jeudi, mai 25, 2006

Guillaume Apollinaire -La jolie rousse-

La jolie rousse
Guillaume Apollinaire (1880 - 1918)

Me voici devant tous un homme plein de sens
Connaissant la vie et de la mort ce qu'un vivant peut
connaître
Ayant éprouvé les douleurs et les joies de l'amour
Ayant su quelquefois imposer ses idées
Connaissant plusieurs langages
Ayant pas mal voyagé
Ayant vu la guerre dans l'Artillerie et l'Infanterie
Blessé à la tête trépané sous le chloroforme
Ayant perdu ses meilleurs amis dans l'effroyable lutte
Je sais d'ancien et de nouveau autant qu'un homme seul
pourrait des deux savoir
Et sans m'inquiéter aujourd'hui de cette querre
Entre nous et pour nous mes amis
Je juge cette longue querelle de la tradition et de l'invention
De l'Ordre et de l'Aventure

Vous dont la bouche est faite à l'image de celle de Dieu
Bouche qui est l'ordre même
Soyez indulgents quand vous nous comparez
A ceux qui furent la perfection de l'ordre
Nous qui quêtons partout l'aventure

Nous ne sommes pas vos ennemis
Nous voulons vous donner de vastes et étranges domaines
Où le mystère en fleurs s'offre à qui veut le cueillir
Il y a là des feux nouveaux des couleurs jamais vues
Mille phantasmes impondérables
Auxquels il faut donner de la réalité
Nous voulons explorer la bonté contrée énorme où tout se tait
Il y a aussi le temps qu'on peut chasser ou faire revenir
Pitié pour nous qui combattons toujours aux frontières
De l'illimité et de l'avenir
Pitié pour nos erreurs pitié pour nos péchés

Voici que vient l'été la saison violente
Et ma jeunesse est morte ainsi que le printemps
O Soleil c'est le temps de la Raison ardente
Et j'attends
Pour la suivre toujours la forme noble et douce
Qu'elle prend afin que je l'aime seulement
Elle vient et m'attire ainsi qu'un fer l'aimant
Elle a l'aspect charmant
D'une adorable rousse

Ses cheveux sont d'or on dirait
Un bel éclair qui durerait
Ou ces flammes qui se pavanent
Dans les rose-thé qui se fanent

Mais riez riez de moi
Hommes de partout surtout gens d'ici
Car il y a tant de choses que je n'ose vous dire
Tant de choses que vous ne me laisseriez pas dire
Ayez pitié de moi


La linda pelirroja

Estoy aquí delante de todos un hombre con sentido común
que conoce la vida y de la muerte lo que un hombre puede conocer
probó los dolores y los goces del amor
impuso algunas veces sus ideas
conoce varias lenguas
y no ha viajado poco
vio la guerra en la infantería y la artillería
herido en la cabeza trepanada bajo el cloroformo
perdió sus mejores amigos en la espantosa lucha
sé de lo antiguo y de lo nuevo lo que un hombre solitario puede saber de esas cosas
y sin inquietarme hoy de esta guerra
entre nosotros y para vosotros amigos míos
juzgo esta larga querella de la tradición y de la invención
del orden y de la aventura
Vosotros con la boca hecha a la imagen de la boca de Dios
boca que es el orden mismo
sed indulgentes al compararnos
con los que fueron la perfección y el orden
nosotros que siempre buscamos la aventura
no somos enemigos
Al queremos daros vastos y extraños dominios
donde el misterio germina para el que quiera cosecharlo
hay fuegos nuevos colores nunca vistos
mil fantasmas imponderables
para darles realidad
y explorar la bondad país enorme y silencioso
hay tiempo para desterrar
y tiempo para el regreso
piedad para nosotros que combatimos siempre en las fronteras
de lo ilimitado y lo porvenir
piedad para nuestros errores piedad para nuestros pecados
He aquí que viene el estío la estación violenta
y mi juventud ha muerto como la primavera
oh sol es el tiempo de la razón ardiente y espero
para seguir la forma noble y dulce
que adopta ella para que pueda amarla
llega y me atrae como al hierro el imán
tiene el aspecto encantadorde una adorable pelirroja
Sus cabellos son de oro se diría
un bello relámpago que nunca acaba
o esas llamas que presumen
en las rosas te marchitas ya
Reíd reíd de mí
hombres de todas partes sobre todo gentes de aquí
porque hay tantas cosas que no me atrevo a decir
tantas cosas que no me dejaríais decir
tened piedad de mí

Versión de José Umaña Bernal

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