Renée Vivien -Les êtres de la nuit- |
jeudi, mai 06, 2004 |
Les êtres de la nuit Renée Vivien (Grand Bretagne, 1877 - 1909)
Les êtres de la nuit et les êtres du jour Ont longtemps partagé mon âme, tour à tour. Les êtres de la nuit m’ont fait craindre le jour.
Car les êtres du jour sont triomphants et libres, Nulle secrète horreur ne fait vibrer leurs fibres, Ils ont le regard clair de ceux qui naissent libres.
Les êtres de la nuit sont lents, passifs et doux, Leur âme est comme un fleuve obscur et sans remous, Leurs gestes sont furtifs et leurs rires sont doux.
Mais les êtres du jour ont des prunelles claires, De ce bleu que voient seuls les aigles dans leurs aires. Le jour fait resplendir ces prunelles trop claires.
Ce sont les yeux aigus des héros et des rois Du Nord qu’on entend rire au fond des palais froids, Et les reines dont l’âme a dominé les rois.
Les êtres de la nuit sont craintifs, mais dans l’ombre Un phosphore inconnu luit en leur regard sombre: Les êtres de la nuit ne vivent que par l’ombre.
Les êtres de la nuit sont faibles et charmants: Ils trompent, et ce sont les fugitifs amants, Les amantes aux cœurs perfides et charmants.
Ils détournent, dans le baiser, leur froide bouche, Et leur pas se dérobe ainsi qu’un vol farouche On ne boit qu’un baiser décevant sur leur bouche.
Il faut craindre l’attrait des êtres de la nuit, Car leur corps souple glisse entre les bras et fuit, Et leur amour n’est qu’un mensonge de la nuit.
Los Seres de la noche
Los Seres de la noche y los Seres del día Se reparten, por turnos, desde antaño mi alma. Los Seres de la noche me hacen temer el día.
Pues los Seres del día son triunfantes y libres, Ningún horror secreto hace vibrar sus fibras. Tienen el mirar limpio de los que nacen libres.
Los Seres de la noche, lentos, pasivos, dulces, Tienen alma de río sosegado y oscuro. Sus gestos son furtivos y sus risas son dulces.
Mas los Seres del día tienen pupilas claras, De ese azul que ve sólo un águila en su cielo. El día da esplendor a pupilas tan claras.
Son los vívidos ojos de héroes y de reyes Del Norte, que se ríen en sus palacios gélidos, De reinas cuyas almas dominaron a reyes.
Los Seres de la noche son cautos: en la sombra, Fósforo misterioso se enciende en su mirada. Los Seres de la noche sólo habitan la sombra.
Los Seres de la noche, débiles, deliciosos, Hacen errar, pues son amantes fugitivos, Amantes con entrañas pérfidas, deliciosas.
Desvían, en el beso, su muy frígida boca Y flaquea su paso como en un gesto huraño. Sólo se bebe un beso mentido de su boca.
Temerás la atracción de los Seres nocturnos. Pues su cuerpo flexible resbala entre los brazos Y huye: su amor es sólo mentira de la noche.Libellés : Renée Vivien |
posted by Alfil @ 10:00 PM |
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muy lindo poema