Châtiment de l'Orgueil
Charles Baudelaire (1821-1867)
En ces temps merveilleux où la Théologie
Fleurit avec le plus de sève et d'énergie,
On raconte qu'un jour un docteur des plus grands,
- Après avoir forcé les coeurs indifférents;
Les avoir remués dans leurs profondeurs noires;
Après avoir franchi vers les célestes gloires
Des chemins singuliers à lui-même inconnus,
Où les purs Esprits seuls peut-être étaient venus,
- Comme un homme monté trop haut, pris de panique,
S'écria, transporté d'un orgueil satanique:
"Jésus, petit Jésus! je t'ai poussé bien haut!
Mais, si j'avais voulu t'attaquer au défaut
De l'armure, ta honte égalerait ta gloire,
Et tu ne serais plus qu'un foetus dérisoire!"
Immédiatement sa raison s'en alla.
L'éclat de ce soleil d'un crêpe se voila
Tout le chaos roula dans cette intelligence,
Temple autrefois vivant, plein d'ordre et d'opulence,
Sous les plafonds duquel tant de pompe avait lui.
Le silence et la nuit s'installèrent en lui,
Comme dans un caveau dont la clef est perdue.
Dès lors il fut semblable aux bêtes de la rue,
Et, quand il s'en allait sans rien voir, à travers
Les champs, sans distinguer les étés des hivers,
Sale, inutile et laid comme une chose usée,
Il faisait des enfants la joie et la risée.
Castigo del Orgullo
En los tiempos espléndidos en que la Teología
floreció con mayor savia y energía,
cuéntase que un doctor de los más eminentes,
-tras haber convertido almas indiferentes
y haberlas convertido en sus negros abismos;
tras haberles abierto hacia la gloria empírea
caminos singulares, para él mismo secretos
por donde sólo cruzan los espíritus puros-,
como un hombre engreído, presa total de pánico,
exclamó, poseído de un orgullo satánico:
"¡Jesús, pobre Jesús, te he puesto muy en alto!
Pero, si atacarte yo me hubiera propuesto,
no sería menor tu afrenta que tu gloria
ni tú serías más que un objeto irrisorio".
De inmediato huyó de él la razón.
Los rayos de ese sol veló negro crespón;
el caos ocupó aquella inteligencia,
otrora templo vivo, todo orden y opulencia,
bajo cuyo techo tanta pompa habitaba.
El silencio y la noche se instalaron en él
como en una cripta cuya llave se pierde.
Fue semejante, entonces, a bestia callejera
y cuando, sin ver nada, por los campos pasaba,
sin distinguir siquiera veranos de inviernos,
sucio, inútil, grotesco, corno una cosa usada,
servía a los muchachos de jolgorio y de mofa.
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