dimanche, avril 23, 2006

Charles Baudelaire -Tristesses de la Lune-

Tristesses de la Lune
Charles Baudelaire (1821-1867)

Ce soir, la lune rêve avec plus de paresse;
Ainsi qu'une beauté, sur de nombreux coussins,
Qui d'une main distraite et légère caresse
Avant de s'endormir le contour de ses seins,

Sur le dos satiné des molles avalanches,
Mourante, elle se livre aux longues pâmoisons,
Et promène ses yeux sur les visions blanches
Qui montent dans l'azur comme des floraisons.

Quand parfois sur ce globe, en sa langueur oisive,
Elle laisse filer une larme furtive,
Un poète pieux, ennemi du sommeil,

Dans le creux de sa main prend cette larme pâle,
Aux reflets irisés comme un fragment d'opale,
Et la met dans son coeur loin des yeux du soleil.


Tristezas de la Luna

Esta noche, la luna sueña con más pereza;
Tal como una beldad, sobre numerosos cojines,
Que con mano distraída y leve acaricia
Antes de dormirse, el contorno de sus senos,

Sobre el dorso satinado de las muelles eminencias,
Desfalleciente, ella se entrega a largos espasmos,
Y pasea sus miradas sobre las imágenes blancas
Que trepan hasta el azur como floraciones.

Cuando, a veces, sobre este globo, en su languidez ociosa,
Ella deja escapar una lágrima furtiva,
Un poeta piadoso, enemigo del sueño,

En la cavidad de su mano coge esta lágrima pálida,
Con reflejos irisados, como un fragmento de ópalo,
Y la coloca en su corazón lejos de las miradas del sol.

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