La cloche fêlée
Charles Baudelaire (1821-1867)
Il est amer et doux, pendant les nuits d'hiver,
D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume,
Les souvenirs lointains lentement s'élever
Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.
Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux
Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante,
Jette fidèlement son cri religieux,
Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente!
Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuis
Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits,
Il arrive souvent que sa voix affaiblie
Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie
Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts
Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.
La campana rajada
Es amargo y dulce, durante las noches de invierno,
Escuchar, cabe, el fuego que palpita y humea,
Los recuerdos lejanos lentamente elevarse
Al ruido de los carrillones que cantan en la bruma.
Bienaventurada la campana de garganta vigorosa
Que, malgrado su vejez, alerta y saludable,
Arroja fielmente su grito religioso,
¡Tal como un veterano velando bajo la tienda!
Yo, tengo el alma rajada, y cuando en su tedio
Ella quiere de sus canciones poblar el frío de las noches,
Ocurre con frecuencia que su voz debilitada
Parece el rudo estertor de un herido olvidado
Al borde de un lago de sangre, bajo un montón de muertos,
Y que muere, sin moverse, entre inmensos esfuerzos.
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