Georges Brassens -Les ricochets- |
mardi, décembre 12, 2000 |
Les ricochets Georges Brassens (1921-1981)
J'avais dix-huit ans Tout juste et quittant Ma ville natale Un beau jour, ô gué! Je vins debarquer dans la capitale J'entrai pas aux cris D'"A nous deux Paris" En Ile-de-France Que ton Rastignac N'ait cure, ô Balzac ! De ma concurrence
Gens en place, dormez Sans vous alarmer, Rien ne vous menace Ce n'est qu'un jeune sot qui monte a l'assaut du p'tit Montparnasse On n's'etonnera pas Si mes premiers pas tout droit me menerent Au pont Mirabeau pour un coup de chapeau A l'Apolinaire.
Bec enfariné Pouvais-je deviner Le remue-menage Que dans mon destin Causerait soudain Ce plerinage ? Que circonvenu Mon coeur ingenu Allait faire des siennes Tomber amoureux De sa toute pre- miere Parisienne.
N'anticipons pas, Sur la berge en bas Tout contre une pile, La belle tachait D' fair' des ricochets D'un' main malhabile. Moi, dans ce temps-la Je n' dis pas cela En bombant le torse, L'air avantageux J'tais a ce jeu De premire force.
Tu m' donn's un baiser, Ai-je proposé A la demoiselle; Et moi, sans retard J' t'apprends de cet art Toutes les ficelles. Affaire conclue, En une heure elle eut, L'adresse requise. En change, moi J' cueillis plein d'émoi Ses lèvres exquises.
Et durant un temps Les journaux d'antan D'ailleurs le relatent Fallait se lever Matin pour trouver Une pierre plate. On redessina Du pont d'Iena Au pont Alexandre Jusqu' Saint-Michel, Mais notre echelle, La carte du tendre.
Mais c'tait trop beau: Au pont Mirabeau La belle volage Un jour se perchait Sur un ricochet Et gagnait le large. Ell' me fit faux-bond Pour un vieux barbon, La petite ingrate, Un Crsus vivant Detail aggravant Sur la rive droite.
J'en pleurai pas mal, Le flux lacrymal Me fit la quinzaine. Au viaduc d'Auteuil Parait qu'a vue d'œil Grossissait la Seine. Et si, pont d' l'Alma, J'ai pas noy ma Detresse ineffable, C'est qu' l'eau coulant sous Les pieds du zouzou etait imbuvable.
Et qu' j'avais acquis Cett' conviction qui Du reste me navre Que mort ou vivant Ce n'est pas souvent Qu'on arrive au havre. Nous attristons pas, Allons de ce pas Donner, debonnaires, Au pont Mirabeau Un coup de chapeau A l'Apollinaire.
Los rebotes
Yo tenía diecisiete años Justos y dejando Mi pueblo natal, Un buen día, ¡alehop! Desembarqué En la capital. No entré gritando “¡Prepárate París!” en la Isla de Francia. Que tu Rastignac No se preocupe ¡Oh Balzac! De mi competencia.
Gente laboriosa, dormid Sin alarmaros, Nada os amenaza. No es más que joven tonto Que viene al asalto Del pequeño Montparnasse. Nadie se asombrará Si mis primeros pasos Me llevaron derechito Al puente Mirabeau Para dar un sombrerazo A Apolinaire.
Tan tranquilo como iba, ¿Podía yo adivinar El revuelo Que en mi destino Causaría repentinamente Este peregrinaje? ¿Que engañado, mi corazón ingenuo iba a hacer de las suyas, a enamorarse de la primera parisina que llegase?
No nos anticipemos. En la orilla, allá abajo, Contra un pilar, La bella trataba De hacer rebotes Torpemente. Yo, por aquella época, No lo digo Sacando pecho, Como un presuntuoso, Yo tenía en ese juego Una gran habilidad.
Si me das un beso, Le propuse A la muchachita, Y yo, ahora mismo, Te enseño todos los secretos De este juego. Asunto concluido, En una hora ella tuvo, La destreza necesaria. A cambio, yo Recogí, lleno de emoción, Sus labios exquisitos.
Y durante un tiempo, Los diarios de entonces, Por cierto, lo cuentan, Hacía falta levantarse Temprano para encontrar Una piedra plana. Redibujamos Desde el puente de Iena Hasta el puente Alexandre, Hasta Saint-Michel, Pero a nuestra escala, El mapa de la ternura.
Pero era demasiado bello: En el Puente Mirabeau La bella infiel Un dia se posó Sobre un rebote Y se marchó. Me abandonó Por un viejo carcamal, La pequeña ingrata. Un Creso que vivía, Para más INRI En la orilla derecha.
Lloré mucho, El flujo lagrimal Duró quince días. En el viaducto d’Auteuil Parecía que a simple vista Crecía el Sena. Y si, desde el Puente d’Alma, No he ahogado Mi pena infinita, Es porque el agua que corría bajo Los pies del zuavo Era imbebible.
Y que yo había adquirido Esta convicción, que Por otra parte me duele, De que muerto o vivo No se llega muy a menudo A buen puerto. No nos pongamos tristes, Vayamos andando, A dar, de buena gana, Al puente Mirabeau Un sombrerazo A Apolinaire.
Versión de JesusLibellés : Georges Brassens |
posted by Alfil @ 8:12 AM |
|
|