La bohème Charles Aznavour (1924- )
Je vous parle d'un temps Que les moins de vingt ans Ne peuvent pas connaître Montmartre en ce temps-là Accrochait ses lilas Jusque sous nos fenêtres Et si l'humble garni Qui nous servait de nid Ne payait pas de mine C'est là qu'on s'est connu Moi qui criait famine Et toi qui posais nue
La bohème, la bohème Ça voulait dire on est heureux La bohème, la bohème Nous ne mangions qu'un jour sur deux
Dans les cafés voisins Nous étions quelques-uns Qui attendions la gloire Et bien que miséreux Avec le ventre creux Nous ne cessions d'y croire Et quand quelque bistro Contre un bon repas chaud Nous prenait une toile Nous récitions des vers Groupés autour du poêle En oubliant l'hiver
La bohème, la bohème Ça voulait dire tu es jolie La bohème, la bohème Et nous avions tous du génie
Souvent il m'arrivait Devant mon chevalet De passer des nuits blanches Retouchant le dessin De la ligne d'un sein Du galbe d'une hanche Et ce n'est qu'au matin Qu'on s'assayait enfin Devant un café-crème Epuisés mais ravis Fallait-il que l'on s'aime Et qu'on aime la vie
La bohème, la bohème Ça voulait dire on a vingt ans La bohème, la bohème Et nous vivions de l'air du temps
Quand au hasard des jours Je m'en vais faire un tour A mon ancienne adresse Je ne reconnais plus Ni les murs, ni les rues Qui ont vu ma jeunesse En haut d'un escalier Je cherche l'atelier Dont plus rien ne subsiste Dans son nouveau décor Montmartre semble triste Et les lilas sont morts
La bohème, la bohème On était jeunes, on était fous La bohème, la bohème Ça ne veut plus rien dire du tout
La bohemia
Les hablo de un tiempo Que los menores de veinte años No pueden conocer Montmartre en esos tiempos Arrojaba sus lilas sobre nuestras ventanas Y si el humilde rincón que nos servía de nido no se puede costear Ahí fue donde nos conocimos Yo que gritaba hambre Y tú que posabas desnuda
la bohemia, la bohemia Eso quiere decir que éramos felices la bohemia, la bohemia No comíamos más que día por medio
En los cafés vecinos Eramos unos que esperábamos la gloria Bastante miserables Con el vientre vacío Nosotros allí no parábamos de creer Y cuando en alguna fuente de soda encontrábamos una buena comida caliente Tomábamos un trapo Recitábamos versos Juntos alrededor de la estufa Olvidando el invierno
la bohemia, la bohemia eso quiere decir tú eres linda la bohemia, la bohemia Y teníamos todos nuestro genio
A menudo me sucedía delante de mi caballete que pasaba noches en vela retocando el diseño de la línea de un seno de la silueta de una cadera Y no era sino hasta la mañana Que nos sentábamos finalmente delante de un café con crema Agotados pero embriagados Hace falta que nos amemos y que amemos la vida
la bohemia, la bohemia eso quiere decir que tenemos veinte años la bohemia, la bohemia Y vivimos del momento
Cuando algunos días por azar Me voy a dar una vuelta A mi antigua dirección No reconozco más Ni los muros, ni las calles Que vieron mi juventud Arriba de una escalera Busco el taller donde ya nada subsiste En su nueva decoración Montmartre se ve triste y las lilas están muertas
la bohemia, la bohemia Eramos jóvenes, éramos locos la bohemia, la bohemia eso ya no significa nada de nada.Libellés : Charles Aznavour |