Charles Baudelaire -L'Irrémédiable- |
dimanche, avril 23, 2006 |
L'Irrémédiable Charles Baudelaire (1821-1867)
I Une Idée, une Forme, un Etre Parti de l'azur et tombé Dans un Styx bourbeux et plombé Où nul oeil du Ciel ne pénètre;
Un Ange, imprudent voyageur Qu'a tenté l'amour du difforme, Au fond d'un cauchemar énorme Se débattant comme un nageur,
Et luttant, angoisses funèbres! Contre un gigantesque remous Qui va chantant comme les fous Et pirouettant dans les ténèbres;
Un malheureux ensorcelé Dans ses tâtonnements futiles Pour fuir d'un lieu plein de reptiles, Cherchant la lumière et la clé;
Un damné descendant sans lampe Au bord d'un gouffre dont l'odeur Trahit l'humide profondeur D'éternels escaliers sans rampe,
Où veillent des monstres visqueux Dont les larges yeux de phosphore Font une nuit plus noire encore Et ne rendent visibles qu'eux;
Un navire pris dans le pôle Comme en un piège de cristal, Cherchant par quel détroit fatal Il est tombé dans cette geôle;
- Emblèmes nets, tableau parfait D'une fortune irrémédiable Qui donne à penser que le Diable Fait toujours bien tout ce qu'il fait!
II Tête-à-tête sombre et limpide Qu'un coeur devenu son miroir! Puits de Vérité, clair et noir Où tremble une étoile livide,
Un phare ironique, infernal Flambeau des grâces sataniques, Soulagement et gloire uniques, - La conscience dans le Mal!
Lo irremediable
I Una Idea, una Forma, un Ser Surgido del azur y caído En una Estigia cenagosa y plomiza Donde ninguna mirada del Cielo penetra;
Un Ángel, imprudente viajero Que ha tentado el amor de lo informe, En el fondo de una pesadilla enorme Debatiéndose como un nadador,
Y luchando, ¡angustias fúnebres! Contra un gigantesco remolino Que va cantando como los locos Y pirueteando en las tinieblas;
Un desdichado hechizado En sus tanteos fútiles, Para huir de un lugar lleno de reptiles, Buscando la luz y la clave;
Un condenado descendiendo sin lámpara Al borde de un abismo cuyo olor Traiciona la húmeda profundidad, De eternas escaleras sin peldaños,
Donde velan monstruos viscosos Cuyos enormes ojos fosforescentes Hacen una noche más negra todavía Dejándoles visibles sólo a ellos;
Un navío apresado en el polo, Como en una trampa de cristal, Buscando por qué estrecho fatal Ha caído en aquel calabozo;
-Emblemas nítidos, cuadro perfecto De una fortuna irremediable, ¡Qué hace pensar que el Diablo Realiza siempre bien cuanto él hace!
II ¡Coloquio sombrío y límpido De un corazón convertido en su espejo! Pozo de la Verdad, claro y negro, Donde tiembla una estrella lívida,
Un faro irónico, infernal, Antorcha de gracias satánicas, Consuelo y gloria únicos, -¡La conciencia en el Mal!Libellés : Charles Baudelaire |
posted by Alfil @ 8:56 AM |
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