Georges Brassens (1921-1981) Du temps que régnait le Grand Pan,
Les dieux protégaient les ivrognes: Des tas de génies titubants Au nez rouge, à la rouge trogne. Dès qu'un homme vidait les cruchons, Qu'un sac à vin faisait carousse Ils venaient en bande à ses trousses Compter les bouchons. La plus humble piquette était alors bénie, Distillée par Noé, Silène, et compagnie. Le vin donnait un lustre au pire des minus, Et le moindre pochard avait tout de Bacchus. Mais en se touchant le crâne, en criant " J'ai trouvé " La bande au professeur Nimbus est arrivée Qui s'est mise à frapper les cieux d'alignement, Chasser les Dieux du Firmament. Aujourd'hui ça et là, les gens boivent encore, Et le feu du nectar fait toujours luire les trognes. Mais les dieux ne répondent plus pour les ivrognes. Bacchus est alcoolique, et le grand Pan est mort. Quand deux imbéciles heureux S'amusaient à des bagatelles, Un tas de génies amoureux Venaient leur tenir la chandelle. Du fin fond du champs élysées Dès qu'ils entendaient un " Je t'aime ", Ils accouraient à l'instant même Compter les baisers. La plus humble amourette Etait alors bénie Sacrée par Aphrodite, Eros, et compagnie. L'amour donnait un lustre au pire des minus, Et la moindre amoureuse avait tout de Vénus. Aujourd'hui ça et là, les cœurs battent encore, Et la règle du jeu de l'amour est la même. Mais les dieux ne répondent plus de ceux qui s'aiment. Vénus s'est faite femme, et le grand Pan est mort. Et quand fatale sonnait l'heure
De prendre un linceul pour costume Un tas de génies l'œil en pleurs Vous offraient des honneurs posthumes. Et pour aller au céleste empire, Dans leur barque ils venaient vous prendre. C'était presque un plaisir de rendre Le dernier soupir. La plus humble dépouille était alors bénie, Embarquée par Caron, Pluton et compagnie. Au pire des minus, l'âme était accordée, Et le moindre mortel avait l'éternité. Aujourd'hui ça et là, les gens passent encore, Mais la tombe est hélas la dernière demeure Les dieux ne répondent plus de ceux qui meurent. La mort est naturelle, et le grand Pan est mort. Et l'un des dernier dieux, l'un des derniers suprêmes, Ne doit plus se sentir tellement bien lui-même Un beau jour on va voir le Christ Descendre du calvaire en disant dans sa lippe " Merde je ne joue plus pour tous ces pauvres types. J'ai bien peur que la fin du monde soit bien triste. " El Gran Pan
En el tiempo en que reinaba el Gran Pan, Los dioses protegían a los borrachos: Un montón de genios titubeantes Con la nariz roja, con los mofletes colorados. En cuanto que un hombre vacía los cantarillos, Que un borracho se ponía a beber Venían en bandadas, pisándole los talones A contar los tapones. El más humilde vino peleón era entonces bendecido, Destilado por Noé, Silene y compañía. El vino daba un lustre al peor de los tontos, Y el último de los borrachos tenía algo de Baco.
Pero tocándose el cráneo, gritando: “¡Lo encontré!” La banda del profesor Nimbus llegó Y se pusieron a destruir los cielos, A expulsar a los dioses del firmamento. Hoy día, por doquier, la gente bebe aún, Y el fuego del nectar hace aún lucir los mofletes. Pero los dioses no responden ya por los borrachos: Baco es un alcohólico y el gran Pan ha muerto.
Cuando dos atontados felices Se entretenían con tonterías, Un montón de genios amorosos Acudían a avivarles la pasión. Desde el fondo de los Campos Elíseos, En cuanto oían un “Te quiero”, Acudían al instante A contar los besos. El más humilde amorcillo Era entonces bendecido Santificado por Afrodita, Eros y compañía. El amor daba un lustre al peor de los tontos Y la última de las amantes era toda una Venus.
Hoy día, por doquier, los corazones laten aún, Y las reglas del juego del amor son las mismas, Pero los dioses no responden ya por los que se aman: Venus se ha hecho mujer y el gran Pan ha muerto.
Y cuando sonaba la hora fatal De ponerse una mortaja como traje Un montón de genios con los ojos llenos de lágrimas Nos ofrecían honores póstumos. Para ir hasta el celeste imperio, En su barca venían a recogerte. Era casi un placer dar El último suspiro. El más humilde despojo era entonces bendecido, Embarcado por Caronte, Plutón y compañía. Al peor de los tontos, le era dada un alma, Y hasta el último mortal tenía la eternidad.
Hoy día, por doquier, la gente muere aún, Pero la tumba es, ¡ay! la última morada Los dioses no responden ya por los que mueren: La muerte es algo natural y el gran Pan ha muerto. Y uno de los últimos dioses, uno de los últimos supremos, No debe de sentirse muy bien ni él mismo, Un buen día vamos a ver a Cristo Descender del Calvario, diciendo entre dientes: “¡Mierda! ¡Ya no trabajo más para toda esta pobre gente! Me temo que el fin del mundo sea muy triste”.
Versión de Jesus Libellés : Georges Brassens |