Georges Brassens -L'épave- |
mardi, décembre 12, 2000 |
L'épave Georges Brassens (1921-1981)
J'en appelle à Bacchus ! A Bacchus j'en appelle ! Le tavernier du coin vient d'me la bailler belle. De son établiss'ment j'étais l'meilleur pilier. Quand j'eus bu tous mes sous, il me mit à la porte En disant : " Les poivrots, le diable les emporte ! " Ça n'fait rien, il y a des bistrots bien singuliers...
Un certain va-nu-pieds qui passe et me trouve ivre Mort, croyant tout de bon que j'ai cessé de vivre (Vous auriez fait pareil), s'en prit à mes souliers. Pauvre homme ! vu l'état piteux de mes godasses, Je dout' qu'il trouve avec son chemin de Damas-se. Ça n'fait rien, il y a des passants bien singuliers...
Un étudiant miteux s'en prit à ma liquette Qui, à la faveur d'la nuit lui avait paru coquette, Mais en plein jour ses yeux ont dû se dessiller. Je l'plains de tout mon cœur, pauvre enfant, s'il l'a mise, Vu que, d'un homme heureux, c'était loin d'êtr' la ch'mise. Ça n'fait rien, y a des étudiants bien singuliers...
La femm' d'un ouvrier s'en prit à ma culotte. " Pas ça, madam', pas ça, mille et un coups de bottes Ont tant usé le fond que, si vous essayiez D'la mettre à votr' mari, bientôt, je vous en fiche Mon billet, il aurait du verglas sur les miches. " Ça n'fait rien, il y a des ménages bien singuliers...
Et j'étais là, tout nu, sur le bord du trottoir-e Exhibant, malgré moi, mes humbles génitoires. Une petit' vertu rentrant de travailler, Elle qui, chaque soir, en voyait un' douzaine, Courut dire aux agents : " J'ai vu que'qu' chos' d'obscène ! " Ça n'fait rien, il y a des tapins bien singuliers...
Le r'présentant d'la loi vint, d'un pas débonnaire. Sitôt qu'il m'aperçut il s'écria : " Tonnerre ! On est en plein hiver et si vous vous geliez ! " Et de peur que j'n'attrape une fluxion d'poitrine, Le bougre, il me couvrit avec sa pèlerine. Ça n'fait rien, il y a des flics bien singuliers...
Et depuis ce jour-là, moi, le fier, le bravache, Moi, dont le cri de guerr' fut toujours " Mort aux vaches ! " Plus une seule fois je n'ai pu le brailler. J'essaye bien encor, mais ma langue honteuse Retombe lourdement dans ma bouche pâteuse. Ça n'fait rien, nous vivons un temps bien singulier...
El desecho
¡Yo invoco a Baco! ¡A Baco yo invoco! El tabernero de la esquina acaba de pegármela bien. De su establecimiento yo era el mejor pilar. Cuando me bebí todo mi dinero, me puso en puerta Diciendo: “¡Al diablo con los borrachos!” No tiene importancia, hay mesones muy raros...
Un pobre descalzo que pasó y me encontró borracho Perdido, estando seguro que yo había dejado de vivir (vosotros habríais hecho lo mismo), me quitó los zapatos. ¡Pobre hombre! Visto el estado lamentable de mis alpargatas, dudo que encuentre con ellas su camino de Damasco. No tiene importancia, hay transeúntes muy raros...
Un estudiante zarrapastroso cogió mi camisa Que, en la oscuridad de la noche le pareció coqueta, Pero a la luz del día sus ojos han debido desengañarse. Lo compadezco de todo corazón, pobre chaval, si se la ha puesto, Ya que, de un hombre feliz, distaba mucho de ser la camisa. No tiene importancia, hay estudiantes muy raros...
La mujer de un obrero cogió mis pantlones. “No, señora, no, tantas miles de patadas han ido a parar a ellos que, si intentase ponérselos a su marido, muy pronto, se lo aseguro, tendrá hielo en los michelines”. No tiene importancia, hay formas de llevar la casa muy raras.
Y yo estaba allí, desnudo, en el borde de la acera Exhibiendo, a mi pesar, mis humildes genitales. Una chica alegre al volver de su trabajo, Ella, que cada noche ve una docena, Corrió a decirle a la policía: “¡He visto una cosa obscena!” No tiene importancia, hay zorras muy raras...
El representante de la ley vino, con un paso bonachón. Tan pronto como me vio gritó: “¡Diablos! Estamos en pleno invierno, ¡va usted a helarse!” Y temiendo que yo cogiese una pleuresía, El pobre, me tapó con su abrigo. No tiene importancia, hay policías muy raros...
Y desde entonces, yo, el orgulloso, el bravucón, Yo, cuyo grito de guerra fue siempre: “¡Muerte a la pasma!” No he podido gritarlo más ni una sola vez. Todavía lo intento, pero mi lengua avergonzada Cae pesadamente en mi boca pastosa. No tiene importancia, vivimos en un tiempo muy raro...
Versión de JesusLibellés : Georges Brassens |
posted by Alfil @ 6:53 PM |
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