verbe est le séjour de nos intelligences, Comme ici-bas l'espace est celui de nos corps.
La casa del pastor -II-
¡Oh, Poesía! ¡Oh, tesoro! ¡Oh, tú, perla mental! Los tumultos del pecho, las borrascas del mar no podrán impedir que tu ropa irisada junte tantos colores que al final te dan forma. Pero apenas te ven en la frente viril, ante el pálido brillo misterioso que tienes, todo el vulgo asustado lanza horribles blasfemias. Los espíritus débiles temen el puro ardor cuyo fuego acobarda. Mas, ¿por qué huir del fuego? Doblemente ardorosa es la vida entre llamas. Otros fuegos divinos nos consumen a veces: como el Sol de los cielos o el Amor o la Vida. Pero ¿quién ha querido apagarlos jamás? Maldecimos su ardor sin dejar de abrazarlos.
Bien merece la Musa la sonrisa insolente y el recelo burlón que provoca su aspecto. Cuando quiso atraer la mirada del sátiro su palabra tembló, quién creía en sus votos, y le fue prohibido seguir siendo saber. Cuando a todos pedía unas pocas monedas las monedas le daban sin temor ni respeto.
¡Moza impúdica, tú, hija de san Orfeo! ¿Por qué no sigues siendo bella y grave como antes?, ¿Por qué vas con voz ronca, por las encrucijadas más impuras cantando a través de ciudades? ¿Por qué has puesto en tus labios madrigales galantes y picantes, por qué ahora adornan tus ojos tan azules equívocos descarados y torpes?
Ya en tu misma niñez y en la Grecia alocada un ancianos` embriagándote con la fuerza del beso fue el primero en alzar tu sagrado ropaje, y como un mozo más te sentó en sus rodillas. De ese beso aún se ven en tu frente las huellas. Entre copas cantaste en banquetes de Horacio" y Voltaire en la corte te hizo ser diversión.
¡Renegada vestal! Los poetas más graves tu corona en su frente casi no osan ceñir; se avergüenzan, diríase, de seguirte los pasos, es afrenta para ellos ser tan sólo un poeta. Y así emplean sus dones en las altas tribunas, cuya fama, que es ciega, como lo es el Destino, va a arrastrarles con ella hasta hacer que se pierdan.
Orgullosos les vemos en su falsa actitud, cual tribunos romanos, pero pisan en falso. Sus discursos futiles buscan sólo el halago de la gente que escucha y que aplaude su voz; renovado sin tregua en lugar tan estrecho, este público arroja al político actor flores sin su perfume, ya marchitas mañana.
Su horizonte es la sala donde dan espectáculo; allí los elegidos sus combates simulan y en su templo pronuncian el oráculo incierto; oye el pueblo de lejos el rumor del debate, pero gusta mirar la asamblea y sus juegos como miran con susto las mujeres y niños la terrible experiencia del vapor de cien brazos.
Frunce el ceño el labriego al ver que dan de mano, que se deja el trabajo para hacer escrutinios. Sin embargo el desdén por la cosa inmortal' está muy arraigado en algún picapleitos. Él, que duda del alma, tiene fe en sus palabras. Poesía, él se mofa de tus símbolos graves, ¡oh tú, amor perdurable del que sí es pensador!
¿Cómo pueden guardarse las ideas profundas si su luz no se encierra en tu puro diamante, que conserva tan bien su fulgor concentrado? Este sólido espejo, deslumbrante y durísimo, es la piedra salvada de las muertas naciones, la que puede encontrarse cuando en medio del polvo alguien busca ciudades sin ver de ellas ni un muro.
¡Oh, diamante sin par, que tu brillo ilumine esos pasos tan lentos de la humana Razón! Para ver desde lejos el andar de los pueblos que te engaste el pastor en sus altos tejados. Todavía es de noche. Es aún el momento de la luz que se anuncia precediendo a la aurora y dibuja la tierra frente al amplio horizonte.
Aún muy niños los pueblos se descubren apenas entre breñas nacidas mientras ellos dormían, y su mano, a través de las zarzas que apartan, restañar se proponen sus heridas recíprocas. La barbarie aún nos tiene muy sujetos los pies. Medio cuerpo es de piedra por antiguas edades, y es igual que el dios Término cualquier hombre animosos.
Mas también nuestro espíritu sobreabunda en impulsos; empleemos a fondo el poder de sus medios. Lo invisible es real. Tiene el alma su mundo con tesoros sin cuento que no pueden palparse. Todo está en el Señor y en sus brazos inmensos, en su Verbo reside todo cuanto pensamos, como aquí es el espacio donde habitan los cuerpos.Libellés : Alfred de Vigny |
posted by Alfil @ 10:51 AM |
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